FOIA
En 2000 le gouvernement de Tony Blair va faire adopter une loi sur la liberté de l’information le Freedom of Information Act 2000 (FOIA) qui semble largement inspirée de celle mise en œuvre aux Etats-Unis en 1966.
Sur la base de ce texte qui va rentrer totalement en vigueur le 1er janvier 2005, des journalistes du quotidien The Telegraph vont réussir à obtenir légalement les notes de frais des parlementaires. Leur exploitation va déclencher, en mai 2009, l’un des scandales les plus retentissants du Royaume-Uni.
Ce qui est ici notable réside dans les montants des dépenses dont les listes vont être épluchées et diffusées. Ces sommes restent finalement assez limitées. C’est bien le principe même de ces remboursements indus qui avait choqué l’opinion britannique.
The Telegraph a ainsi publié le Top 20 des réclamations les plus bizarres et précisant à chaque fois l’objet remboursé à titre de frais, son montant et l’identité du parlementaire concerné. Cela va d’un Père Noël en chocolat à 59 pence à un abri pour canard à 1 645 livres.
Des sanctions exemplaires et rapides
Ce scandale a abouti à de nombreuses démissions de parlementaires et à des procédures de recouvrement effectives.
Parallèlement la procédure pénale britannique accusatoire qui ne connait point nos interminables procédures instructions dont la philosophie inquisitoire reste issue de l’Ancien Régime va aboutir à des sanctions pénales inimaginables en France :
- Elliot Morley, ancien ministre de l’environnement et député travailliste, plaidera coupable d’avoir frauduleusement réclamé 32 000 livres (environ 37 000 euros) et sera condamné à 16 mois d’emprisonnement. Il sera incarcéré en mai 2011 et libéré en septembre 2011 ;
- David Chaytor, ancien député travailliste, plaidera coupable de trois chefs d’accusation en relation avec 18 000 livres (environ 20 000 euros) de dépenses et sera condamné 18 mois d’emprisonnement. Il sera incarcéré en janvier 2011 et libéré en mai 2011 ;
- Eric Illsley, ancien député travailliste, plaidera coupable d’avoir frauduleusement réclamé 14 000 livres (environ 16 000 euros) et sera condamné à 12 mois d’emprisonnement. Il sera incarcéré en février 2011 et libéré en mai 2011 ;
- Jim Devine, ancien député travailliste, plaidera coupable d’avoir frauduleusement réclamé 8 385 livres (environ 9 500 euros) et sera condamné à 16 mois d’emprisonnement. Il sera incarcéré en février 2011 et libéré en août 2011 ;
- John Taylor, membre conservateur de la Chambre des lords, plaidera coupable d’avoir frauduleusement réclamé 11 000 livres (environ 12 500 euros) et sera condamné à 9 mois d’emprisonnement. Il sera incarcéré en juillet 2011 et libéré en septembre 2011 ;
- Paul White, membre conservateur de la Chambre des lords, sera reconnu coupable d’avoir frauduleusement réclamé 14 000 livres (environ 16 000 euros) et sera condamné à 12 mois d’emprisonnement. Il sera incarcéré en mai 2011 et libéré en septembre 2011.
D’autres condamnations à des peines d’emprisonnement ferme suivront notamment en 2013.
Et pendant ce temps en France
La transparence de la vie politique doit nécessairement passer par un accès public à l’ensemble des informations financières concernant nos parlementaires. Or notre législation reste ici bien timide.
La Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) rappelle sur son site qu’au regard du principe de séparation des pouvoirs le livre III du Code des relations entre le public et l’administration exclut du droit d’accès les documents des assemblées parlementaires (art. L. 300-2.)
Voilà une restriction parfaitement scandaleuse et de pure circonstance.
En effet à l’exception des documents touchant à la défense nationale il n’existe aucune justification pour limiter le droit d’accès des citoyens aux documents de l’Etat, de ses administrations ou du Parlement.
Comme le rappelle pourtant la CADA l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen 1789 précise « la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
L’on rajoutera l’article 14 qui dispose « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »
Il est donc temps que notre République se modernise.
La transparence de la vie politique ne peut passer que par un élargissement de l’accès aux documents publics (et non seulement administratifs). Est-il raisonnable de ne compter que sur notre seul parquet ? La presse, les lanceurs d’alerte ou tout simplement les citoyens doivent pouvoir avoir un accès total à tous les documents permettant de vérifier les conditions dans lesquelles les fonds publics sont utilisés.
La France restera-t-elle un des seuls pays à conserver cachées des informations de cette nature ? Mais quel candidat à l’élection présidentielle acceptera que chacun puisse ouvrir ce qui pourrait être une boîte de Pandore ?