Ce matin : chute de missiles sur le consulat américain à Erbil. Ce n’est pas la première fois que des missiles tombent sur le Kurdistan irakien. Mais cette fois, le contexte permet d’interpréter autrement l’évènement. Cet incident intervient alors que la Russie vient de bloquer les négociations avec l’Iran dans le seul but de contrer l’ouverture effectuée par l’administration Biden. La Russie ne propose rien. Elle se contente de tenter de casser un processus déjà très incertain. En Afrique, notamment au Mali, les russes, par milices interposées, sont à la manœuvre pour chasser les anciens colonisateurs. Entendons-nous bien. Je considère que le colonialisme qui a survécu sous diverses formes (économique, politique, militaire) a été une entreprise néfaste pour les populations africaines. L’hégémonie russe sera-t-elle moins néfaste ? Il est à craindre que les ambitions contraires des chinois et des russes en Afrique ne produisent des tensions dont les autochtones risquent de faire les frais.
L’intensification de la destruction de l’Ukraine, qui fait réagir l’Europe qui comprend enfin que sa modeste stabilisation dans la paix est menacée, s’inscrit donc dans un contexte de déstabilisation systématique par le gouvernement russe de son environnement plus ou moins proche géographiquement ou économiquement. Cette tactique ne se réduit pas à la réalisation du rêve de la grande Russie, ni à une ambition économique. Nous avons du mal à admettre qu’au-delà du pétrole et du gaz, Monsieur Poutine est en train de brandir sous notre nez une autre arme : celle de la restriction des ressources alimentaires par la désorganisation du marché des céréales sur lequel la Russie et l’Ukraine ont une position dominante et dont les pays pauvres vont faire les frais.
L’Occident, qui a des responsabilités dans ce processus mais certainement pas toutes, se défend comme il peut sachant que le pathétique paranoïaque qui règne au Kremlin peut s’asseoir sur les accords internationaux et utiliser des armes mises au ban des nations sans aucun scrupule. Cette tactique est bien connue : les despotes, quand ils se sentent menacés à l’intérieur sont capables de déclencher une guerre pour lisser dans le sens du poil les nationalismes les plus obtus. L’histoire regorge d’exemples.
Pendant ce temps, Monsieur Mélenchon ne trouve rien à d’autre à nous dire, pour ouvrir une fausse polémique avec Yannick Jadot, que le boycott du pétrole russe va pénaliser les plus modestes d’entre nous et qu’il faut y renoncer.
Si la partie écologique de son programme était sincère, il dirait, mais cela ne lui permettait pas de se différencier de son rival :
1. Il faut restaurer un service public de proximité des transports ferroviaires (réouverture des lignes secondaires) en en confiant les moyens politiques, administratifs et financiers aux collectivités territoriales (surtout pas en ouvrant à la concurrence comme cela se fera dans le Grand Est). Cela figure plus ou moins sous une autre forme dans son programme mais aussi de manière bien plus convaincante chez EELV.
2. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi intensifier le maillage des transports publics sur route dans les campagnes et dans les périphéries des agglomérations. Cela demande une réflexion détaillée et en prise sur le local. On ne traite pas la plaine comme la moyenne montagne, les zones abandonnées par la désindustrialisation et les campagnes désertifiées par l’agriculture intensive...
3. Il faut aussi, comme cela commence à se faire dans certains territoires mal desservis (par exemple dans le Lunévillois pour ce que j’en connais), un transport public à la demande, facile d’accès pour les jeunes, les personnes âgées, ceux qui n’ont pas le permis ou tout simplement pas de voiture.
4. Des services municipaux pour faciliter le co voiturage (les parkings dédiées ne sont pas suffisants) pour aider à la mise en rapport des personnes intéressées (sur le site Internet de la commune, téléphone pour faire l’état de l’offre et mettre en rapport). Ne pas laisser cette offre à l'initiative privée qui ne roule que pour elle.
5. D’autres formules sont inventées dans plusieurs endroits (notamment en zones rurales acculées à trouver des expédients face à « l’oubli » des pouvoirs publics) qu’une vraie politique des transports devrait identifier et pour lesquelles des aides devraient être dégagées.
6. Au lieu de jouer la démagogie du toujours plus d’individualisme en pleurant sur le coût exorbitant de l’essence, il serait temps de prendre au sérieux le problème de la multiplication des voitures grosses consommatrices d’essence, plus rapides et donc plus enclines à considérer que la route leur appartient, les SUV et autres grosses cylindrées. Les interdire dans les centres villes et soutenir les maires qui tentent de le faire au lieu de les discréditer. Je ne suis pas assez savante pour proposer des mesures dissuasives efficaces. Je sais que c’est risqué politiquement. Mais un vrai programme de « gauche » associant, comme le clament Monsieur Mélenchon et ses soutiens, le social et l’écologie, se devrait de faire des propositions sérieuses dans ce domaine. EELV le fait (notamment ses maires nouvellement élus) mais ce n’est pas relayé parce que ce n’est pas porteur (voir la métropole lyonnaise), pas assez « tranchant ».
La démagogie, habillée des oripaux du populisme a encore de beaux jours devant elle.
Dans ce contexte, je ne peux envisager de voter pour un homme et un parti incapables de condamner clairement un régime qui déstabilise un tiers de la planète et prend le risque d’un accident nucléaire, au nom d'une pseudo répartition des responsabilités et d'une idéologie soi disant altermondialiste. Un parti qui associe sans sourcilier des analyses intéressantes dans plusieurs domaines et les postures démagogiques de son chef.
Nous devons sortir de notre rêve du toujours plus, et entrer dans une ère plus modeste de sobriété et de solidarité tant qu’il est encore temps (la planification, pratique par définition verticale n'est pas la solution, nous l'avons déjà éprouvé). J'attends des hommes et femmes politiques de gauche de dire clairement les choses, même si c'est risqué politiquement. Et justement parce que c'est risqué, il vaut mieux miser sur l'intelligence de nos concitoyens plutôt que sur leurs faiblesses. Je ne peux envisager que mon vote soit le résultat de misérables calculs politiciens (comme Médiapart nous y invite) car c’est ainsi que se confortent les pouvoirs conservateurs.