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Billet de blog 16 mai 2015

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Prise d'otage en cours au Livret A!

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Prise d'otage du Livret A en cours !

Ce texte n'a pas vocation à être scientifique mais une mise au point sur la manière dont le gang de la FBF prend en otage le principal financement du logement social. J'ai utilisé comme principales sources les excellents ouvrages d'Attac et Basta , Le Livre noir des banques, et du DAL et de la Fondation Copernic, En finir d'urgence avec le logement cher.

Petit Rappel : crise de 2008, qui paiera les dégâts ?

Est-il utile de rappeler le braquage du gang des banquiers après une crise économique qu'il a lui même provoqué en 2008, crise aussi dite des subprimes. Déclenchée au deuxième semestre 2006 avec le krach des prêts immobiliers à risque aux États-Unis (subprimes), que les emprunteurs, souvent issus des classes populaires, n'étaient plus capables de rembourser.

En Europe on estime que les états européens ont dû mobiliser 4 500 milliards euros, soit 37% du PIB (Produit Intérieur Brut) de l'UE (Union Européenne) pour éviter que le système bancaire ne s'écroule. Pour faire face à la crise de nombreux états ont été contraints d'accepter les aides de l'UE et du FMI soumises à des plans d'austérité. L'exemple de la Grèce est consternant : augmentation du nombre de suicides ( plus de 44% entre 2007 et 2011), hausse de la mortalité infantile (plus de 44% dans la même période), 180 000 entreprises qui ont fermé, plus du quart de la population au chômage, 45% de la population sous le seuil de pauvreté, un accès aux soins, à la retraite fortement remis en cause.

Dans l'hexagone en 2008, l'état mobilise 360 milliards d'euros pour aider les banques nationales, dont 320 de garanties, c'est plus que le budget annuel de l'Etat. Trois ans plus tard en 2011, la BCE (Banque Centrale Européenne) via la banque de France est contrainte de prendre le relais pour prêter à nouveau aux banques françaises, qui manquent de liquidité à hauteur de 232 milliards d'euros. Pourtant, dès 2009 les banques françaises annonçaient plus de 11 milliards d'euros de bénéfices, pour 2013 on approche les 18 milliards d'euros.

C'est via la Société de Prise de Participation de l'Etat (SPPE) que nos impôts soutiennent les banques françaises, dont les quatre principales sont  la BPCE (Banque Populaire-Caisse d'Epargne), la Société Générale, le Crédit Agricole, BNP Paribas.

Parallèlement à ses dons des gouvernants « UMPS », le coût économique est important : la dette publique de la France est passée de 60% du PIB en 2006 à 93% en 2013, pendant que l'on estime que 70 milliards d'euros par an se volatilisent dans l'évasion fiscale. Si les banques savent redistribuer leurs pertes aux classes populaires et moyennes, elle savent également très bien privatiser les profits des quelques milliers de traders, actionnaires et dirigeants bancaires, véritables assistés et profiteurs.

Les milliards de leurs profits s'accumulent sur les millions d'humains qui en France subissent l'exclusion sociale : 3,6 millions de mal-logés, 5,2 millions de chômeurs, 8,6 millions de pauvres... Et paradoxalement 2,4 millions de millionnaires (!). Ce qui montre que la crise est toute relative pour certains privilégiés.

Si le coût humain de la crise en France est moindre que dans d'autres pays européens il reste tangible, la question du logement le montre bien. De 70 000 jugements d'expulsion en 1998, on est passé à 125 000 en 2013 et l'on considère que 13 000 expulsions avec recours à la force publique ont lieu chaque année... Le nombre de personnes à la rue a aussi augmenté fortement passant de 90 000 en 2001 à 140 000 en 2013.

Les effets collatéraux de la crise de 2008 se répercutent directement sur les classes populaires, les droits humains en paient les dégâts : santé, éducation, alimentation et logement. Un des casses les plus dangereux organisé par les membres du gang de la FBF (Fédération Bancaire Française), qui regroupe toutes les grandes banques françaises pour faire du lobbyng auprès des gouvernants, est celui de l'argent qui permet la construction et l'entretien du logement social.

Main basse sur le financement du logement social.

 Le logement social, quelques chiffres.

 En France 58 % des ménages sont propriétaires occupants, 20 % sont locataires d’un bailleur privé, 17 % locataires d’un organisme de logement social (répartis dans 5,1 millions logement sociaux) ; 5 % occupent un autre type de logement (autre locatif public,meublés, logements gratuits notamment). Les organismes HLM logent ainsi environ 10 millions de personnes.

Par rapport à la structure de la population française, les habitants du parc locatif social se caractérisent par une surreprésentation des familles monoparentales (20 % des ménages logés par les organismes contre 9 % dans l’ensemble de la population) et des locataires de nationalité étrangère (10% contre 5%) et par le caractère modeste de leurs revenus.

En 2011, le secteur HLM représentait :

  • 16,5 milliards d’euros d’investissements,

  • 18,5 milliards d’euros de loyers (et 4,8 milliards de charges récupérables),

  • 2,8 milliards d’euros de dépenses d’entretien, soit 15% des loyers,

  • 7,9 milliards d’euros affectés aux annuités de dette (intérêts de la dette et remboursement en capital) soit 43% des loyers,

  • 1,9 milliard d’euros de taxe sur le foncier bâti, soit 10% des loyers.

  • 110 milliards d’euros de dettes financières locatives.

Autant d'argent à capter pour les banques...

Source : Semaine HLM.

Sur la voie de la privatisation et de la dérégulation :

Dans les décennies 1980-1990, on observe l'arrivée des codes issus du monde de l'entreprise, cela aboutit en 2009 à la loi Boutin qui stipule que tous les offices HLM s'alignent sur les règles de la comptabilité privée.

Auparavant, la privatisation des bailleurs sociaux par le biais de la gouvernance des SA HLM avait été enclenchée via la loi Borloo (2003) qui réforme les règles de gouvernance.

Jusqu'ici le CA (Conseil d'Administration) des SA (Sociétés Anonymes) HLM était divisé en 4 collèges égaux entre le bailleur et les locataires, le nombre de voix était limité à dix par actionnaire. Désormais, il y a un actionnaire de référence constitué au maximum de trois personnes morales liées par un pacte d'actionnaires, qui détient nécessairement la majorité du capital, la SA HLM est donc dirigée par le financeur, dans de nombreux cas le MEDEF via le canal du 1% logement (rebaptisé "Action Logement", c'est une participation des entreprises, appelé aussi Participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC), versée avant le 31 décembre de chaque année. Elle concerne les entreprises de 20 salariés et plus, appartenant au secteur privé non agricole. Elle représente 0,45% de la masse salariale de l'année précédente).

La marchandisation des terrains par le biais des démolitions, la dérégulation des loyers, la privatisation partielle de la production HLM sont d'autres effets de cette privatisation rempante.

Source : En finir d'urgence avec le logement cher, DAL-Copernic.

 Les braqueurs du FBF : quand les banques volent l'argent du logement social.

Le livret A c'est quoi ? ça sert à quoi ?

Produit d'épargne créé il y a deux siècles, en 1818 pour combler le déficit laissé par les guerres de Napoléon Bonaparte, le livret A est très populaire puisqu'on en compte actuellement 63 millions. Ce que l'on sait moins c'est que l'argent placé dans les Livrets A sert à financer le logement social. Cela a permis récemment la mise en chantier ou l'acquisition de 110 000 nouveaux logements, la plupart à loyers encadrés en 2013, 105 000 en 2012, et la réhabilitation de 450 000 logements pendant ces deux années selon la Banque de France.

Ce système de financement est solide et peu coûteux et sert ainsi des financements d'intérêt social, 4 logements sociaux sur 5 sont mis en chantier en France grâce au Livret A. Cette épargne réglementée est dirigée vers des prêts consentis en priorité aux bailleurs sociaux, aux collectivités territoriales ou aux PME. Tous ces prêts faits par la CDC (Caisse des Dépôts et de Consignations) ont des effets immédiats : emplois dans le BTP pour la construction du logement social. Les prêts sont à long terme avec des taux inférieurs à 3,5% et fixés en transparence, contrairement aux 6% habituels chez les banques privées.

Initialement le Livret A ne pouvait être distribué que par trois banques : la Banque Postale (publique), puis la Caisse d'Epargne, et le Crédit Mutuel (pour leurs statuts coopératifs).

Fin 2012, le nombre de livrets A dont le solde est inférieur à 1 500 € représentait 64,2 % du total des livrets A, seuls 2,3 % des livrets A étaient crédités d'un solde supérieur au plafond

2006 : Début de la planification de la prise d'otage.

Considéré comme un monopole par les autres banques, le Livret A attire l'appétit de celles-ci. En 2006 le Crédit Agricole et la banque néerlandaise ING entreprennent alors une action au niveau européen, jugeant le mode de distribution du Livret A incompatible avec le droit communautaire.

La commissaire européenne à la concurrence de l'époque, la néerlandaise Neelie Kroes (proche des milieux financiers, ayant siégé à des conseils d'administration de fonds de pension et d'investissements néerlandais) adresse une mise en demeure, le 10 mai 2007, à l'Etat français pour réformer ce système. Le maintien de ces droits spéciaux est selon Bruxelles contraire à «la libre prestation des services ».

La réforme entre en application en 2009, toutes les banques peuvent alors proposer le Livret A à leurs clients. Une partie de l'épargne (65%) est centralisée à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), sous contrôle du Parlement. Les banques peuvent utiliser les 35% restants pour investir, accorder des crédits, mais elles doivent en théorie rendre compte à la Banque de France de l'utilisation qu'elles en font. Sur 100 euros, 65 remontent à la CDC et 35 demeurent au sein des banques. La Fédération Bancaire Française ne cesse de demander la baisse du taux de centralisation et la limitation du plafond des livrets d'épargne (pour pouvoir récupérer le surplus sur d'autres comptes notamment les assurances vie).

Les banques autorisées à commercialiser le Livret A, sont en plus rémunérées sur commission, en échange de leur « travail de collecte « (0,4% des encours centralisés, soit un petit milliard d'euros).

Débuté en 2006, ce braquage atteint aujourd'hui les 400 milliards d'euros pour les livrets d'épargne populaire. Il s'agit de l'argent placé sur les Livret A (259,8 milliards), Livret LDD (Livret Développement Durable), LEP (Livret d'Epargne Populaire) ; cette épargne est normalement réservée au logement social, PME, transition énergétique.

Les vautours ont des griffes : les leviers des banques pour tuer les livrets d'épargne populaires.

 Comment parler des braqueurs sans évoquer ceux qui font les repérages. Les agences de notation critiquent le Livret A considérant que cette épargne réglementée empêcherait les banques de financer l'économie réelle...

Le lobbying paye, car depuis 2009 les montants de l'épargne réglementée que les banques peuvent garder en leur sein sont passés de 100 à 165 milliard d'euros dont 30 milliards piochés en juillet 2013 par le ministre de l'économie, Pierre Moscovici dans les coffres de la CDC au profit des banques, ce montant pourrait atteindre 190 milliards en 2011. Le « cadeau Moscovici » peut servir d'exemple : prenons le coût d'un logement social sur la fourchette haute, selon une étude de la CDC de novembre 2012, 110 000 euros pour un 50 m² en zone tendue. Si l'on prend le « cadeau Moscovici » de 30 milliards cela aurait permis la construction de 272 727 logements...

Outre ce premier casse, d'autres leviers sont utilisés par les banques pour piller le Livret A.

 1: Baisser le plafond du Livret A.

Hollande avait promis de monter le plafond du Livret A à 30 600 euros par compte, cela aurait permis d'avoir davantage de fonds pour le financement du logement social. Finalement sous le lobby des banques, sa légendaire détermination a fondu, et le plafond des 63 millions de Livret A ne sera relevé que de moitié : 22 950 euros.

2: Contourner les obligations.

Comment les banques contournent leurs obligations ?

Les banques doivent théoriquement utiliser au minimum 80% de cette épargne pour le financement des PME et 10% pour la rénovation thermique des bâtiments.

C'est l'Observatoire de l'Epargne Réglementée sous la tutelle de la Banque de France, présidée par son gouverneur, Christian Noyer qui est chargé de vérifier l'utilisation de cette épargne par la CDC et les banques. D'après monsieur Noyer tout se passe bien mais selon Henri Emmanuelli, président de la Commission de surveillance de la CDC depuis juillet 2012, les banques n'ont jamais fourni de rapports précis et clairs sur leurs engagements.

Les critères permettent aux banques de justifier de l'emploi de cet argent de manière floue.

3: Baisser le taux du Livret A.

 Le but est de jouer sur le levier du taux du Livret A qui est passé à l'été 2015 de 1,25 à 1% alors que le lobby demandait 0,75%. Il devient dès lors difficile pour l'épargne populaire de concurrencer les assurances vie avec un taux de 3%.

4: Devenir les financeurs-promoteurs direct des HLM.

 Ce que les banquiers veulent c'est que les HLM s'adressent directement aux banques, d'autant plus que plusieurs gros promoteurs immobiliers sont devenus la propriété de ces mêmes banques. Kaufman et Broad est lié à la BNP Paribas, Sogeprom à la Société Générale, Nexity à la BPCE.

S'ajoute à cela que depuis 2009 et la loi Boutin les bailleurs sociaux sont autorisés à acheter des logements aux promoteurs. L'argument avancé était de soutenir les promoteurs face à la crise en leur ouvrant un nouveau secteur, mais les locataires HLM vont devoir payer les profits du promoteur ce qui va certainement se répercuter sur le loyer... Si les banques deviennent les financeurs, elles peuvent imposer leur promoteur qu'il faudra rémunérer en conséquence, le coût de la construction pèsera sur les loyers de locataires.

Réduire les marges de la CDC c'est aussi réduire les possibilités d'emprunt à long terme des bailleurs sociaux qui proposent des logements à loyer encadré.

 Et si on arrêtait le braquage !

Débuté en 2006, le braquage en cours s'élève à presque 260 milliards d'euros donnés par les gouvernements UMPS aux banques sur le dos du financement du logement social. La captation de l'argent du Livret A impacte la construction et la réhabilitation du parc du logement social mais va aussi provoquer une hausse des loyers, les promoteurs futurs étant liés aux banques.

Les plus grands voleurs ne sont pas ceux qui entrent avec une cagoule dans la banque mais ceux qui dans les bureaux ou les marchés financiers gèrent notre argent.

 Rendez nous notre argent ! Rendez nous nos logements !

-Doublons le plafond du Livret A.

-Remise en cause de la composition de l'Observatoire de l'épargne réglementée avec Noyer et les banquiers nommés « personnalités qualifiées », il faut que cet observatoire compte un nombre important de représentants de locataires élus démocratiquement.

-Centralisation des fonds à 100% par la CDC (Caisse des Dépôts et des Consignations).

-Construction de 200 000 HLM/an et 400 000 réhabilitations lourdes/ an

-3 milliards d'euros d'aide à la pierre (aide à la construction).

-Récupérer les 260 milliards d'Euros donnés aux banques et les réinjecter dans le logement social.

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