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Billet de blog 11 janvier 2018

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Féminisme contre féminisme, un simple conflit de génération ?

On assiste depuis deux jours à plus qu’une polémique – un affrontement entre deux conception du féminisme qui ont chacune leurs défenseurs. Les forces en présence semblent pour l’instant très inégales.

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D’un côté, les tenants d’une parole enfin libérée, qui font pleuvoir les accusations contre des hommes qui, à un moment où à un autre de leur vie, ont abusé du pouvoir dont ils disposaient pour agresser, voire violer des femmes par la force, la ruse ou le chantage. Ces femmes, longtemps murées dans un silence dû à de tels traumatismes et, trop souvent, à un sentiment de honte et d’humiliation, quand ce n’était pas à cause de la réception qu’elles avaient reçue lors de leur dénonciation d’alors. Insidieusement ou de façon à peine voilée, à celles qui osaient malgré tout franchir le pas d’aller raconter leur agression à des représentants d’une loi que ces derniers étaient sensés faire appliquer, ces auxiliaires de justice les accueillaient trop souvent non comme des victimes de délits, voire de crimes, mais comme plaignantes dénonçant des faits sans importance, quand ce n’étaient pas comme des aguicheuses qui l’avaient bien cherché. Ou alors, c’était la peur de se voir fermer des portes dans un milieu professionnel aux postes de responsabilité verrouillés par des hommes agissant par réflexe de caste. La crainte du regard des autres et d’une image personnelle altérée venait s’ajouter à tous ces motifs.

Ces femmes et tous ceux qui les soutiennent revendiquent aujourd’hui avec la véhémence et la légitimité que leur confèrent tant d’années de silence et le courage que leur donnent les confessions de vedettes connues du public, puissamment relayées par les media d’information – pour qui la mise à bas de l’image d’icônes masculines est très vendeuse auprès de leurs audiences respectives – revendiquent le statut de victimes et réclament à leurs États respectifs des moyens radicaux de mettre fin à cet état de fait.

De l’autre côté, les tenants d’un féminisme de combat, qui ne méconnaissent pas ces pratiques et qui les condamnent avec fermeté mais qui, en même temps, critiquent ce qu’ils appellent victimisation de la femme, donc une autre forme de tutelle de la part d’un genre masculin tout puissant qui l’aurait asservie depuis la nuit des temps. Pour ces porte-parole d’un féminisme pro-actif et non réactif, il serait au contraire urgent de de conquérir un statut d’égalité entre les sexes par des postures et non par des revendications.

Revendiquer, c’est se reconnaître inférieur ou en tout cas comme dépendant au niveau de ses droits, comme un salarié fait dépendre son salaire de la bonne volonté de son patron et, lorsqu’il n’obtient pas ce qu’il estime légitime, se met en grève pour obtenir satisfaction. Certes, il cherche à imposer un rapport de force, mais c’est en se posant comme victime d’une injustice de la part d’un dominant.

Pour ces féministes, au contraire, il s’agit pour la femme de démontrer au quotidien sa liberté d’agir et son refus des contraintes imposées par les hommes, d’opposer un refus clair et appuyé lors de comportement intrusif ou malveillants, attitude visible par tous pour décourager les agresseurs, ne pas hésiter à imposer l’écoute et l’application de la loi lorsque, malgré tout, elles ont été victimes d’une agression ou, pire, d’un viol. Ce féminisme rejoint sans nul doute celui de ses détracteurs sur le fait qu’il affirme qu’une telle victime doit refuser de taire ce dont elle a été victime et cesser d’avoir d’elle-même une image dégradante.

Les plus emblématiques de ces féministes sont les femmes qui, dès la fin des sixties, rendaient publique le fait de pratiquer la contraception ou d’avoir subi un avortement, à une époque où de tels propos et surtout, de tels actes, étaient punis par la loi. C’étaient déjà – et elles affirment l’être encore aujourd’hui – des militantes du féminisme au même titre que celles qui les accusent aujourd’hui d’en être des adversairses.

Se réclamer de ce féminisme agissant, c’est pour elles en même temps refuser les excès de cette libération de la parole qui assimile désormais des comportements qui s’apparentent à la séduction et non à des actions réellement agressives, au concept d’agression à caractère sexuel dirigée contre une femme. « On s’en remet. » disait ce mercredi soir Sophie de Menthon au micro de C dans l’air. Une remarque leste ou grivoise, une plaisanterie lourde, un humour déplacé, sont autant d’actes « graves » qui devraient être réprimés et punis par la loi. Du coup, un animateur de télévision se retrouve avec une pluie de protestations pour une blague douteuse qui aurait fait rire en privé mais qui, racontée en public, lui vaut d’être renvoyé sans autre forme de procès.

Refuser ce féminisme de victimisation, c’est assumer un statut d’égalité aussi au niveau de la sexualité et accepter la drague, voire la pratiquer au nom du droit à séduire. C’est lutter contre les discriminations en les dénonçant et en refusant le chantage à l’emploi qui les accompagne trop souvent. C’est ne pas chercher soi-même pour une femme à séduire plus qu’à convaincre, ce qui peut aller jusqu’à adopter un vêtement jugé sexy lorsqu’on se rend à un oral d’examen ou un entretien d’embauche pour tenter d’augmenter ses chances de succès. C’est aussi juger intutile, voir stupide, le recours obligatoire à l’écriture inclusive comme moyen de lutter contre le « pouvoir discriminatoire de la langue française ».

C’est enfin, au nom de la protection de la femme, faire évoluer la société vers un puritanisme où règne l’autocensure excessive, le politiquement correct, la crainte d’être lynché sur les réseaux sociaux pour avoir eu une parole assimilée à une agression contre les femmes…

Aujourd’hui, les tenants du féminisme combattant ont jugé indispensable de rappeler qu’ils ne cautionnent pas plus que les tenants de la parole libérée les comportements délictueux et encore moins criminels qui sont le lot de trop de femmes chaque jour en France et de par le monde. Mais leur voix est inaudible dans le concert des accusations qui s’accumulent contre eux et qui font la une des quotidiens, l’entrée des JT, les manchettes des magazines et les thématiques des talk-shows où sont invitées les têtes pensantes de l’autre courant du féminisme

Les femmes d’alors s’étaient fait traiter de salopes en 1971, lorsque 343 d’entre elles avaient signé une tribune pour le droit à l’avortement. Une centaine de femmes – dont plusieurs faisaient partie de ces co-signataires – se font taxer aujourd’hui de traîtres à la cause par la génération suivante.

Un excès remplace l’autre. Le balancier des sociétés n’arrive jamais à s’équilibrer. Desproges faisant un sketch pour dénoncer l’antisémitisme en caricaturant ceux qui le pratiquent, Michel Leeb se moquant de l’accent africain francophone sans pour autant être raciste… Qui pourrait aujourd’hui oser faire rire en public avec de tels sujets ?

En même temps, on assiste à une islamophobie rampante, au refus massif de l’immigration, aux lois liberticides votées au motif de la lutte contre le terrorisme, à la multiplication des limitations des droits sociaux durement acquis, à la répression en général bien davantage qu’à la prévention, plus coûteuse et moins visible…

Quelle contradiction !

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