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Billet de blog 7 juillet 2019

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Un ministre dépassé par son autoritarisme

En voulant coincer les auteurs des rétentions de notes le ministre a engendré le chaos et entaché la valeur d'un examen qu'il prétend sauver.

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Faïza Zerouala a le mérite d'être l'une des rares journalistes à bien connaître les problèmes éducatifs et à pointer les véritables enjeux actuels de la politique du gouvernement dans ce domaine. Merci à elle pour son travail de qualité.

J'ajouterais volontiers à son article qu'un bon politique se reconnaît à sa capacité à ménager à l'adversaire une possibilité de sortir du conflit par le haut. En voulant coincer les auteurs des rétentions de notes le ministre a engendré le chaos et entaché la valeur d'un examen qu'il prétend sauver. Cela augure très mal de la mise en place de la réforme, laquelle même si elle se fonde sur des constats à peu près corrects, prend curieusement le contrepied des solutions les plus vraisemblables. Quant à être un fin connaisseur de l'institution, j'en doute. On avait gratifié Monsieur Darcos du même jugement qui fut pourtant un ministre autoritaire et finalement assez désastreux.

S'il avait une si bonne connaissance de l'institution, Monsieur Blanquer n'aurait pas foncé tête baissée dans la pire des décisions. Il aurait tenu compte du fait que les enseignants, quoiqu'on en pense, sont attachés à leur fonction d'évaluateurs - en partie parce que dans le contexte actuel, c'est une des rares protections qu'il reste à leur autorité - et parce que même les plus téméraires savent que toucher à l'intérêt des élèves est un acte grave qu'on ne décide pas à la légère. Il est donc probable que l'onde de choc de cet événement va se propager bien au-delà de la session 2019 et que la gesticulation ministérielle sera évaluée pour ce qu'elle est : une improvisation d'un ministère autoritaire, médiocre connaisseur des réalités au-delà de ses bureaux parisiens et assez peu efficace. Les décisions prises (il semble que Monsieur Blanquer ne trouve pas d'autre parade que de se défausser de ces bidouillages improbables) sont tout aussi illégales que la rétention des notes. Quelles seront les suites ?

Même si symboliquement, le brevet des collèges ne pèse pas le poids du bac, l'opinion ne semble pas regretter le report des épreuves finales du brevet pour une part des collégiens, report qui non seulement a entraîné la fameuse rupture d'égalité (les épreuves de secours de maths se sont révélées d'un niveau nettement supérieur aux épreuves "normales") mais a aussi mis dans l'embarras des associations sportives qui avaient programmé des stages, empêché le départ de séjours linguistiques... autrement dit le ministre a transformé en désordre un inconvénient climatique dont les effets pénibles n'étaient pas limités aux seuls établissements scolaires. Reculer la proclamation des résultats dans ce cas d'espèce n'a pas semblé poser de problème...

Le ministre a probablement pensé qu'en provoquant le désordre à propos de la rétention des notes du bac par une infime minorité d'enseignants il allait retourner l'opinion contre les grévistes et ainsi faire oublier qu'il n'a jamais daigné entreprendre la moindre concertation sur sa réforme. Pari en partie gagné comme en témoignent certains commentaires affichés suite à l'article de Faïza Zerouala. Ce qu'il gagne en agissant ainsi, il le fait perdre en crédit pour l'institution ce qui est infiniment plus grave que les enjeux mesquins de l'affirmation de son autorité. La crise de l'école est un symptôme d'un dysfonctionnement profond de la société, de son incapacité à se projeter dans l'avenir à travers l'accompagnement pour l'épanouissement et l'éducation de la jeunesse. Le fonctionnement de l'école est devenu un enjeu strictement politicien sans plus de perspective éducative réelle. En attisant la haine des professeurs, Monsieur Blanquer scie la branche sur laquelle pourrait s'appuyer un renouveau pédagogique qui ne viendra pas d'une de ces réformes rituelles entreprises par tous les ministres de l'éducation dès qu'ils ont une once de pouvoir.

Si d'aventure ma modeste contribution est lue, je m'attends à une volée de bois vert pour avoir osé parler de pédagogie. C'est pourquoi, je souligne : renouveau pédagogique et non réforme institutionnelle car il ne sert à rien de réformer du haut du 110 de la rue de Grenelle si l'organisation pédagogique des établissements ne permet pas de faire un vrai travail d'apprentissage. Nommer des chefs et des sous-chefs, imposer un contrôle continu mal ficelé qui va découper les progressions des élèves en rondelles et va conduire à un bachotage renforcé, sous couvert d'y mettre fin, recréer de fait des séries (en pire) à l'aide d'enseignements de spécialité que les élèves (et leurs parents) auront du mal à combiner en une orientation positive,  etc. tout cela ne change rien à l'affaire. Ce dont l'école a besoin, c'est que les politiques cessent de l'instrumentaliser pour satisfaire leur électorat et de vouloir la façonner à l'image de leurs nostalgies ringardes, matinées de numérique pour faire moderne.

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