
L’été dernier fut d’ailleurs émaillé d’histoire de piscines. Ainsi les habitués de la presse locale ont pu voir régulièrement des articles sur les « squatteurs » de piscine, des «hordes de jeunes » dixit notre journal préféré connu pour ses titres chocs, s’introduisant dans les piscines des résidences privées pour profiter d’un point d’eau. Ces intrusions ont quelquefois été accompagnées d’invectives et d’insultes, beaucoup plus rarement de coups. Ce phénomène déboucha même sur l’arrestation d’un adolescent, Yacuba, accusé à tort d’avoir participé à une rixe en bord de piscine (confondu avec un autre en réalité, Yacuba était d’ailleurs chez lui ce jour là…), et qui avant d’être innocenté a quand même effectué deux mois de prison…
Au-delà du fait divers et des violences inadmissibles mais heureusement rares dont ont pu être l’objet des riverains, derrière les squats de piscine et leur eau chlorée se pose en fait la question du droit à la ville pour tou-te-s… Car face à ce phénomène des « squats » de piscine il faut tout de même conclure à un manque d’accessibilité et d’équipement public aquatique. Seule la députée de Haute-Garonne et deuxième adjointe au Maire de Toulouse, Laurence Arribagé, n’a pas su voir de corrélation entre la fermeture successive des piscines de quartiers et l’augmentation des « squats » des piscines privées. En effet Laurence Arribagé ne cumule pas que des mandats mais aussi quelques contradictions, elle qui avait annoncé un « plan Marshall » pour les piscines toulousaines, ça ressemble plutôt à la RDA avant la chute du mur…
En effet, nombre de piscines de quartier prennent l’eau ces derniers mois (ce jeu de mot est un hommage à La Dépêche) : la piscine Pradier, celle de Cugnaux, celle en cours d’Ancely (nous y reviendrons), celles qui doivent être rénovées mais où la Mairie ne veut pas s’engager : comme celle d’Alban-Minville à Bellefontaine, la piscine Jany des Argoulets (trop petite au vu de sa fréquentation), et bien sûr les quartiers ou aucun équipement n’existe : Montaudran, Cartoucherie... Cette mise en péril des piscines de quartier participe à la ségrégation spatiale et font de la piscine un bien individuel plus que collectif. Derrière cette question c’est bien une manière de poser le vivre ensemble qui se pose. Car oui nous avons tou-te-s en tête les piscines de quartier où les enfants crient, se poussent malgré les interdictions des maîtres nageurs que les ados narguent mais qu’ils sont bien contents de savoir là en cas de pépin ou de crampe en plein milieu du bassin… C’est aussi cette jeune mère de famille qui fait son aqua-gym, cette ancienne bonnet de bain sur la tête qui fait tranquillement ses longueurs, ce quarantenaire qui sort du travail et espère échapper sous l’eau aux soucis du boulot.
Bref, les piscines de quartiers c’est aussi notre vie ensemble et elles permettent d’être un lieu pour cimenter du lien au-delà des différences de chacun. Un lien de plus en plus distendu par les logiques de séparation socio-spatiale, par les interactions exacerbées dans les grandes métropoles. Cet enjeu, les habitant-e-s du quartier d’Ancely l’ont bien compris, eux qui se battent pour la sauvegarde de leur piscine de quartier. Ces irréductibles sont d’ailleurs plus proches des romains que des gaulois pour le coup, eux qui sont d’un quartier situé à quelques dizaines de mètres des Arènes romaines. Car si un historien de la piscine existe, il ne pourra éluder l’héritage de la civilisation romaine sur cette question avec les Thermes, et l’importance du lien dans nombre de cités antiques de ceux-ci. D'ailleurs la piscine romaine d'Ancely croupit toujours dans la cave d'un immeuble depuis sa découverte en 1966, et mériterait que l'on mette les moyens pour effectuer des fouilles archéologiques.
Dans cette lignée les piscines doivent être vues comme un véritable outil de service public et de vivre ensemble et non comme un bien privé auquel seuls ceux qui peuvent se payer une piscine auraient droit. Alors que Toulouse avec la piscine Nakache possède la plus grande piscine de France avec un bassin de 150 mètres et une plage pouvant accueillir 9 000 personnes, ce qui n’a pas empêché sa fermeture jusqu’au 27 juin dernier pour cause d’Euro 2016, Toulouse doit aussi se doter et réaménager ses piscines de quartier afin que tou-te-s ses habitant-e-s puissent en profiter, à fortiori ceux qui ne partent pas en vacances et qui bien souvent sont les mêmes qui ne peuvent se payer une piscine sur un espace qu'ils ne possèdent pas.
La piscine est donc une question de droit à la ville mais doit aussi nous interroger sur l’impact écologique d’une politique municipale délaissant les piscines de quartier. En effet, les constructeurs s’adaptent de plus en plus et les particuliers peuvent désormais trouver des modèles « XS ». Il n’est pas question de jeter ici la pierre aux personnes installant une piscine chez elles, beaucoup s’ils en avaient l’occasion le feraient, moi le premier. Cependant on ne peut continuer l’hypocrisie « développement durable » sans qu’il y ait une véritable politique collective de gestion des ressources et de l’eau utilisée dans les piscines en particulier. Il est certain que si tous les quartiers étaient dotés de piscines fonctionnelles, beaucoup de personnes préféreraient mettre leur argent dans d’autres postes de dépense qu’une piscine. Il y a donc une véritable question écologique qui est posée par la gestion municipale des piscines, peut être Jean Luc Moudenc, le maire de Toulouse, s’en est il rendu compte lui qui a contredit son adjointe récemment en annonçant aux habitant-e-s d’Ancely que la Mairie allait prendre en charge la rénovation de leur piscine pour moitié à condition que le conseil départemental s'engage lui aussi même s'il nie la validité d'une convention obligeant la Mairie à réparer la piscine. Un nouveau bras de fer entre Mairie et Conseil Départemental pendant que les habitant-e-s attendent, car la piscine de l’avenir doit bien être dans les quartiers, accessible à tou-te-s et pas réservée aux ghettos de riches. Sous les flots du bassin c’est en fait les questions sociales, écologiques, de sécurité et de vivre ensemble que l’on trouve si nous plongeons les yeux ouverts.