Je fais une pause (au moins) dans mon abonnement à Médiapart. Je ne veux pas contribuer contre ma volonté à la propagande pro Mélenchon dans laquelle Médiapart s’est lancé en payant un abonnement.
Le déclencheur : l’article de Joseph Confavreux et Fabien Escalona « Les électeurs de gauche face aux dilemmes du « vote utile ». La défense d’une « force alternative » commence à me lasser. Certes les auteurs sont obligés de convenir que Monsieur Mélenchon pose problème. Notamment parce que la structuration « verticale » de LFI est rien moins que démocratique – à moins que comme un commentateur parmi ses soutiens, on décide que la « démocratie est une création du capitalisme et qu’il faut la détruire » (commentaire qui à ma connaissance n’a pas été dépublié) – ; que ses positions sur l’UE et ses postures sur la politique internationale (notamment sur la Russie à propos de laquelle il a dû faire un virage à 180 degrés) sont assez peu acceptables en l’état. Ce qui ne les empêche pas de sortir du dilemme en suggérant, non pas de voter utile (trop banal et trop transparent) mais « de concentrer stratégiquement ce que pèse encore ce camp derrière une seule force, qui aura ensuite la charge de construire un rassemblement. » Si c’est stratégique alors… ! Bel argument casuistique qui m’a ramenée à mes années de jeunesse lorsque nous étions confrontés aux tirades de la LCR.
Sauf qu’après il va falloir subir, par exemple une consultation sur le nucléaire qui, convenablement pourrie par les groupes de pression nucléaristes, débouchera devinez sur quoi… Car le vert virage de cuti de Monsieur Mélenchon n’a pour seule fonction que de piquer des voix à Yannick Jadot, comme d’ailleurs son programme écologique branlant et mal intégré au reste. Plutôt que de discuter sur l’hégémonie à gauche, il serait bon de discuter du détail de ce que LFI nous a concocté. Dommage qu’on n’entende pas ceux qui, parmi les insoumis font un vrai boulot. Peut-être sont-ils d’acord avec tout, mais peut-être pas. Mais à LFI pas de danger d’entendre s’exprimer des doutes et des contradictions.
J’ai du respect pour ces deux journalistes quand ils font leur travail de journalistes. Mais là je considère qu’ils nous prennent pour des imbéciles. Depuis quand Monsieur Mélenchon a-t-il eu l’intention de « construire un rassemblement » ? Son seul souci : laminer l’adversaire, y compris en se donnant en spectacle de façon assez puérile.
Sur les programmes des candidats de gauche, nous ne saurons rien. Le vrai travail pour lequel je paie un abonnement a été fait par Henri Sterdyniak.
Vous m’objecterez que nous sommes de grandes filles et de grands garçons et que nous n’avons qu’à lire les programmes nous-mêmes. C’est ce que j’ai fait. Mais la comparaison est un vrai travail et c’est justement là qu’un journal est utile. Personnellement je me moque des psychanlyses sauvages des candidats et des rumeurs sur leur entourage. Les critiques du genre : il n’a pas la stature, ou il n’est pas tranchant (nouveau concept en politique?) adressées à Yannick Jadot sont d’une rare vacuité. En revanche, tout un article est consacré à ses rapports difficiles avec Sandrine Rousseau dont l’écoféminisme a fait l’objet de plusieurs articles (guère convaincants toutefois). Il est vrai qu’avec un soutien comme elle, Monsieur Jadot n’a pas besoin d’ennemi. Du programme de Madame Hidalgo nous ne saurons guère que des on-dit. Bref, Médiapart ne se donne pas la peine de travailler sur le fond, seulement sur l’opinion (du genre : « déprime généralisée » à propos de l’entourage de Madame Pécresse, franchement les états d’âme on s’en moque).
Comme Patrice Maniglier je « regrette que Mélenchon chef d’État aurait bloqué la position européenne de sanctions financières et de livraisons d’armes létales à l’Ukraine, au risque de « fissurer le front uni du refus » de ce recours ». Ce qui est un regret majeur quand il s’agit d’un futur chef de l’Etat. Quant à l’affirmation : « La légitimité à gouverner du pôle de la radicalité a toujours été mise en doute par le centre-gauche. » qui vise à disqualifier - en les rejetant du monde merveilleux de la gauche - ceux qui osent dire que Monsieur Mélenchon n’est pas porteur d’une rupture elle est otu simplement malhonnête. Le discours de Monsieur Mélenchon est celui d’un tribun dans la continuité d’une idéologie nombriliste franco-française, qui n’est ni de droite ni de gauche, assez répandue déjà chez les gaullistes, et porteur d’une mystification à propos de l’altermondialisme (si le Vénézuela est le modèle, alors nous avons du souci à nous faire). Bref, l’article cité est pour moi la preuve que Médiapart fait fi de la déontologie et tente d’imposer l’idée que la seule posture de gauche légitime est le vote Mélenchon. Cela se fait au prix de quelques contorsions intellectuelles qui satisfont les commentateurs insoumis dont les textes ne sont pas dépubliés mêmelorsqu’ils avancent des rumeurs infondées (le supposé nazisme de Monsieur Zelinski...) et mentent effrontément sur l’histoire (la Russie de Monsieur Poutine humiliée par les occidentaux et obligée de défendre ses minorités...). Pour être juste, il faut noter que la nouvelle mouture des commentaires a limité leurs injures, c’est déjà çà.
Après la médiocrité de la couverture de la pandémie (un seul article, je crois, a fait l’état des connaissances sur le Coronavirus, seule la question des laboratoires pharmaceutiques et de l’économie de la santé a été correctement traitée) ; la censure du blog de Laurent Mucchielli au nom d’une vérité scientifique que Médiapart est censée détenir ; la multiplication des articles sur des sujets anodins qui font de l’édition une sorte de mosaïque assez improbable où tout est traité au même niveau ; les sujets qui ne sont pas traités sur le fond (par exemple l’école à propos de laquelle on ne peut se contenter de taper sur Monsieur Blanquer et son incurie foncière et de déplorer les inégalités à l’aide de témoignages, sujet sur lequel il faudrait rentrer dans l’étude des raisons), après tout cela je me suis rendu compte que désormais je survole les titres et finalement ne lis sérieusement que deux ou trois textes. J’en tire les conséquences : Médiapart n’est plus pour moi une source d’information fiable et m’apparaît d’un intérêt tout relatif en ces temps d’élections. Comme le journal est censé appartenir à ses lecteurs, je reconnais qu’il ne me satisfait plus et je me désabonne pour le moment. Pour la suite, je verrai. Médiapart n’est pas le seul média libre.