En effet, bien que nés de deux parents Français et uniquement Français, élevés dans la culture Française, ils ont un grand-père Espagnol réfugié en France en 1939, parce qu'il était du côté des perdants de la guerre civile qui a ravagé son pays. En vertu d'une loi espagnole votée en 2007 (dite "Loi sur la Mémoire Historique"), ils ont eu la possibilité d'acquérir par option la nationalité espagnole. Ils l'ont fait à l'âge adulte, en hommage à leur aïeul, victime à la fois des infortunes de la guerre et des conditions difficiles que son exil forcé lui ont imposé. Ils l'ont fait aussi en croyant que c'était là une opportunité inespérée qui allait leur permettre de mieux découvrir de l'intérieur un grand pays comme l'Espagne, un voisin à la culture riche et complexe dont ils ont hérité d'un quart de leur patrimoine génétique et que c'était là sans doute la meilleure façon d'être encore plus des Citoyens Européens.
Or, voilà que ce choix, qui était hautement louable à l'heure où l'on parlait de plus d'intégration européenne, s'apprête à devenir aujourd'hui une tare, faisant d'eux des individus moins Français qu'ils ne l'étaient par leur naissance.
Oh certes, l'éducation et les valeurs qui sont les leurs rendent fort peu probable un radicalisme religieux, voire une conduite criminelle - et encore moins un comportement terroriste. Mais voilà : ils sont binationaux. Et comme tels, eux et leurs parents ne partagent plus les mêmes droits devant la loi. Même si c'est également fort peu envisageable, je peux pour ma part commettre un acte terroriste et entraîner dans la mort des personnes innocentes au nom d'une idéologie aberrante et sanguinaire - si je survis, je serai condamné à une lourde sanction et passerai de longues années en prison. Mais je garderai ma nationalité française et les droits qui y sont attachés. Au contraire, si ce sont eux qui devaient se rendre coupables d'un même type de comportement, non seulement ils auront la même peine de prison mais en plus, ils se verront déchus d'une nationalité qu'ils avaient pourtant acquise par leur naissance, à la fois au nom du "droit du sang" et du "double droit du sol" (loi datant du 26 juin 1889 et jamais remise en cause).
Si la déchéance de nationalité est reconnue par tous comme étant totalement inefficace sur le plan de la prévention de ces crimes particulièrement odieux, elle est promue par ses défenseurs au rang de "symbole". La citoyenneté ne serait-elle qu'un symbole ? Si c'est le cas, alors ce sentiment d'inégalité devant cette citoyenneté entre mes enfant et moi relève, elle aussi, d'un terrible symbole.
L'article 1 de notre Constitution a beau proclamer que "(La République Française) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion", le Congrès de Versailles est désormais appelé par notre Président à voter un article qui contredit le premier de ceux qui le précèdent.
Voilà qui me semble envoyer un terrible message à ceux qui croyaient dans les valeurs républicaines dont osent encore se réclamer encore nos gouvernants. Au final, il aura suffit de quelques terroristes très déterminés pour avoir raison des valeurs de notre démocratie qu'on croyait autrement plus forte...
Billet de blog 13 janvier 2016
Déchéance de nationalité et (in)égalité devant la loi
La décision du Président de la République de faire voter en Congrès à Versailles l'inscription dans la Constitution de la Vè République la déchéance de la nationalité française pour les binationaux coupables de crimes terroristes (pour faire simple), m'amène à constater que mes enfants seront désormais, si cet amendement est voté, moins Français que mon épouse et moi-même.
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