Comment accepter ces sifflets, ces cris et plus généralement ces manifestations de toute évidence organisées et orchestrées par de basses officines d’extrême droite en ce 11 Novembre ?
Que l’on manifeste contre la politique du gouvernement ou même contre le président de la République est une chose que l’on oublie le respect dû à nos morts en est une autre.
Curieusement ces réactions immondes s’inscrivent dans un courant putride qui semble se déverser depuis quelques semaines au sein même de notre société. Notre garde des Sceaux a eu raison de déplorer la faiblesse des réactions qui ont pu suivre les injures dont elle a été victime. Plus généralement les réactions de lecteurs, bien entendu anonymes, accompagnant des articles de presse sur les problèmes de notre société restent ici tout aussi édifiantes. De toute évidence le vrai visage de l’extrême droite semble à nouveau apparaître au grand jour et un rappel de vaccination contre la Peste Brune est nécessaire tant elle semble contaminer petit à petit les esprits.
Quant aux cris et sifflets du 11 Novembre émanant d’écervelés il est temps de rouvrir nos livres d’histoire. Nous avons tous des ancêtres tombés au Champ d’Honneur durant la Grande Guerre. Notre pays est celui qui a payé un des plus lourds tributs par le nombre de morts.
Le 11 Novembre doit être un jour de silence et de recueillement de la nation.
Je pense ici à nos amis britanniques qui sur l’ensemble de leur territoire ont observé hier deux minutes de silence.
J’ai eu la chance d’être présent samedi au Stade de France où soufflait un air beaucoup plus sain. La minute de silence observée par tout un stade et par ces deux équipes arborant pour l’une le Bleuet de France et pour l’autre le Coquelicot reste réconfortante. Tout comme les hymnes nationaux chantés à pleins poumons et qui avaient une résonnance particulière.
Une fois encore "l’esprit rugby" nous a permis de gommer par anticipation ces outrages du 11 Novembre.
Mon lycée, à Rodez, porte le nom de Ferdinand Foch en l’honneur de celui qui y a passé ses études.
Parmi les citations célèbres de celui-ci l’une d’entre elle aurait pu aisément constituer le titre de ce billet de révolte : « Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. »
Mais au moment de le rédiger je me suis souvenu d’un texte de Georges Duhamel, étudié en classe de première, dans ce même lycée.
Son auteur était académicien et médecin militaire durant la première guerre mondiale.
Tout est là qui impose le silence.
"La ballade de Florentin Prunier
Il a résisté pendant vingt longs jours
Et sa mère était à côté de lui
Il a résisté, Florentin Prunier
Car sa mère ne veut pas qu'il meure
Dès qu'elle a connu qu'il était blessé
Elle est venue, du fond de la vieille province
Elle a traversé le pays tonnant
Où l'immense armée grouille dans la boue
Son visage est dur, sous la coiffe raide
Elle n'a peur de rien ni de personne
Elle emporte un panier, avec douze pommes
Et du beurre frais dans un petit pot
Toute la journée elle reste assise
Près de la couchette où meurt Florentin
Elle arrive à l'heure où l'on fait du feu
Et reste jusqu'à l'heure où Florentin délire
Elle sort un peu quand on dit : « Sortez »
Et qu'on va panser la pauvre poitrine
Elle resterait s'il fallait rester
Elle est femme à voir la plaie de son fils
Ne lui faut-il pas entendre les cris
Pendant qu'elle attend,
Les souliers dans l'eau ?
Elle est près du lit comme un chien de garde
On ne la voit ni manger ni boire
Florentin non plus ne sait plus manger
Le beurre a jauni dans son petit pot.
Ses mains tourmentées comme des racines
Étreignent la main maigre de son fils
Elle contemple avec obstination
Le visage blanc où la sueur ruisselle
Elle voit le cou, tout tendu de cordes
Où l'air, en passant, fait un bruit mouillé
Elle voit tout ça de son œil ardent
Sec et dur, comme la cassure d'un silex
Elle regarde et ne se plaint jamais :
C'est sa façon, comme ça, d'être mère
Il dit : « Voilà la toux qui prend mes forces »
Elle répond : « Tu sais, je suis là ».
Il dit : « J’ai idée que je vas passer »
Mais elle : « Non ! Je ne veux pas, mon gars »
Il a résisté pendant vingt longs jours
Et sa mère était à côté de lui
Comme un vieux nageur qui va dans la mer
En soutenant sur l'eau son faible enfant
Or un matin, comme elle était bien lasse
De ses vingt nuits passées on ne sait où
Elle a laissé aller un peu sa tête
Elle a dormi un tout petit moment
Eh bien Florentin Prunier est mort bien vite
Et sans bruit, pour ne pas la réveiller."