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Billet de blog 23 juillet 2014

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Importer le conflit ou communautariser les enjeux ?

Précisions préalables :Dans tout pays du monde, il y a, dans des proportions variables, des citoyens qui s'intéressent à ce qui se passe ailleurs, qui se sentent concernés, qui essaient d'agir, et d'autres qui s'en f.. complètement et ne s'intéressent qu'à leur confort personnel.Cela dépend aussi de la possibilité d'une expression libre et de l'écho que donnent les médias, gouvernementaux ou autres, à ce qui se passe dans le reste du monde.Je dis tout cela en préambule pour ne pas être soupçonné d'opposer un peuple français idéalisé, porteur des valeurs universelles, etc.. aux autres.Revenons au sujet.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Précisions préalables :

Dans tout pays du monde, il y a, dans des proportions variables, des citoyens qui s'intéressent à ce qui se passe ailleurs, qui se sentent concernés, qui essaient d'agir, et d'autres qui s'en f.. complètement et ne s'intéressent qu'à leur confort personnel.

Cela dépend aussi de la possibilité d'une expression libre et de l'écho que donnent les médias, gouvernementaux ou autres, à ce qui se passe dans le reste du monde.

Je dis tout cela en préambule pour ne pas être soupçonné d'opposer un peuple français idéalisé, porteur des valeurs universelles, etc.. aux autres.

Revenons au sujet.

« Importer les conflits » est une (bonne) habitude française.

En 1827, Victor Hugo a écrit ceci sur la lutte des Grecs contre les Turcs1 :

Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l'île des vins, n'est plus qu'un sombre écueil,
Chio, qu'ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un choeur dansant de jeunes filles.

(..)

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?
- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.

En 1848, on criait « Vive la Pologne » dans les rues de Paris.

Pendant la guerre des Boers, une bonne partie de l'opinion publique (et des médias) avaient pris le parti de ces derniers contre les Britanniques.

Plus près de nous, des Français se sont mobilisés contre le racisme aux États-Unis, l'apartheid en Afrique du Sud, la guerre américaine au Viet-Nam.

D'autres ont aussi défendu des thèses contraires, et ce n'est pas Gérard Longuet qui me contredira.

En 1967, la presse et l'opinion publique défendent majoritairement « David contre Goliath », c'est-à-dire l'État d'Israël contre ses voisins arabes.

En 1956, 1968, 1980, beaucoup de Français se sentent solidaires des Hongrois, Tchécoslovaques, Polonais.

Et on pourrait multiplier les exemples.

Jamais personne n'a évoqué à cette occasion une « importation du conflit ». Ceux qui ont contesté telle ou telle position « importée » l'ont fait au nom d'une autre position « importée » : le « monde libre » contre la « patrie des travailleurs », etc..

Et l'engagement inverse est également vrai :

Je me souviens d'une déclaration du très réactionnaire Alexandre Sanguinetti, qui avait perdu une jambe lors du débarquement de l’île d'Elbe : « J'ai eu l'honneur de commander des Espagnols républicains et des antifascistes italiens ».

Ça avait une autre allure que cette déclaration de François Hollande, parlant de « de ne pas se laisser entraîner par des querelles qui sont trop loin d'ici pour être importées ».

De cela, il n'y a pas grand chose à dire, si ce n'est qu'il faut en tirer les conséquences :

  • Demander que les citoyens renoncent à avoir une opinion sur la politique extérieure de leur pays, en attendant de leur demander de n'en avoir sur aucun sujet.

  • Proposer que ce même pays (pouvoirs publics, simples citoyens) renonce à vouloir exercer une influence quelconque dans la marche du monde. Faut-il d'ailleurs rendre notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité aux Nations Unies ?

  • Corrélativement, renoncer à tout jamais que les citoyens d'autres pays se sentent concernés par les affaires françaises.

Et enfin, quelle est la bonne distance ? Est-on à la bonne distance pour exprimer son amour d'Israël, mais trop loin pour affirmer son souci de justice ?

Le Mali, la RCA, est-ce trop loin pour qu'on y intervienne ?

A l'ère d'Internet, il faut moins d'une seconde pour que des images fassent le tour de la planète ! Mais il faudrait des siècles pour que les Français réagissent.

Communautariser les enjeux est une (mauvaise) habitude gouvernementale.

Nous vivons dans une république laïque, qui ne reconnaît (politiquement2) ni ne subventionne aucun culte.

Bien entendu, les croyants, comme les incroyants, ont le droit de participer à la vie politique, d'avoir une opinion et de l'exprimer. C'est aussi valable pour les responsables religieux. Et chacun a le droit de trouver cette opinion bonne ou mauvaise, et de le dire.

Après le drame d'Ouvéa, le gouvernement Rocard avait envoyé une mission de conciliation en Nouvelle-Calédonie, pilotée par Christian Blanc. Elle comprenait des dignitaires religieux et francs-maçons, uniquement pour des raisons d'efficacité, pour activer des réseaux pouvant contacter Canaques et Caldoches. Et chacun était persuadé que le conflit était colonial, pas religieux. Cette mission a débouché sur les « Accords de Matignon ».

Le conflit Israël-Palestine n'est pas un conflit religieux, c'est d'abord un conflit colonial, même si certains essaient de trouver des raisons religieuses pour s'y engager.

Là-bas, « si loin », comme ici en France, le meilleur moyen d'arriver à des positions rationnelles, première étape vers des solutions politiques acceptables, est d'éliminer toute justification religieuse, même s'il faut prendre en compte, uniquement comme éléments de contexte, les aspirations religieuses des uns et des autres.

Il faut parler confiscations de terres, de l'eau, destructions de maisons, d'arbres, faire des comparaisons avec la colonisation de l'Algérie, la conquête de l'Ouest américain, etc..

Mais la pire chose à faire est d'en faire un affrontement « juifs contre musulmans », d'autant plus que parmi les soutiens à l'une ou l'autre cause, il y a des gens de toutes confessions religieuses, ou d'aucune, et que les croyants ou présumés tels peuvent se moquer complètement de ce que racontent leurs « guides spirituels » supposés.

Les responsables religieux peuvent avoir un avis sur la question, on peut le leur demander, mais il faut d'abord le demander aux organisations de la société civile dont c'est la nature même.

Alors, erreur d'analyse grossière ou manipulation ?? La même démarche avait été engagée lors des émeutes urbaines de 2005.

Et parmi les leaders religieux conviés à l'Élysée, il y a Hassen Chalghoumi, toujours là dans ces occasions.

Et je pose la question : Qui l'a fait roi ?

Dans les appareils religieux, il y a trois grands modèles de désignation des responsables, avec toutes les formes intermédiaires.

Le modèle presbytéral : les ministres du culte sont choisis par les fidèles, ou certains d'entre eux (conseils presbytéraux réformés, consistoires juifs).

Le modèle pyramidal hiérarchisé : le pape nomme les évêques, qui ordonnent les prêtres.

Le modèle politique : au sommet de la pyramide, il y a, non pas un dignitaire religieux, mais le pouvoir politique. C'est ainsi que Chalghoumi est devenu « imam de Drancy », intronisé par le maire centriste, les médias et le CRIF3. Finalement, qui représente-t-il ? Ceux qui l'ont fait roi ?

1http://www.gauchemip.org/spip.php?article10230

2En clair, la loi de 1905 supprime la distinction entre les quatre cultes « reconnus », c'est-à-dire financés, et les autres.

3http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/03/24/01016-20090324ARTFIG00649-l-imam-de-drancy-prone-l-ouverture-.php

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