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Billet de blog 3 janvier 2021

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Vers la fin de la région Grand Est ?

L'Alsace vient de faire sécession de la région Grand Est sans que personne s'en émeuve, surtout pas la presse qui ne remplit pas, dans ce cas au moins, sa mission d'information.

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"À Colmar, a eu lieu l'installation de la Collectivité européenne d'Alsace ce samedi 2 janvier 2021. C'est Frédéric Bierry qui a été élu président de cette nouvelle assemblée. Il était le seul candidat et a remporté le suffrage avec 75 voix sur 79. "La nouvelle Collectivité européenne d’Alsace est née du refus d’une loi stupide [...] qui a fait disparaître notre région historique, l’Alsace, a-t-il déclaré dans son tout premier discours. Une grande majorité des Alsaciens a refusé ce diktat. Ils l’ont manifesté à raison dès 2014. Ils l’ont rappelé à chaque fois qu’ils ont été interrogés sur le sujet", a-t-il poursuivi." (France Info, 2 janvier 2021)

L'Alsace vient de faire sécession de la région Grand Est sans que personne s'en émeuve, surtout pas la presse qui ne remplit pas, dans ce cas au moins, sa mission d'information. Que les deux départements alsaciens souhaitent être rattachés en un seul, cela peut se comprendre, encore qu'une consultation organisée il y quelques années avait montré que les électeurs n'y étaient pas favorables. Sur ce point Monsieur Bierry refait l'histoire.

« L’article 72-1 al. 3 de la Constitution prévoit une autre consultation qui a valeur d’avis : "Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territorialespeut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi."

Cette consultation n’a connu qu’une seule application, en juillet 2003, à propos d’un nouveau statut de la Corse. Le vote négatif des électeurs corses a entraîné l’abandon du projet.

C’est sur le fondement de l’article L4124-1 CGCT, introduit par la loi du 16 décembre 2010, que les électeurs alsaciens ont été appelés à se prononcer, le 7 avril 2013, à l’initiative des trois collectivités concernées, sur le projet de création d’un Conseil d’Alsace, collectivité unique qui devait remplacer les deux départements du Bas-Rhin et Haut-Rhin et la région d’Alsace. Cependant, les électeurs ont répondu par la négative, ce qui a empêché la mise en œuvre de cette réforme. « (Source : Vie Publique.fr, dernière modification : 26 avril 2018)

Recréer une région à part alors qu'on reste le siège d'une grande région qui en regroupe trois est inacceptable. Ou l'Alsace est une région à elle seule, ou elle est partie intégrante du Grand Est et à ce titre elle ne peut revendiquer son autonomie en raison d'une supposée spécificité frontalière. Dans le Grand Est, la Lorraine est au moins aussi frontalière que l'Alsace : des échanges de travailleurs frontaliers et des coopérations, notamment universitaires, existent depuis longtemps avec le Luxembourg au débouché d'un axe qui va d'Epinal à Luxembourg en passant par Nancy, Metz et Thionville. Si Monsieur Bierry représente bien l'opinion des alsaciens, les lorrains, les champenois et les ardennais ont du souci à se faire concernant la représentation de leurs intérêts dans la grande région.

 A ma connaissance d'autres régions pourraient revendiquer ce caractère frontalier avec au moins autant de vraisemblance que l'Alsace, le Pays basque par exemple, les Savoie, le pays de Nice, l'Occitanie, le Nord-Pas de Calais... Le statut européen de la nouvelle sous région Alsace lui confère de nouvelles prérogatives en matière d'environnement, de santé, d'enseignement des langues ... Pourquoi pas ? Mais cela devrait remettre en question le siège et la présidence de la région Grand Est car il est évident que cette autonomie d'une région riche est un pied de nez au reste de la grande région profondément affectée par des cycles de crise dont souffre la population de manière récurrente : crise des mines, de la sidérurgie, des tissages, crise environnementale qui a un impact sur l'industrie du bois. Que les riches veuillent s'affranchir du poids que représentent les pauvres est une constante dans l'histoire, mais il revient à une démocratie d'arbitrer pour plus de justice. Avoir le beurre (une autonomie accrue) et l'argent du beurre (le siège, la présidence) est inacceptable.

Tout cela a été rendu possible par la création (?) de grandes régions artificielles qui au lieu de permettre ces fameuses économies d'échelle (bien au contraire ces "grandes régions ont un coût supplémentaire qui n'est pas négligeable et ont contribué à éloigner certaines ressources administratives des citoyens de base), ont produit un rapprochement dans plusieurs cas sans fondement géographique, culturel ni historique (ici l'Alsace ne se reconnait même pas de parenté avec la Moselle pourtant héritière de la même histoire d'occupation par l'Allemagne) et sans accord des populations concernées. Il serait temps de mettre fin à cette aberration coûteuse.

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