François VALLET

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Billet de blog 4 avril 2024

François VALLET

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Les dégâts sur l'eau de la production nucléaire d'électricité

A l'heure de la guerre en Ukraine et de la "relance" annoncée du nucléaire en France, il est grand temps de s’intéresser à ses dégâts sur l'eau et sur la vie. Les armes atomiques et les accidents dans les centrales nucléaires de production d’électricité ont provoqué des contaminations d'ampleur mondiale. En fonctionnement « normal » elles génèrent « à bas bruit » de nombreux dégâts sur l’eau .

François VALLET

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous sommes constitués essentiellement d’eau et en avons besoin d’une quantité suffisante et de bonne qualité pour survivre et vivre en bonne santé, tout comme les plantes et les êtres vivants dont nous dépendons. L’eau et la vie sont intimement liées.

La production d’électricité nucléaire est intimement liée à une industrie et à des technologies[1] conçues pour produire intentionnellement des destructions massives (avec les armes atomiques) ou qui en provoquent accidentellement (explosions de réacteurs de production d’électricité et sur des sites de stockage de déchets radioactifs militaires et civils, accidents dans les mines et usines d’enrichissement d’uranium, etc.)[2].

L’actualité de la guerre en Ukraine nous rappelle quotidiennement la menace permanente, sur la vie et sur l’eau, que constituent l’arme atomique et les centrales nucléaires de production d’électricité. La catastrophe de Fukushima, qui est bien loin d’être terminée, montre également que la contamination de l’eau par la radioactivité n’est absolument pas maîtrisée.

Mais il y a aussi tous les dégâts sur l’eau, « à bas bruit », des centrales nucléaires en fonctionnement « normal ». Il ne faut bien évidemment pas compter sur EDF et sur l’Etat pour nous en informer correctement, ils sont juges et parties.

Il est donc grand temps de s’intéresser à nouveau à ce sujet de la plus haute importance pour lequel la sonnette d’alarme avait été activée dès les années 1970[3].

Le texte qui suit est un bref aperçu des dégâts occasionnés à la « ressource » en eau par le fonctionnement « normal » des réacteurs nucléaires de production d’électricité sur le territoire français[4]. Les autres dégâts sur l’eau, en amont des réacteurs nucléaires (lors de l’extraction du minerai d’uranium, des traitements et de l’enrichissement de l’uranium) et en aval (lors du « retraitement des combustibles usés » et du stockage des déchets radioactifs), n’y sont pas décrits[5]. Ils se produisent en partie hors de France et leur examen aggraverait encore le constat.[6]

Pour ce qui concerne l’arsenal nucléaire, une revue détaillée des dégâts actuels sur l’eau semble hors de portée du fait du secret militaire.

 Dégât N°1 : pompages massifs dans des milieux fragiles déjà malmenés

La fission nucléaire, dans les réacteurs nucléaires de production d’électricité, dégage de très grandes quantités de chaleur concentrées sur de toutes petites surfaces.[7]

Pour refroidir ses réacteurs nucléaires et pour ses besoins en eau industrielle (remplissage des circuits hydrauliques, dilution des pollutions chimiques et radioactives, lavages, etc.) EDF pompe à grand débit l’eau dans la mer et dans les cours d’eau. Or le débit de ces derniers est fortement réduit à certaines périodes de l’année (généralement en été et en début d’automne)[8].

Par exemple, le débit moyen journalier minimum du Rhône à Lagnieu, en amont de la centrale nucléaire du Bugey, a été de 121 m3/s (le 02/01/1990) et de 139 m3/s en valeur instantanée le 14 novembre 2021[9]. Or le débit maximum de pompage autorisé est de 106 m3/s et le débit maximum de pompage réel de l’année 2021 a été de 102 m3/s.

Autre exemple, le débit instantané minimum absolu du Rhône à Viviers, en aval de la centrale nucléaire de Cruas et en amont de celle de Tricastin, a été de 128 m3/s le 15/10/2017. Le 19 avril 2021 Il était de 144 m3/s (2 réacteurs sur 4 fonctionnaient alors à puissance nominale). Or le débit maximum de pompage autorisé pour les 4 réacteurs nucléaires du Tricastin (195 m3/s) et le débit de pompage maximum de l’année (178 m3/s) sont supérieurs à ces débits d’étiage.

Le débit minimum de la Vienne (affluent de la Loire), en aval de la centrale nucléaire de Civaux, a été de 10,5 m3/s le 4 septembre 2021, alors qu’un réacteur sur les deux du site était en fonctionnement à puissance nominale. Or le débit maximum de pompage autorisé pour les 2 réacteurs est de 6 m3/s et le débit maximum de pompage de l’année 2021 de 3,88 m3/s.

Selon les cours d’eau et les centrales nucléaires, le débit d’étiage est à peine supérieur et même, dans certains cas, inférieur au débit maximum de pompage autorisé pour les installations d’EDF. Les débits autorisés sont tels qu’ils pourraient, dans certains cas, assécher complètement le cours d’eau. Les débits réels, pompés dans le cours d’eau et dans la mer, provoquent en outre des dégâts certains à une partie des organismes aquatiques qui ne peuvent résister à l’aspiration des pompes des circuits de refroidissement des réacteurs et passent à travers les filtres ou sont bloqués sur ceux-ci.

Le conflit, entre la préservation d’un débit suffisant pour la vie aquatique et le pompage d’eau par les centrales nucléaires, est malheureusement trop souvent tranché en faveur de la production d’électricité nucléaire.

L’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et la DREAL, délégation du bassin Rhône Méditerranée, le reconnaissent explicitement, dans un document publié en novembre 2014[10] : « Les usages prioritaires sur le fleuve (Rhône) sont :

- l’alimentation en eau potable ;

- la production d’un minimum d’électricité à partir des centrales nucléaires pour le maintien de la sécurité de l'approvisionnement énergétique du pays ;

- la survie des espèces présentes dans le fleuve. ».

Pourtant, l’histoire récente (été 2022 et hiver 2022-2023) a montré que les centrales nucléaires françaises n’étaient pas en mesure de garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité mais que celle-ci résultait de la combinaison de différents moyens techniques : effacements temporaires de consommations non essentielles, usages mieux maîtrisés des appareils électriques, interconnexions des réseaux de transport d’électricité à l’échelle européenne et disponibilité d’autres moyens de production en France et hors de France, etc.

La sécurité d'approvisionnement de la France en électricité ne doit donc pas être un alibi pour continuer à faire fonctionner, quoiqu’il en coûte, des réacteurs nucléaires qui perturbent fortement la vie aquatique jusqu’à la mettre en danger de mort.

Dégât N°2 : Consommation industrielle d’une ressource vitale

Pour faire fonctionner ses réacteurs nucléaires EDF ne se contente pas de pomper de l’eau et de perturber de manière significative le fonctionnement des milieux aquatiques. Une partie importante de l’eau pompée dans les cours d’eau ne leur est pas restituée, réduisant ainsi les quantités disponibles indispensables à la vie aquatique et aux espèces vivantes (hommes et animaux).

En 2021, alors que l’ensemble des réacteurs a fonctionné à 67% de sa capacité totale maximale, EDF a prélevé dans les milieux aquatiques (bords de mer, cours d’eau et nappes phréatiques) près de 34 milliards de m3 d’eau. Une partie seulement a été restituée (réchauffée et polluée) à ces milieux et l’autre partie, près de 430 millions de m3, a été soustraite de la ressource en eau pourtant  indispensable à de nombreux usages vitaux.

La centrale nucléaire de Civaux, par exemple, est autorisée à évaporer 146 900 m3 d’eau par jour et 49,2 millions de m3 par an, soit le minimum vital indispensable pour près de 54 millions de personnes (la population française était de près de 68 millions en 2021).

En 2021, cette seule centrale, alors qu’elle n’a fonctionné qu’à 47% de sa capacité maximale, a consommé entre 27 et 28 millions de m3 d’eau prélevée dans la Vienne. C’est près de 1,75 fois la consommation de la population du département de la Vienne (439 332 habitants en 2020 qui ont consommé en moyenne 100 litres par jour et par personne).

Autre exemple, la centrale nucléaire du Bugey a consommé 18 millions de m3 d’eau en 2021 (eau prélevée dans le Rhône et évaporée par les tours de refroidissement qui équipent 2 des 4 réacteurs de la centrale). C’est plus du quart de l’eau consommée la même année par les habitants de l’agglomération lyonnaise alimentés par des pompages d’eau du Rhône (de l’ordre de 66 millions de m3).

La consommation d’eau des centrales nucléaires françaises en 2021 (hors eau évaporée du fait de l’échauffement des cours d’eau) représente 6 300 litres d’eau par an et par habitant ou encore 17,5 litres par jour et par habitant. C’est 7 fois plus que le minimum vital nécessaire pour une personne adulte (de l’ordre de 2,5 litres par jour) ou encore 12 % de la consommation d’eau potable par habitant (150 litres par jour en moyenne). Mais contrairement aux « buveurs d’eau du robinet », qui la restituent en quasi-totalité aux milieux proches de ceux dans lesquels elle a été puisée, les tours de refroidissement qui évaporent l’eau puisée dans les cours d’eau ne la restituent pas à ceux-ci.

Ce constat devrait nous alerter au moment où la Cour des Comptes indique : « En France métropolitaine, la quantité d’eau renouvelable disponible - celle qui peut être utilisée pour satisfaire les besoins humains sans compromettre la situation future - a baissé de 14% entre la période 1990-2001 et la période 2002-2018. »[11]

Si les centrales nucléaires continuent de fonctionner et d’évaporer de l’eau, ce qui réduit notablement « la quantité d’eau renouvelable disponible », il arrivera un moment où elle sera insuffisante pour l’approvisionnement des habitants des territoires nucléarisés.

Dégât N°3 : élévation de la température de l’eau au-delà de la limite réglementaire de potabilité

Pour éviter la prolifération de bactéries pathogènes, le seuil de température réglementaire à ne pas dépasser pour l’eau destinée à la consommation humaine est de 25°C[12].

Par ailleurs, comme l’indique la Cour des Comptes en introduction de son communiqué du 17 juillet 2023 : « [La] protection de l’eau, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général », souligne l’article L.210-1 du code de l’environnement. ».

Pourtant, pour 8 des 14 centrales nucléaires refroidies par des cours d’eau, la température maximale autorisée pour les rejets en aval, après mélange avec les eaux du cours d’eau, dépasse la température limite de potabilité. Et pour les 6 autres il n’y a pas de limite de température, uniquement une limite d’échauffement entre l’amont et l’aval!

Les autorisations de rejets d’eau chaude accordées à EDF pour l’exploitation de ses centrales nucléaires sont manifestement en contradiction avec le Code de l’environnement et le Code de la Santé publique.

C’est ainsi qu’en 2021, la température moyenne quotidienne maximale, mesurée après mélange à l’aval des rejets d’eau des 14 centrales nucléaires françaises en bord de cours d’eau, a approché de très près le seuil de potabilité pour 2 d’entre elles (Belleville sur la Loire et Saint Alban sur le Rhône) et l’a même largement franchi pour 9 autres (Dampierre, Saint Laurent des Eaux et Chinon sur la Loire, Civaux sur la Vienne, Bugey et Tricastin sur le Rhône, Golfech et Blayais sur la Garonne, Cattenom sur la Moselle).

Lorsqu’un cours d’eau est utilisé à la fois pour l’alimentation en eau potable (cas fréquent pour plusieurs grandes agglomérations françaises) et pour refroidir les centrales nucléaires il y a manifestement un conflit de priorités. Contrairement à ce qu’on pourrait comprendre du document de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, cité précédemment, l’alimentation en eau potable (c’est-à-dire à une température inférieure à 25°C) n’est pas prioritaire sur la « production d’un minimum d’électricité à partir des centrales nucléaires … ».

Dégât N°4 : pollution thermique massive de l’air et de l’eau

Pour refroidir ses 56 réacteurs en fonctionnement EDF provoque une pollution thermique considérable. En 2021 ce sont près de 10 300 kWh par habitant qui ont été rejetés directement dans l’air et dans l’eau des cours d’eau, de la Manche et de la Mer du Nord. Ces « pertes de chaleur » correspondent à près de la moitié de la consommation totale d’énergie finale de la France ramenée à la population du pays en 2021 (23 000 kWh par personne).

C’est une véritable gabegie énergétique qui a des conséquences à la fois sur la potabilité de l’eau (voir dégât N°3) mais aussi sur la vie aquatique[13] et enfin sur le climat des régions nucléarisées.

Sur ce dernier point on peut remarquer qu’en 2021 la chaleur émise par la fission nucléaire dans les 56 réacteurs français (1 073 TWh) est de l’ordre de 4,4 fois ce que serait le déséquilibre énergétique de la France (de l’ordre de 242 TWh) si on lui affectait, proportionnellement à sa surface (551 695 km²), l’accroissement annuel moyen du déséquilibre énergétique de la Planète (0,05 W/m²)[14]. Or le réchauffement climatique résulte du déséquilibre énergétique du système Terre-Atmosphère, quelles qu’en soient les causes.

Pourtant, la société Orano (ex Areva) a prétendu en 2019, au moyen d’une publicité dans le magazine « Femina » joint à plusieurs publications de la presse quotidienne régionale, que l’énergie nucléaire ne réchauffe pas la planète. C’est une tromperie manifeste qu’a bien relevée le Jury de déontologie publicitaire dans un avis rendu le 4 mai 2020[15].

La société EDF, de son côté, connaît parfaitement la gravité du problème puisque qu’elle a mené une étude pour déterminer le rôle des rejets thermiques des centrales nucléaires sur l’élévation de la température du Rhône. La lecture de la synthèse de cette étude[16] permet de comprendre que les rejets de chaleur des centrales situées entre Saint-Vulbas (centrale nucléaire du Bugey) et Aramon (à l’aval de la centrale de Tricastin) ont provoqué en moyenne annuelle une augmentation de la température des eaux du Rhône de 1,2°C sur une augmentation totale de 1,4°C (comparaison entre la période 1988-2010 où tous les réacteurs utilisés actuellement étaient en service et la période 1920-1977 où il n’y en avait pratiquement aucun).

Dit autrement, le réchauffement climatique « externe » a provoqué une élévation de température de 0,2°C sur un total de 1,4 °C. Les rejets thermiques des centrales nucléaires sont donc responsables à 86% de l’élévation de température des eaux du Rhône.

A l’échelle du fleuve c’est deux fois plus que le réchauffement global des surfaces terrestres, à l’échelle de la planète, de l’ordre de 0,7°C entre les deux mêmes périodes.

Dégât N°5 : pollutions massives multiples, chimiques et radioactives

En 2021 EDF a rejeté dans les milieux aquatiques près de 100 millions de m3 d’eau polluée par des produits chimiques et plus de 3,6 millions de m3 d’eau polluée par des produits radioactifs dont plus de 840 000 milliards de Becquerel dus au tritium (hydrogène radioactif).

La centrale nucléaire du Bugey, par exemple, est autorisée à rejeter annuellement  dans le Rhône 90 000 milliards de Becquerels dus à la radioactivité du tritium. En 2021 elle en a rejeté 42 600, associés à d’autres contaminants (Carbone 14, Iode 131, produits de fission et d’activation divers et variés), contenus dans 306 000 m3 d’effluents liquides radioactifs. Ce « cadeau empoisonné » est distribué via les eaux du fleuve à tous les organismes vivants et aux cultures qui en dépendent.

C’est une pollution apparemment ignorée par l’Asia (association syndicale d’irrigation de l’Ain)  qui a installé une station de pompage pour l'irrigation de cultures de maïs, au sud-ouest du site nucléaire du Bugey, en aval des rejets d’eau chaude et d’effluents liquides de la centrale. Or, les prélèvements et analyses effectués par EDF en 2017 ont mis en évidence que le tritium présent dans l’eau se fixe dans les plantes et qu’il y avait un facteur 3 entre la contamination, par le tritium organique radioactif, des cultures irriguées et de celles qui ne le sont pas.

Quant à la population de la métropole lyonnaise (1 411 645 personnes en 2021) elle est la première servie par cette pollution radioactive puisqu’elle dépend à 88%, pour son alimentation en eau « potable », d’un champ captant situé en aval et à proximité de la centrale[17].

A l’échelle du fleuve, en 2021 les centrales nucléaires du Bugey, de Saint Alban, de Cruas et de Tricastin, ont rejeté dans le Rhône 1 163 000 m3 d’effluents liquides radioactifs contenant notamment 174 000 milliards de Becquerels dus à la radioactivité du tritium[18].

Rapportés à la population alimentée en eau potable à partir des eaux du Rhône (2 300 000 personnes), ce sont 500 litres d’eau contaminée et près de 76 millions de Becquerel par personne et par an, dispersés dans les eaux du fleuve qui serviront ensuite à la boisson, à la cuisson des aliments, mais aussi aux soins corporels. Sans parler des cultures irriguées, des poissons et de tous les organismes aquatiques du Rhône et de la Méditerranée dont le milieu de vie est durablement affecté par l’accumulation de ce cocktail de polluants radioactifs et chimiques. Ces centrales ont en effet rejeté dans le fleuve en 2021 près de 33 tonnes d’acide borique, plus de 248 tonnes de sodium, 406 tonnes d’azote sous forme d’ammonium, de nitrates et de nitrites, près de 200 tonnes de chlorures, 11 738 tonnes de sulfates, 287 tonnes d’antitartre organique, etc.

Alors que le nombre de cancers a doublé en France, entre 1990 et 2023[19], faudra-t-il, pour attirer l’attention des autorités responsables de la protection de la ressource en eau, appeler les populations concernées à « pisser du tritium », à plus grande échelle que ce qui a été fait en 2021 par le Réseau citoyen de surveillance de la radioactivité Golfech-Le Blayais et par la CRIIRAD[20] ?

La pollution chronique des milieux aquatiques est en effet très inquiétante, notamment lorsqu’elle concerne des cours d’eau et leurs nappes alluviales utilisés pour l’agriculture et pour l’alimentation en eau potable. Elle est d’autant plus inquiétante que la nocivité de plusieurs des polluants en question ne s’atténue que très lentement et qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel ils seraient inoffensifs pour les êtres vivants et leurs descendances. En outre c’est une violation manifeste de l’article L.210-1 du code de l’environnement, déjà cité à propos du dégât N°3.

Conclusions

L’industrie nucléaire a mis au point des technologies de destructions massives (armes atomiques) et de production d’électricité (réacteurs nucléaires et tout ce qui permet qu’ils fonctionnent) qui provoquent aussi des destructions statistiquement massives, de manière accidentelle mais aussi de manière chronique, autorisée et « à bas bruit ».

Ce mode de production d’électricité, un des plus « gourmand » en eau[21], induit par ailleurs un mode de consommation où le gaspillage est érigé en vertu : du fait de la faible capacité des réacteurs nucléaires à s’adapter à des consommations variables, il faut consommer à tout prix ce qui est produit quand c’est produit.

Pour faire oublier ces méfaits bien réels, l’énergie nucléaire est officiellement présentée comme une solution permettant de faire face au réchauffement climatique. En réalité elle en est une des causes et aggrave ses conséquences :

- elle fragilise les milieux aquatiques par des pompages massifs,

- elle réduit les quantités d’eau disponibles pour la vie aquatique et les espèces vivantes,

- elle réchauffe l’eau au-delà de la température réglementaire de potabilité (25°C),

- elle réchauffe très significativement les portions de planète sur lesquelles elle est mise en œuvre,

- elle pollue l’eau par ses rejets chimiques et radioactifs, la rendant dangereuse pour la santé de ceux qui la consomment (plantes, animaux, humains).

En bref, la pérennité de notre alimentation en eau potable et la survie des espèces vivantes qui en dépendent sont remises en cause.

Le choix du nucléaire pour la production d’électricité, officiellement pour assurer notre indépendance énergétique, n’a jamais fait l’objet d’un bilan contradictoire sérieux, ni d’un vrai débat démocratique et encore moins d’un vote d’approbation ou de rejet par les personnes concernées c’est-à-dire toutes celles qui boivent de l’eau en France.

EDF peut ainsi s’approprier et dégrader l’eau, ce bien commun, pour refroidir ses réacteurs nucléaires et disperser leurs pollutions radioactives et chimiques.

Pour autant, la promesse d’indépendance énergétique de la France n’a pas été tenue. Au contraire, le taux d’indépendance énergétique de la France a été divisé par 1,77 entre le lancement du programme électro-nucléaire français en 1973 et 2021[22].

Usant de la même promesse, 50 ans après, le gouvernement français s’entête à vouloir relancer l’industrie nucléaire en promulguant une loi d’accélération des procédures administratives nécessaires à la poursuite de l’exploitation des réacteurs existants et à la construction de nouveaux réacteurs. Après le choix des sites de Penly et de Gravelines en bord de mer, c’est celui du Bugey en bord de Rhône qui a été retenu pour construire deux réacteurs de type EPR2.

Ce ne sont assurément pas des choix démocratiques, ni la bonne méthode pour améliorer notre indépendance énergétique et encore moins la bonne manière de réduire les dégâts sur l’eau et sur la vie.

[1] Extraction du minerai d’uranium, traitement et enrichissement de l’uranium, fabrication des « combustibles » à base d’uranium enrichi et de plutonium, fabrication des réacteurs nucléaires notamment ceux des sous-marins et porte-avions, extraction de plutonium des combustibles usés, etc.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27accidents_nucl%C3%A9aires

https://theconversation.com/fr/topics/accidents-nucleaires-26969

https://savoie-antinucleaire.fr/2023/07/14/russie-un-accident-dans-une-usine-duranium-fait-un-mort-aucun-danger-pour-les-habitants-assurent-les-autorites/

[3] Par exemple dans cet article publié par le journal Le Monde le 10 juillet 1974 : « La pollution thermique du Rhône » https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/07/10/la-pollution-thermique-du-rhone_2518549_1819218.html

[4] La plupart des données chiffrées indiquées dans le présent document sont issues des rapports environnement des centrales nucléaires d’EDF pour l’année 2021. Le rapport de la centrale nucléaire de Chooz n’étant pas disponible, les dégâts sur l’eau de cette centrale ne sont que partiellement pris en compte.

[5] On peut cependant noter qu’en 2021 l’usine de la Hague dans le Cotentin, d’extraction du plutonium des « combustibles nucléaires usés », a rejeté dans la Manche 10 000 téra-becquerels dûs à la radioactivité du tritium (hydrogène radioactif). La même année,  839 téra-becquerels de ce même polluant ont été rejetés dans l’eau de mer et des cours d’eau par l’ensemble des réacteurs nucléaires français.

[6] Lire à ce sujet l’article publié par Médiapart à propos de l’ancienne mine d’uranium et du stockage de déchets radioactifs qui l’a remplacé sur le site des Bois Noirs, à cheval entre les départements de l’Allier et de la Loire : « Sécheresses et crues pourraient réveiller les démons radioactifs des Bois noirs » – Nicolas Cheviron – Mediapart – 2 août 2023

https://www.mediapart.fr/journal/france/020823/secheresses-et-crues-pourraient-reveiller-les-demons-radioactifs-des-bois-noirs

[7] De l’ordre de 6 000 W/m² si on rapporte la puissance thermique totale de l’ensemble des centrales nucléaires françaises (182 540 mégawatts) à la surface totale qu’elles occupent (un peu plus de 3 000 hectares). C’est 6 fois la puissance maximale reçue du soleil sous nos latitudes par une surface d’un m² en été, en plein soleil et en plein midi (heure solaire).

[8] Les débits des stations de mesures des cours d’eau en France sont accessibles par le site public Hydroportail : https://www.hydro.eaufrance.fr/

[9] Ce jour-là 3 réacteurs sur 4 fonctionnaient à puissance nominale, dont les 2 refroidis par pompage direct dans le fleuve à un débit total de l’ordre de 90 m3/s.

[10] Etude de la gestion quantitative du fleuve Rhône à l’étiage – Constats et recommandations – Page 12

https://www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr/sites/sierm/files/content/migrate_documents/2014-SynthseEtudeQuantiRhone-ConstatsRecommandations.pdf

[11] Communiqué de presse du 17 juillet 2023 : « La gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique » https://www.ccomptes.fr/fr/documents/65578

[12] Arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine mentionnées aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000465574/

[13] Voir à ce sujet l’étude publiée en 1991 par le CEMAGREF : « Impact thermique des effluents du Centre de Production Nucléaire du Bugey sur les invertébrés benthiques du Rhône »

 https://www.hydroecologie.org/articles/hydro/pdf/1991/01/hydro91104.pdf

[14] Valeur par décade estimée à 0,5 W/m², sur la période de mi-2005 à mi-2019, selon la publication « Satellite and Ocean Data Reveal Marked Increase in Earth’s Heating Rate » – Geophysical Research Letters - 15 juin 2021

https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2021GL093047

[15] https://www.jdp-pub.org/avis/orano-presse-internet-plaintes-fondees/

[16] Etude thermique du Rhône - EDF – Synthèse – mai 2016

https://rhone-mediterranee.eaufrance.fr/sites/sierm/files/content/migrate_documents/EtudeThermiqueRhone-Plaquette-Mai2016.pdf

[17] https://www.grandlyon.com/metropole/eau-et-assainissement

[18] La concentration moyenne en activité du tritium des eaux du Rhône est de 6,31 Becquerel par litre, soit près de 16 fois celle des eaux de surfaces continentales (0,4 Becquerels par litre). Source : « Tritium: Its relevance, sources and impacts on non-human biota » – Science Direct – 10 juin 2023 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969723014328

[19] https://www.francetvinfo.fr/sante/cancer/le-nombre-de-cancers-a-double-dans-l-hexagone-depuis-1990-revele-une-etude-de-sante-publique-france_5921837.html

[20] https://www.petitbleu.fr/2021/12/07/du-tritium-dans-les-urines-9975806.php

[21] Voir à ce sujet le document « Le nucléaire et l’eau » mis en ligne le 6 juillet 2015, par  Olivier Petitjean : « En moyenne, selon une étude de 2008 de l’Electric Power Research Institute, les centrales nucléaires consomment davantage d’eau de refroidissement que toutes les autres centrales thermiques, qu’elles fonctionnent avec du fioul, du gaz ou du charbon : de 133 000 à 190 000 litres d’eau par MWh pour les centrales avec refroidissement en prise directe, et de 2 850 à 3 420 litres par MWh pour les centrales ayant un système de refroidissement fermé (tour de refroidissement). Ces chiffres sont respectivement, selon la même étude, de 76 000-133 000 et 1 900-2 660 litres/MWh pour les centrales au gaz et au fioul, et de 95 000-171 000 et 2 090-3  040 litres/MWh pour les centrales au charbon. »

https://www.partagedeseaux.info/Le-nucleaire-et-l-eau

[22] Tribune de l’auteur dans le quotidien en ligne « Reporterre » - 12 octobre 2022

https://reporterre.net/Non-la-France-n-est-pas-independante-grace-au-nucleaire

Document envoyé par l’auteur au Président et au Rapporteur de la Commission d’enquête parlementaire sur les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France – Accessible en ligne sur le site de Mediapart - 8 décembre 2022

https://blogs.mediapart.fr/francois-vallet/blog/081222/points-de-vue-independance-energetique-et-politique-electronucleaire-de-la-france

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