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Billet de blog 2 mai 2019

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Grand Nancy : Le jardin botanique Jean-Marie Pelt en péril

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Le jardin Botanique Jean-Marie Pelt de Villers lès Nancy en péril

La métropole du Grand Nancy envisage de rénover l’unique ligne de tram de la métropole qui dessert le plateau de Brabois. Sur le parcours se trouvent notamment des bâtiments de l’Université de Lorraine et le CHU mais aussi, non loin, un technopôle très actif. Cette ligne a donc bien besoin d’une rénovation en raison de sa fréquentation mais aussi parce qu’elle a connu de multiples incidents du fait d’une conception inadaptée des voitures par Bombardier et d’un parcours accidenté en partie en site partagé avec les voitures. Une concertation publique a été organisée par la métropole en 2017 et 2018 au cours de laquelle plusieurs possibilités ont été envisagées. Deux tracés ont été présentés et discutés. Un troisième a été simplement évoqué qui prévoyait un tunnel sous le Jardin Botanique Jean-Marie Pelt à Villers lès Nancy. Ce dernier tracé a été d’emblée écarté tant il semblait fantaisiste. Deux solutions parfaitement viables techniquement semblaient retenues pour une étude approfondie pour accéder au plateau sans rupture de charge au niveau du rond point du Vélodrome à Vandœuvre lès Nancy, avant la montée vers le plateau principal défi de ce parcours.

Or, le 14 décembre 2018 le Conseil métropolitain de Nancy a sorti de son chapeau un viaduc traversant la partie haute du jardin botanique : 335 m de long, 15 m de hauteur et 12 m de large. Le coût estimé est de 100 millions d'euros pour ces 335 m, qui doit être comparé aux 442 millions pour les 15 km de l’ensemble du tracé.

Ce projet de viaduc qui n’a été ni présenté, ni discuté lors des consultations, entraînerait, s’il était retenu, des dommages inacceptables sur le jardin botanique situé sur la commune de Villers les Nancy. 

Baptisé en 2016 "Jardin Jean-Marie Pelt", le jardin botanique du Montet à Villers lès Nancy est, depuis 1976 avec le jardin d’altitude du Haut-Chitelet dans les Vosges, l’un des plus grands jardins botaniques de France. Il abrite 12 000 espèces sur 35 hectares et 2500 m2 de serres tropicales. Il accueille des plantes rares et/ou menacées, des plantes insolites, un conservatoire de variétés anciennes, notamment issues des collections de Victor Lemoine, célèbre pépiniériste nancéien, dont les créations sont encore considérées parmi les plus importantes par les horticulteurs contemporains. Le jardin a, entre autres, une superbe collection de lilas, de pivoines, d’iris et de fuschias qui ravissent les visiteurs au fil des saisons. Il accueille environ 100 000 personnes par an car il est considéré comme un lieu de promenade exceptionnel dans un vallon calme et parfaitement exposé. L’équipe du jardin propose en outre des animations et des expositions appréciées. Aux Journées du patrimoine, on peut voir de magnifiques herbiers anciens qui y sont entreposés et entendre des commentaires sur l’évolution de cette technique au cours du temps.

Le passage du viaduc entraînerait la destruction de la pépinière, du verger et l'amputation de la prairie lorraine.

Problème : le jardin est cogéré par le Grand Nancy et l’Université de Lorraine.

A l’amputation du troisième jardin botanique de France, il faut ajouter 10 expropriations et une gêne considérable pour les habitants d’un lotissement d'environ 200 maisons (passage du tram à 15 m de haut, soit la hauteur d'un immeuble de 3 à 4 étages, et à 60 m des maisons les plus proches).

A quoi servent les consultations puisque les élus peuvent s’asseoir sur l’avis de participants venus nombreux - car l’unique ligne de tram intéresse forcément la population nancéienne - et décider unilatéralement de défigurer un patrimoine environnemental exceptionnel ? Le cas n’est pas unique. Mais celui-ci est exemplaire. Dès le début de l’histoire du tram il lui a fallu composer avec la voiture : pas d’implantation en site propre sur la totalité du parcours, renoncement à l’ouverture de nouvelles lignes, coûteuses il vrai, mais surtout gênantes pour les vaches sacrées que sont devenues les voitures dans l’agglomération de Nancy (stationnement sur les trottoirs, excès de vitesses non verbalisés, passages piétons peu respectés, etc.). En revanche, les îlots de verdure et les parcs (nombreux à Villers lès Nancy mais qui peut s’en plaindre) sont progressivement défigurés par un mauvais entretien, des aménagements peu respectueux ou la vente par parcelles à des promoteurs (le château de Rémicourt et une partie de son parc vendus à Eiffage, par exemple). Il a fallu également, attendre la tempête de 1999 pour qu’enfin l’agglomération entreprenne la remise en état du Parc de Brabois laissé en friches et dont les grands arbres en mauvais état n’ont pu résister au vent.

Le tram, malgré ses gros défauts - il est bruyant et inconfortable - représente un progrès indiscutable pour les déplacements quotidiens : moins de pollution, un service meilleur avec des fréquences accrues. Le jardin botanique Jean-Marie Pelt a comme d’autres jardins du même genre, l’immense mérite d’allier savoirs savants et loisirs populaires. Mais il est malhonnête de faire croire qu’il existe une concurrence entre la défense du patrimoine et l’amélioration des transports en commun. Des alternatives existent qui ont l’avantage d’un moindre coût. L’habitant moyen de l’agglomération nancéienne est en droit de s’interroger sur les motifs cachés du vote de décembre 2018.

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