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Billet de blog 24 février 2022

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Dénoncer l'aveuglement sur les intentions russes n'était pas une posture électorale

Depuis 1990, la Russie ne cesse de s’imposer dans les conflits locaux des nouvelles républiques de sa périphérie avec une belle constance tactique : soutien à des séparatistes pro russes, soi disant médiation, pseudo référendum (Transnistrie en 2008, Crimée en 2014) intervention par mercenaires interposés, reconnaissance de l’indépendance auto proclamée des régions séparatistes.

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L’aveuglement des journalistes de Médiapart – et du Monde - qui consiste à faire croire que dénoncer la posture de Monsieur Mélenchon à propos de l’agression de l’Ukraine par la Russie relève d’une simple tactique électorale est révélé pour qu’il est : une erreur. L’attaque de ce matin montre que la mise en garde de Madame Hidalgo et de Messieurs Glucksman et Jadot n’est pas une posture de candidats à l’élection présidentielle soucieux d’enfoncer un conrurrent. C’est une position lucide. Le nombrilisme des commentateurs qui ont cru que tout se rapportait aux élections en France n’était qu’une position à courte vue. L’analyse de Monsieur Mélenchon reposant sur une menace supposée de l’OTAN aux frontières de la Russie vient de voler en éclats. L’agresseur est définitivement la Russie et au-delà ce sont les frontières de l’Europe qui sont en danger. Il va nous falloir comprendre et traiter l’inquiétude de nos concitoyens européens de l’est qui ont déjà eu l’expérience de la « protection » russe, même si le régime était autre. L’implosion de l’URSS n’a rien changé à l’impérialisme russe.

Rappelons quelques éléments du problème. Depuis 1990, la Russie ne cesse de s’imposer dans les conflits locaux des nouvelles républiques de sa périphérie avec une belle constance tactique : soutien à des séparatistes pro russes, soi disant médiation, pseudo référendum (Transnistrie en 2008, Crimée en 2014) intervention par mercenaires interposés, reconnaissance de l’indépendance auto proclamée des régions séparatistes. Le scénario a commencé à se roder en 1994, avant Monsieur Poutine, lors du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, conflit qui n’est toujours pas réglé, la Russie ayant mis un couvercle dessus. En 2003, Valdimir Poutine a imposé la fédéralisaiton de la Moldavie et a reconnu l’indépendance de la Transnistrie, vécue par les modalves comme une tentative de russifier leur pays. En 2008, la Russie reconnaît officiellement l'indépendance de l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie déclare vouloir "assurer la sécurité de ces deux états ". Ensuite il s’est attaqué à l’Ukraine avec l’annexion pure et simple de la Crimée.

Le scénario s’achève ce matin avec une attaque militaire en règle depuis les pays qui encerclent l’Ukraine.

Ce sont au moins trois états qui sont dans le viseur de ce type d’ingérence : l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. Et ce n’est pas un hasard. Ces trois républiques ont signé des accords d’association avec l’Union européenne, étape vers une éventuelle entrée dans l’Europe : l’accès au marché commun, une collaboration plus étroite sur le plan économique, une coopération dans plusieurs domaines (justice, politique extérieure...). Bref une sortie de l'orbite russe. Monsieur Poutine ne veut de cet accord à aucun prix car il y voit une menace pour l’Union eurasiatique et sa propre hégémonie sur son espace proche. La question de l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN, clairement écartée à l’heure actuelle par cette organisation, n’est qu’un prétexte pour mettre fin au rapprochement de ses anciens satellites avec l’Europe. De même, l’influence des Etats Unis ne saute pas aux yeux. Un candidat à la présidence française responsable ne peut faire comme si la menace ne nous visait pas, comme si un sommet quelconque avait des chances de faire changer la politique de Monsieur Poutine. Il a prouvé qu’il ne se sent pas contraint par les accords qu’il signe.

Et ce matin il nous faut sortir de la bulle idéologique dans laquelle une partie de la gauche française se complaît en faisant des seuls USA les ennemis impérialistes. Sur ce coup-ci, il ne faudra compter que sur nous, et il ne servira de rien de reprocher aux USA de regarder de loin. Ils ont clairement et depuis plusieurs années, d'autres soucis dans le Pacifique. Il est facile de taper sur l'impérialisme et d'appeler au secours.

Monsieur Mélenchon et ses soutiens seraient bien inspirés de sortir de leur cadre de croyance et de regarder en face une stratégie qui se déploie sous notre nez depuis la chute de l’URSS et s’accélère avec les difficultés économiques graves que connait la Russie et dont Monsieur Poutine sait qu’elles fragilisent (un peu) son pouvoir. Faire miroiter la réhabilitation d’une grande Russie est une manière de tenter de ralentir la désaffection de son peuple. Ne pas voir que nous, européens, sommes potentiellement les dégâts collatéraux de cette politique, me semble irresponsable. Une seule solution : opposer un front solidaire de l’ensemble des pays européens. Jusqu’à plus ample informé, une Europe unie est encore un trop gros morceau pour Monsieur Poutine. La présidence de l’Union européenne par la France entraîne une responsabilité accrue et suppose que nous ne poussions pas à des postures solitaires face à un ennemi qui nous méprise et n'accepte aucune règle dans les relations internationales.

(sur une analyse plus fouillée voir l’excellent article de Benjamin Dodman, Moldavie, Géorgie, Ukraine... Comment la Russie avance ses pions pour contrer l'Occident, France 24, 23 février 2022).

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