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Billet de blog 23 juin 2013

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L'islam n'est pas un problème, l'islamophobie si !

En cas d'agressions, de violences, une manœuvre classique de diversion consiste à inverser les rôles : faire passer la victime pour coupable, faire passer l'agresseur pour une victime.L'exemple classique est celui qui consiste à dire que la femme violée avait une tenue provocante, et sous-entendre que c'est de sa faute.

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En cas d'agressions, de violences, une manœuvre classique de diversion consiste à inverser les rôles : faire passer la victime pour coupable, faire passer l'agresseur pour une victime.

L'exemple classique est celui qui consiste à dire que la femme violée avait une tenue provocante, et sous-entendre que c'est de sa faute.

Dans le champ politique, l'extrême-droite essaie actuellement de faire oublier l'assassinat de Clément Méric en prétextant la violence des « antifa ». Elle est suivie par une partie des commentateurs qui renvoient dos-à-dos la « violence des extrêmes », et transforment un lynchage à mort en une bagarre entre bandes rivales. Cela est fait en méprisant complètement les faits.

Que les (présumés) coupables ou complices tentent de faire oublier leurs exactions, c'est dans l'ordre des choses. De même pour une partie de la droite qui prépare une « grande coalition » avec le FN, voire même avec d'autres groupes de l'extrême-droite.

Une autre technique, plus perverse, consiste à faire dévier le débat. Par exemple, faire dévier un débat sur les crimes de la colonisation vers ceux commis par Samory Touré ou Chaka Zoulou. Si c'est fait par des défenseurs du système colonial, on peut considérer cela comme étant « de bonne guerre ». Si c'est fait par un anticolonialiste proclamé, on est en droit de se demander s'il ne s'est pas trompé de camp1.

Si un militant antiraciste, ou qui se croit tel, au lieu de dénoncer les violences privées et publiques faites aux Roms, passe son temps à dénoncer certaines pratiques, vraies ou supposées, minoritaires ou majoritaires, de ces mêmes Roms, le tout après une pétition de principe condamnant le racisme anti-roms, il y a un sérieux problème de cohérence ou d'honnêteté intellectuelle.

Trop souvent également, on a entendu ou lu des propos du genre « Je ne suis pas antisémite, mais il faut reconnaître que les Juifs... ». Ce genre de déclarations peut être facilement classé dans la rubrique « antisémitisme sournois ou honteux ».

Il y a actuellement en France un recrudescence visible des violences islamophobes et de l'islamophobie institutionnelle. J'appelle islamophobie institutionnelle toutes les déclarations, des pouvoirs publics, des élus, des médias dominants qui posent comme principe l'existence d'un « problème musulman », avec des prétextes divers : sécurité et défense contre le terrorisme, laïcité, droits de la femme.

Cette islamophobie institutionnelle sert ensuite de prétexte et d'argument aux violences islamophobes.

Et là aussi, la machine à faire diversion fonctionne à plein. L'excellent2 article de Carine Fouteau sur la situation à Argenteuil pour Mediapart avait ce dimanche en début d'après-midi plus de 700 commentaires, dont une cinquantaine de la même personne. Si on considère que ces commentaires en ont suscité au moins autant en réponse (rarement favorables), cela signifie que 15 % des commentaires ont été générés par une seule personne. Personne qui a d'ailleurs un blog sur Mediapart et qui en ferme courageusement les commentaires dès qu'il pressent qu'il va se faire étriller sur ses sujets de prédilection.

Ce ne serait que demi-mal si ces commentaires portaient sur le fond de l'article, à savoir l'islamophobie ambiante en France et la manière dont elle est vécue par les musulmans. Non, ils portent sur le port de certaines tenues, comme si dans l'exemple de la femme violée en début d'article, le débat portait sur la longueur de la jupe et la profondeur du décolleté de la victime...

Alors, je demande aux spécialistes auto-proclamés de l'islam et/ou de la laïcité de :

  • travailler leur sujet avant de s'exprimer

  • le faire de manière exhaustive : les lois laïques (en France) ne se limitent pas à celles de 1905 et 2004. elles sont elles-même le fruit de processus historiques, qu'il faut contextualiser. La France n'est pas non plus le nombril du monde et le phare éclairant les nations. D'autres pays ont eux aussi légiféré sur la question et ce n'est pas parce que leurs solutions sont différentes qu'elles sont forcément mauvaises. Si on veut parler de l'islam, qui a une histoire de 14 siècles, dans des pays forts différents, avec une multiplicité d'écoles de pensée, il faut l'analyser dans sa globalité. Je donne le même conseil pour l'étude des autres religions.

  • Choisir leurs références, leur vocabulaire, et évitant les importations frauduleuses de concepts forgés par l'extrême-droite islamophobe.

    Et s'ils n'y arrivent pas, il leur restera la choix entre se taire ou bien « faire leur outing », avouer que finalement, leur préoccupation n'est pas la lutte contre le racisme, mais la lutte contre les religions, et une plus que les autres, et tant pis s'il y a des victimes collatérales. Et tant pis aussi si ces victimes sont surtout des femmes.

1 Ce qui ne signifie pas que les militants anticolonialistes doivent nier ou minimiser la réalité des sociétés précoloniales. Aujourd'hui, la critique de la politique chinoise au Tibet ne doit pas valoir approbation du régime féodal et théocratique précédent, et réciproquement.

2 J'écris excellent, non pas parce que j'en approuve les conclusions, mais parce qu'elles font suite à une enquête de terrain, avec des interlocuteurs divers.

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