Le 9 octobre 2024, Mediapart publiait un article, signé par Jade Lindgaard[1], qui est un entretien avec Anne Debregeas, ingénieur-économiste d’EDF, porte-parole du syndicat Sud Energie. Elle est aussi autrice d’une note pour l'institut La Boétie, proche de la France Insoumise, sur la « démarchandisation de l'électricité ».
Cet article sur le prix de l’électricité, mis en ligne au moment où le gouvernement présentait le projet de budget 2025, soulève plusieurs questions intéressantes pour le citoyen-consommateur-contribuable que je suis. A ce titre il m’a semblé utile d’en reprendre quelques-unes et d’y apporter des éléments de réponse permettant d’éclairer le débat budgétaire sous une autre lumière que celle de la porte-parole de Sud Energie.
Quelles sont les causes et qui sont les responsables de la forte hausse du prix de l’électricité entre 2021 et 2023 ?
Bien que Jade Lindgaard ne pose pas cette question, Anne Debregeas fait comme si l’unique cause était le « système de fixation des prix ». Or, même s’il est imparfait et a très probablement aggravé le problème, d’autres causes plus fondamentales sont parfaitement identifiées et ne peuvent être ignorées.
La principale cause est la défaillance d’une partie importante des réacteurs nucléaires, due à des reports de maintenance suite à la pandémie de Covid et surtout aux « corrosions sous contrainte ». Elles ont conduit à arrêter des réacteurs comportant des fissures, ou susceptibles d’en comporter, sur des tuyauteries faisant partie de leurs circuits primaires. Trois autres causes sont liées à la politique nucléariste de la France : le faible développement de la production par les énergies renouvelables (éolien et solaire), les gaspillages systémiques et mésusages de l’électricité (notamment le chauffage électrique), l’inadaptabilité des centrales nucléaires aux périodes caniculaires[2].
L’Etat français ayant tout misé sur le nucléaire s’est trouvé fort dépourvu lorsque l’impensé nucléariste est survenu. Il ne restait plus alors qu’à compter sur nos voisins européens pour compenser la baisse massive de production en France par des importations tout aussi massives. Heureusement, il existe des interconnexions de puissances suffisantes, un marché européen de l’électricité organisé avec les principaux pays riverains et des moyens de production non nucléaire en état de fonctionnement dans ces pays (principalement l’Allemagne et l’Espagne).
Manque de chance, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine et le sabotage des gazoducs Nordstream 1 et 2 (probablement piloté par les Etats-Unis), ont privé la plupart des pays européens d’une partie importante de leur approvisionnement en gaz. La conséquence a été une forte hausse du prix du gaz sur les marchés internationaux, suivie par une forte hausse du prix de l’électricité produite par les centrales à gaz, indispensables à l’équilibre du réseau européen et à l’approvisionnement des fournisseurs français, en particulier d’EDF.
Les défaillances de la production nucléaire, sa très forte sensibilité aux crises, sanitaires et géopolitiques[3], son inadaptation aux canicules, sont structurelles. Elles constituent un « impensé nucléariste » des décideurs politiques français qui ont tout misé sur l’énergie nucléaire, option coûteuse, fragile et dangereuse. Ils ont préparé la crise en favorisant, pendant des décennies, une politique de mésusage de l’électricité (notamment le chauffage électrique) et en ralentissant tout développement conséquent des énergies renouvelables. De leur côté, les décideurs politiques européens n’ont pas su dissuader l’autre Etat nucléariste du continent, la Russie, dans son escalade guerrière contre l’Ukraine (les armes atomiques et les centrales nucléaires sont un enjeu essentiel de ce conflit). Ils ont aussi laissé faire les saboteurs de gazoducs.
Quel est le coût de production de l’électricité nucléaire ?
Dans l’article de Mediapart, Anne Debregeas défend une réforme du « système de fixation des prix » qui serait basé sur le « coût de production ». L’article indique en encadré que ce coût « est, aux deux tiers, déterminé par le coût du nucléaire. Selon la Cour des comptes, il s’élève à environ 60 euros par mégawattheure ».
Mais quelle est donc la méthode utilisée pour déterminer ce coût ? D’autres méthodes sont-elles utilisées et à quoi aboutissent-elles ? Que prennent en compte les différentes méthodes ?
L’article n’en dit rien et Anne Debregeas se contente d’affirmer : « Comme les coûts de production d’électricité sont très stables dans le temps – ils évoluent, mais lentement –, puisque ce sont surtout des coûts d’investissement, cela permet d’avoir une visibilité sur les prix et une égalité entre consommateurs.
La Cour des Comptes, dont le lien du rapport est dans l’article[4], indique pourtant ceci dans sa « Conclusion intermédiaire » en pages 42 et 43 (extraits) :
« Il existe différentes manières de calculer le coût de production de l’électricité selon l’objectif du calcul.
L’ADEME et la CRE ont réalisé des analyses de coûts de production des différentes filières. Ces travaux analysent principalement leur coût moyen actualisé (LCOE) et rendent compte des coûts de production pour un investissement à la date considérée. Si les données sur les filières éolienne terrestre et solaire sont abondantes, celles sur l’éolien en mer sont aujourd’hui limitées aux premiers projets en cours de développement.
Toutefois, dans le cas de la France, ce ne sont pas les investissements « greenfield » qui représentent une part prépondérante de la production d’électricité, mais le nucléaire historique et l’hydraulique. Or, les coûts de production de ces deux filières sont beaucoup bien moins documentés que ceux des filières en développement. »
Cette dernière remarque est assez surprenante pour deux filières dans les mains d’EDF et de ses « ingénieurs-économistes » depuis des décennies. Elle n’a cependant pas empêché la Cour des Comptes, en utilisant sa propre méthode (« Cour 2012-2014 »), d’aboutir à un coût de production par le nucléaire, pour l’année 2019, de 64,8 €/MWh et même de 68,4 €/MWh en prenant en compte les coûts de «post-exploitation» (Tableau 1 en page 23 du rapport). C’est sensiblement plus que les 60 €/MWh indiqués dans l’article.
Par ailleurs, la graphique N°3 en page 25 du rapport de la Cour présente les résultats des calculs de coût de production du nucléaire en France entre 2011 et 2020. Pour cette dernière année, selon la méthode de calcul utilisée, ils sont compris entre un peu plus de 50 €/MWh et un peu moins de 75 €/MWh.
Mais aucune évaluation des coûts ne comporte un calcul d’incertitude sur les provisions nécessaires pour prendre en charge différents aléas qui se sont déjà produits ou qui ont une probabilité non négligeable de se produire au cours de la durée d’exploitation des installations nucléaires. En outre les coûts pris en compte, pour la gestion à long terme des déchets radioactifs, pour le démantèlement des installations définitivement arrêtées et pour celles actuellement en service, sont notoirement sous-estimés[5].
Enfin, le rapport comporte un « Extrait des données de coûts de production d’électricité de l’AIE, selon les différentes technologies et régions du monde ». L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a ainsi estimé le coût moyen actualisé de la production nucléaire, en 2020 en Europe, à 150 $/MWh (soit environ 135 €/MWh) pour un facteur de charge moyen des réacteurs nucléaires de 75%.
Les coûts moyens de production de l’électricité nucléaire seraient donc compris, pour l’année 2020, entre 50 et 135 €/MWh, selon les sources, les méthodes de calcul et les objectifs poursuivis. Cependant, comme l’indique la Cour (Graphique N°10 page 16 du rapport), ces coûts dépendent très fortement du « facteur de charge » annuel[6].
Une variation de celui-ci, par rapport à la valeur utilisée pour le calcul du coût moyen, aura donc un effet important sur le coût de production d’une année donnée.
En utilisant les données de la Cour des Comptes, issues de sa propre méthode de calcul, ainsi que le facteur de charge moyen de 52 % constaté en France en 2022, le coût de production de l’électricité nucléaire a atteint cette année-là 84 €/MWh, c’est-à-dire 42 €/MWh de plus que le tarif Arenh[7].
Quelle a été l’incidence du coût de production du nucléaire sur les finances publiques, sur les prix et sur les factures d’électricité des consommateurs en France pendant la période de « crise » ?
EDF, en vendant au tarif Arenh l’électricité nucléaire produite en 2022 (279 TWh), a donc perdu 11,7 Md€. C’est plus de 2/3 de sa « perte historique » de 17,9 Md€ qui a fait grimper son endettement au niveau record de 64,5 Md€ fin 2022[8]. Cette catastrophe économique a obligé l’État à intervenir pour sauver EDF de la faillite.
Son intention de racheter les titres de capital d'EDF détenus par des tiers, avait été annoncée le 20 juillet 2022 de même que l’objectif de retirer la société de la cote[9]. Près d’un an plus tard, le 8 juin 2023, l’État détenait l’intégralité du capital d’EDF. Cette opération a coûté près de 10 Md€ aux finances publiques[10].
Lors de cette période de réalisation de « l’impensé nucléariste », le déficit de production nucléaire en France a non seulement eu un effet important sur le coût de production nucléaire mais il a aussi obligé l’ensemble des fournisseurs d’électricité, y compris EDF, à acheter de l’électricité au prix fort sur le marché européen, lui aussi en tension du fait de la guerre menée par la Russie (autre pays nucléariste) en Ukraine.
La hausse des coûts de l’énergie (en particulier du gaz), sur les marchés mondiaux, et du prix de l’électricité, sur le marché européen de l’électricité, ont provoqué une hausse importante des prix et des factures d’électricité pour les consommateurs ayant souscrit à une offre de marché. Elles ont aussi conduit à la disparition de 4 fournisseurs d’électricité, à la sortie volontaire du marché de 5 fournisseurs et à une concentration de ce marché[11].
Pour les consommateurs bénéficiant du tarif réglementé, ou d’un tarif indexé sur celui-ci ou encore d’un tarif à prix fixe sur 1 ou 2 ans, le choc avait été moindre. Mais du fait du mode de calcul du tarif réglementé une partie du choc a été répercutée avec un décalage dans le temps.
Pendant cette période l’État est intervenu directement sur le « système de fixation des prix » : réduction du taux de la fraction électricité de l’accise sur l’énergie (de 32,1 €/MWh avant la crise à 1 €/MWh pour les ménages et 0,5 €/MWh pour les entreprises), « bouclier tarifaire », aides directes aux consommateurs, compensations auprès des fournisseurs, etc.
Selon la Cour des comptes (Annexe 4, page 141 de son rapport de 2024[12]), l’ensemble des mesures relatives à l’électricité a représenté un coût pour l’État de plus de 44 milliards d’euros entre 2022 et 2024. C’est à ce prix que le choc a été amorti pour une partie des consommateurs d’électricité.
Mais ça n’a pas arrêté la « valse des milliards » pour financer le « nouveau nucléaire », annoncée le 21 juillet 2022 par les ministres concernés à l’occasion d’une question au gouvernement du sénateur Franck Montaugé (Gers – groupe socialiste, écologiste et républicain)[13].
Au total ce sont près de 72 milliards d’euros qu’a coûté l’impensé nucléariste à l’État français, en mesures diverses de « protection des consommateurs et des fournisseurs », en déficit pour EDF (désormais propriété de l’État à 100 %) et en rachat de titres de cette société en quasi-faillite.
La réforme défendue par Anne Debregeas n’est-elle pas déjà en grande partie mise en œuvre ?
Pour éviter qu’un nouveau choc de prix se produise Anne Debregeas préconise le retour à « un système public : un opérateur public qui détiendrait les grands moyens de production, facturerait l’ensemble des consommateurs selon une grille tarifaire qui permet de recouvrir les coûts de production ». En clair, elle propose de revenir 50 ans en arrière.
Il y a 50 ans, en 1974 après le premier « choc-pétrolier », le premier ministre Pierre Messmer confirmait le lancement du programme de construction de 200 réacteurs nucléaires à horizon 2000[14]. Ils devaient assurer l’indépendance énergétique de la France en l’affranchissant de sa dépendance au pétrole. EDF était alors en situation de quasi-monopole pour la production, le transport, la distribution et la commercialisation d’électricité en France. Tout, ou presque, était dans les mains de l’État et de « l’électricien national » pour nucléariser la France à l’aide de technologies états-uniennes (le choix avait été fait de construire les réacteurs sous licences Westinghouse et General Electric).
Certes, depuis 1974 le « système de fixation des prix » a radicalement changé en s’inscrivant dans le cadre du marché européen de l’électricité. Mais par contre, le système de production français focalisé sur le nucléaire a conduit au fiasco de 2022 qui motive la réforme défendue par Anne Debregeas. Il a aussi conduit à une réalité beaucoup moins médiatisée, la division par plus de 1,7 du taux d’indépendance énergétique de la France entre 1974 et 2021[15]. La France est parmi les cancres de l’Europe pour la part de sa production par les nouvelles énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque)[16]. C’est aussi le pays d’Europe le plus « thermo-sensible » à cause du chauffage électrique.
Les erreurs du passé n’ont pas servi de leçon puisqu’en 2021 l’Encore Président de la République (l’EPR Macron) nous refaisait le coup de 1974. Il décidait alors de relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, sans attendre la fin du débat public ad-hoc et les discussions parlementaires sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) toujours pas engagées à ce jour.
Aujourd’hui, « l’opérateur public » EDF est détenu à 100 % par l’État français et il détient la totalité des centrales nucléaires et les grands barrages hydroélectriques. Le « système public » contrôle les prix de l’électricité par le mécanisme du tarif réglementé de vente de l’électricité. Certes, « l’opérateur public » ne facture pas l’ensemble des consommateurs selon ce mécanisme, mais nous n’en sommes pas loin. Nous sommes par contre très loin d’une « grille tarifaire qui permet de recouvrir les coûts de production » du nucléaire.
D’une part ceux-ci sont mal pris en compte par les méthodes de calcul de coût. D’autre part une partie non négligeable n’est pas répercutée sur les consommateurs mais prise en charge par les impôts ou augmente la dette publique. Une autre partie, inconnue à ce jour, sera forcément imputée aux générations à venir, aux victimes de catastrophes nucléaires toujours possibles et aux victimes des rejets chroniques et accidentels de radioactivité dans l’environnement (notamment les travailleurs du nucléaire et plus particulièrement les salariés des entreprises sous-traitantes).
La porte-parole de Sud Energie ne se trompe-t-elle pas d’époque, de modèle et d’ennemi ?
Le modèle défendu par Anne Debregeas a permis à l’État français de construire, en dehors de tout débat et contrôle démocratique sérieux, ses armes atomiques, ses sous-marins et porte-avions à propulsion nucléaire, ses réacteurs nucléaires et tout ce qui permet que ces armes de destructions massives et ces instruments de domination géopolitique fonctionnent.
C’est dans le cadre de ce modèle que l’État colonialiste français a réalisé des centaines d’essais nucléaires en Algérie puis en Polynésie, contaminant ainsi durablement les territoires concernés et les habitants.
C’est ce modèle dont le coût du volet militaire, pour les finances publiques, est estimé par ICAN France à 6,35 milliards d’euros en 2024 et à près de 7 milliards d’euros en 2025, pour la « modernisation et le renouvellement des systèmes d’armes nucléaires »[17]. C’est aussi dans le cadre de ce modèle que l’État français minimise systématiquement la prise en charge des préjudices causés aux populations concernées par ses essais nucléaires.
Ce modèle a rendu les consommateurs d’électricité dépendants d’un système étatiste dangereux et coûteux, a enfermé de nombreux territoires français dans la dépendance à l’industrie nucléaire, a maintenu un système néo-colonial pour l’approvisionnement en uranium de cette industrie.
Ce modèle prive le peuple français de sa souveraineté, les choix techniques et énergétiques étant très majoritairement aux mains d’une technocratie d’État.
Il est temps de rompre radicalement avec ce modèle anti-démocratique, dangereux, coûteux et dépassé
Le cadre général de ce modèle a été énoncé par le président Macron, lors de son discours du 8 décembre 2020 au Creusot[18] (extraits): « Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire pas de nucléaire civil … Le nucléaire restera la pierre angulaire de notre autonomie stratégique. C'est bien sûr la dissuasion dans toutes ses composantes, c'est la propulsion de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins comme d'attaque. C'est aussi la propulsion nucléaire de nos porte-avions.».
Les décisions relatives à ce modèle ont été annoncées par le président Macron, lors de son discours du 10 février 2022 à Belfort[19] (extraits) : « Sur la base des travaux de RTE et de l'Agence internationale de l'énergie, j'ai pris deux décisions fortes.
La première est de prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l'être sans rien céder sur la sûreté. Ce sont des choix éclairés par l'expertise et par la science….
La seconde décision qui s'inscrit dans le prolongement de l'engagement solennel que j'ai pris devant les Français le 9 novembre dernier : compte tenu des besoins en électricité, de la nécessité d'anticiper aussi, la transition, la fin du parc existant qui ne pourra être prolongé indéfiniment, nous allons lancer dès aujourd'hui un programme de nouveaux réacteurs nucléaires. »
Le mode de « fixation du prix de l’électricité » n’est qu’un outil au service de ce modèle dont le but est de maintenir en activité une industrie nucléaire civile et militaire dont l’arme atomique est le produit de base et l’argument ultime de politiciens en mal de puissance[20].
Pour reprendre le mot de la fin de l’entretien, entre Jade Lindgaard et Anne Debregeas, sur les modalités de calcul du prix de l’électricité « On dirait une discussion entre apprentis sorciers ».
En effet, ni le « coût de production », impossible à déterminer dans un système électrique basé sur l’énergie nucléaire (on ne sait ni où ni quand commencent et finissent ses productions et ses destructions), ni le prix de l’électricité ne devraient dépendre du « feu nucléaire » aux mains d’apprentis sorciers.
S’il est nécessaire de réformer le mode de fixation des prix en France et, pourquoi pas, le marché européen de l’électricité, il faut l’orienter dans le sens de la décroissance radioactive, c’est-à-dire de l’arrêt de la production d’électricité nucléaire et d’armes atomiques.
En tant que citoyen-consommateur-contribuable souverains nous pouvons agir dans ce sens en boycottant EDF, bras armé de l’État français pour sa politique nucléariste. Nous pouvons aussi préserver notre pouvoir d’achat puisqu’il existe une dizaine de fournisseurs, non producteurs d’électricité nucléaire, ayant des offres moins chères que le tarif réglementé d’EDF.
[1] https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/091024/prix-de-l-electricite-va-rester-sur-des-niveaux-bien-superieurs-ceux-d-avant-la-crise
[2] Samedi 23 juillet 2022, sur les 56 réacteurs nucléaires en service en France, 30 étaient à l’arrêt et 5 à puissance réduite. La puissance disponible, de ceux encore en état de marche, était alors de 25 762 MW. Près de 60% de la puissance électro-nucléaire installée (61 370 MW) étaient indisponibles pour cause de fissures sur des tuyauteries, de température d’eau de refroidissement trop élevée, de maintenance retardée pour cause de Covid et plus longue que prévue, « d’optimisation du combustible », etc.
Durant toute la semaine du 18 au 24 juillet 2022 la France était en déficit de production par rapport à la consommation obligeant les fournisseurs d’électricité en France à importer auprès de leurs voisins européens ce qui leur faisait défaut (entre 1 523 MW au minimum et 11 434 MW au maximum). On assistait alors à des records de prix sur le marché spot français (l’électricité produite et consommée le jour J, payable au comptant à J+1) : 820 €/MWh au plus haut le 20 juillet à 9h et 225 €/MWh au plus bas le 24 juillet à 8h. Soit entre 5 et 20 fois le tarif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) fixé par les pouvoirs publics pour les ventes d’EDF aux autres fournisseurs d’électricité opérant sur la marché français.
Pendant plusieurs semaines de cette période caniculaire la puissance maximale importée dépassa largement celle exportée.
[3] La suspension par Orano, de la production d’uranium au Niger à partir du 31 octobre 2024, en est une illustration supplémentaire : https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/231024/uranium-la-filiale-d-orano-au-niger-va-suspendre-sa-production-le-31-octobre
[4] L’ANALYSE DES COUTS DU SYSTEME DE PRODUCTION ELECTRIQUE EN FRANCE – Document de la Cour des Comptes S2021-2052, délibéré le 15 septembre 2021 : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/58078
[5] Voir à ce propos le tableau 3 en page 9 du document « Les coûts du nucléaire » préparé par Bernard Laponche en 2015, tableau issu d’un rapport de 2012 de la Cour des Comptes sur les coûts de la filière électronucléaire
https://gazettenucleaire.org/2015/278BLBresilCoutfinal.pdf
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-couts-de-la-filiere-electro-nucleaire
[6] Citation du rapport : « Sur la base des paramètres utilisés, le photovoltaïque et l’éolien terrestre sont potentiellement plus compétitifs que les centrales à gaz à cycle combiné (CCGT) ou le parc nucléaire, quelle que soit la durée de fonctionnement considérée, mais leur facteur de charge est de fait limité et, sans adjonction de stockage, ils ne produisent pas nécessairement lors des périodes les plus tendues en terme d’équilibre offre-demande ».
[7] Arenh : accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Ce tarif a été créé par l’Etat français, officiellement pour permettre à tous les fournisseurs d’électricité concurrents d’EDF d’avoir accès à la « rente » du nucléaire historique financé par tous les contribuables et consommateurs français. En réalité c’est une manière de tromper les citoyens-consommateurs-contribuables sur la réalité des coûts du nucléaire. Ainsi, sur les 50 valeurs de coût du nucléaire (5 pour chaque année entre 2011 et 2020) indiquées dans le graphique N°3 page 25 du rapport de la Cour des Comptes de 2021, 38 sont au-dessus du tarif Arenh.
[8] https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/edf-a-enregistre-une-perte-historique-en-2022-malgre-un-boom-des-clients_5664110.html
[9] https://www.info.gouv.fr/actualite/edf-bientot-detenue-a-100-par-letat-mode-demploi
[10] Elle s’ajoute à la recapitalisation d’EDF en 2017, à hauteur de 3 milliards d’euros pour l’Etat, suivie d’une autre en 2022 à hauteur de 2,1 milliards.
[11] https://www.cre.fr/fileadmin/Documents/Rapports_et_etudes/import/Rapport_marche_de_detail_novembre_2023.pdf
[12] Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie – Rapport public thématique - Mars 2024 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-mesures-exceptionnelles-de-lutte-contre-la-hausse-des-prix-de-lenergie
[13] https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ22070030G.html
[14] En réalité, 58 réacteurs nucléaires à eau pressurisée, sous licence Westinghouse ou de conception dérivée de celle-ci pour les derniers, ont été construits et raccordés au réseau entre 1977 et 1999. La construction du premier réacteur de la série (Fessenheim) avait débuté en 1971, un peu avant le lancement officiel du « plan Messmer ». Un réacteur à « neutrons rapides », conçu par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), a aussi été construit à partir de 1977 par un consortium européen (la société NERSA dans laquelle EDF était partie prenante). Il a été définitivement arrêté en 1997 après une dizaine d’années de fonctionnement émaillées de nombreux incidents.
[15] Lire à ce sujet mon article de blog de décembre 2022 sur Mediapart :
[16] En 2023, solaire et éolien ont assuré 27 % de la production électrique de l’EU27 et l’ensemble des énergies renouvelables, hydraulique et biomasse comprises, 44 % du total. En France la même année, solaire et éolien ont assuré 15 % de la production électrique et l’ensemble des énergies renouvelables, hydraulique et biomasse comprises, 29 % du total.
[17] https://reporterre.net/La-France-consacre-de-plus-en-plus-d-argent-a-ses-armes-nucleaires
[18] Discours prononcé par Emmanuel Macron à l’occasion de sa visite de l’entreprise Framatome, filiale d’EDF, désignée pour construire les cuves des réacteurs du futur porte-avions à propulsion nucléaire français : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/12/08/deplacement-du-president-emmanuel-macron-sur-le-site-industriel-de-framatome
[19] Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la politique de l'énergie, à Belfort le 10 février 2022 :
https://www.vie-publique.fr/discours/283773-emmanuel-macron-10022022-politique-de-lenergie
[20] Ces armes de destruction massive font l’objet d’un traité international d’interdiction, le TIAN, malheureusement ignoré par les dirigeants des pays détenteurs d’armes nucléaires.