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Violette, rose, verte, jaune, rouge et noire, bref Toulouse. Donner des éclats d'écologie et de solidarité à la capitale de la chocolatine.

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Billet de blog 14 avril 2017

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Vous ne savez toujours pas pour qui voter? Demandez son avis à la Khaleesee!

Plus que quelques jours et vous ne savez toujours pas pour qui votez ? Mieux vous vous dites que plutôt qu’aller faire la file d’attente devant l’isoloir le week end prochain vous feriez mieux de revoir les saisons de Game of Thrones avant la sortie de la septième ? C’est un choix entendable, mais en fait vous êtes vous demandé pour qui voterait la Khaleesee?

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Illustration 1

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, la Khaleesee est un personnage majeur de Game of Thrones, la série de Georges R Martin. Beaucoup de textes ont déjà été écrits sur les enseignements politiques de celle-ci, Podemos en a même fait un livre (Les leçons politiques de Game of Thrones), et on ne saurait trop vous conseiller de la voir pour cet angle, comme pour bien d’autres : parcours de personnages, scénario, dialogues...

De son vrai nom Daenerys Targaryen, la Khaleesee donc, est une jeune fille exilée dans le « Continent Est », elle va réussir au cours d’un long périple à se débarrasser de son frère autoritaire, à surmonter la mort de son époux Khal Drogo et l’exode de son peuple avant de commencer la conquête de plusieurs cités dans sa marche vers le pouvoir ultime que convoitent de nombreux autres personnages: l’accession au Trône de Fer.

Pour se faire elle va mettre en pratique un certain nombre de préceptes du philosophe Antonio Gramsci, qui lui n’est pas un personnage de la série mais a bien vécu dans la première moitié du XXème siècle. Ainsi comprend-elle que pour gagner ces villes elle doit d’abord mener une « Guerre de Position » prônée par le stratège italien, c’est à dire gagner la bataille des idées en insinuant les siennes dans les têtes avant de penser à l’accession au pouvoir.

A cette fin la Khaleesee apprend toujours la langue des peuples qu’elle prétend gouverner, elle leur parle avec des mots qu’ils comprennent et sait se mettre à hauteur. Ce n’est pas juste des mots, c’est savoir de quels sujets parler, dans quelle hiérarchie et avec qui. Cette pratique lui demande de remettre en cause ses présupposés et un de faire un effort intellectuel sur ses certitudes pour convaincre Elle utilise également la force de persuasion de ses dragons qui font figure d’arme nouvelle qui s’ils lui servent dans les conflits armés, lui serviront avant tout à impressionner et à se faire entendre. Enfin, elle propose un projet émancipateur dans ces cités esclavagistes qui trace un conflit clair, intelligible et assumé entre le « nous » des exploités et le « eux » des exploiteurs : abolir l’esclavage. Ces trois ingrédients, associés à une détermination sans faille, son « optimisme de la volonté », lui permettent ensuite de passer victorieusement à la Guerre de Mouvement, celle de la prise du pouvoir, s’appuyant sur les nombreuses personnes qu’elle a rallié à sa cause en les affranchissant notamment, mais aussi en les convainquant à force d’outils et de discours persuasifs.

Assurément la Khaleessee reconnaîtrait sûrement dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon et de la France Insoumise une de ses lointaines petites filles.

D’abord parce que la France Insoumise a été capable de trouver du « sens commun » comme dirait Gramsci, c’est à dire de parler aux personnes avec des mots concrets pour elles, et non pas (ou moins qu’avant ) emprunté au langage technocratique du type « projet partagé », « développement durable », même si on trouve encore des anomalies de type « mixité sociale ». Elle réussit même à presque éviter les formules toutes faites de la gauche traditionnelle, elle a su hiérarchiser les sujets politiques par rapport à l’intérêt des groupes de personnes, et reprendre à son compte des symboles délaissés par la gauche à l’extrême droite : le drapeau tricolore, la Marseillaise, la question de la souveraineté populaire…

Ensuite, car si la France Insoumise n’a pas de dragons elle a su miser sur l’impact des réseaux sociaux comme jamais cela n’avait été le cas dans une campagne électorale française, et plus largement sur le numérique : vidéos you tube, jeu en ligne, hologrammes… Ces outils de communication permettent de mettre en valeur le programme très abouti de L’avenir en commun qui propose un horizon d’émancipation sur la question de la répartition des richesses, de l’emploi avec la transition écologique, et d’un changement de régime éventuel. Enfin et c’est important, la France Insoumise récolte les fruits du talent de son tribun, au dessus du lot depuis quelques années déjà, et de sa clarté sur sa ligne de fracture avec le gouvernement actuel mais aussi le précédent.

Mais au-delà de ces atouts, la France Insoumise bénéficie de deux moments qui la projette en avant.

Le premier est ce que l’historien romain Tite-Live nommait « l’interrègne », ce fameux moment où l’ancien refuse à mourir et le nouveau ne parvient pas à naître. En l’occurrence cet instant où les deux partis principaux, qui ont exercé peu ou prou les mêmes politiques économiques et sociales depuis 1983 et ne se distinguent quasiment plus l’un de l’autre, s’effondrent ou se réfugient dans leur ultime alliage en la personne d’Emmanuel Macron, ce que Gramsci explique dans les concepts de Transformismo et de crise organique. Cette déliquescence de l’ancien ordre est en plus facilité par les casseroles que traînent le candidat LR, et par l’incohérence des membres du PS à se situer entre le candidat vainqueur de leursPrimaires et Emmanuel Macron.

Le second moment est sûrement le plus important car tout aussi profond mais plus mobilisateur : cette campagne suit un mouvement social qui a certainement été plus fort qu’on ne le croit dans la fameuse Guerre de Position : le mouvement contre la Loi Travail. Jean-Luc Mélenchon ne s’y trompe pas, lui qui affirme souvent qu’il abrogera cette loi en cas de victoire, faisant de sa candidature un moyen de poursuivre électoralement ce combat.

Si en effet l’on observe le mouvement sur la loi Travail, il fut entamé par une guerre de communication via un film populaire comme « Merci Patron » ainsi que par les réseaux sociaux et On vaut mieux que ça. Ces deux axes de bataille permirent dès le début de susciter l’indignation, la révolte et de légitimer le combat de terrain mené ensuite par les mouvements de base, entendre ici qui luttent quotidiennement sur le terrain, dont certaines associations et syndicats la CGT en tête suivi de Solidaires et du DAL notamment, malgré les attaques à répétition dont ils ont été la proie ces dernières années. Le débat fut ensuite porté sur les places publiques par Nuit Debout et la lutte de terrain su se diversifier via des actions comme celle du collectif Y a pas d’arrangement à Toulouse par exemple.

Ce mouvement social s’il n’a pas atteint son objectif premier, à savoir le retrait de la Loi Travail, a réussi toutefois à gagner la Guerre de Position sur la question de société qu’elle posait. En effet toutes les enquêtes d’opinion réalisées ont montré le rejet par une grande majorité de personnes de la loi, ce qui a participé également à discréditer de façon indélébile le Parti Socialiste et rendu la conflictualité entre le « nous » et le « eux » plus lisible sur la question sociale. Surtout, en proposant de nouvelles formes d’implications bien plus complémentaires que concurrentielles, ce mouvement a ouvert des voies jusqu’ici inimaginables dans le milieu militant traditionnel.

Le mouvement lancé lors de la Loi Travail est en réalité une vague de fond qui n’a pas fini de dérouler et dont la France Insoumise semble avoir pris le bon rouleau.

Pour elle la station espérance a été passée, celle de la victoire est peut être la prochaine et se ne sera pas la plus facile, Khaleesee en sait quelque chose. Souvenons nous ainsi du moment où ses dragons deviennent hors mesure pour elles, son refuge reste ses soldats affranchis, qui se battent sur le terrain, et qu’elle avait un peu délaissé depuis sa conquête de la cité Meereen. C’est aussi le défi pour la France Insoumise si elle veut tenir : trouver l’équilibre entre l’arme bling bling des réseaux sociaux et celle de l'ombre des militants du quotidien, entre un activisme « twitter » et un militantisme « ter/ter ».

En attendant la Khaleesee souhaiterait sûrement à la France Insoumise que ses dragons volent aussi loin que les siens : direction Westeros et le fameux Trône de fer.

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