Dans la nuit de vendredi à samedi, une meute de loups a attaqué Romain, âgé de 16 ans, au hameau de Saint-Antoine au-dessus de Seyne les Alpes (Alpes de Haute Provence, 1 500 habitants). Le drame a été évité de justesse dans la ferme de Jean-Luc Ferrand. Les associations pro-loups y voient au contraire une manipulation médiatique.

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Les vaches, des limousines, paissaient dans le pré attenant à l’étable dans la nuit de vendredi à samedi (5-6 juin). Vers minuit, les chiens se mettent à aboyer et les vaches à meugler. L’alerte est prise au sérieux, la ferme ayant perdu un veau poussé dans un vallon par les loups la semaine précédente. Benjamin âgé de vingt ans, et son jeune frère Romain sortent, allument les lumières de l’étable, et voient des yeux briller dans le pré à la lueur des lampes électriques. Les vaches rassemblées entourent leurs petits pour les protéger. Aucun doute, c’est la meute de treize loups (neuf adultes et quatre louveteaux) repérée dans la zone qui attaque.
Entouré par neuf loups
Benjamin descend chercher le tracteur tandis que Romain reste dans le champ avec le fusil. Il est aussitôt entouré par les neuf loups adultes que les lumières n’effraient aucunement. C’est lui qui est visé, les loups semblent ignorer le bétail. Romain crie et tire pour se défendre. Benjamin qui arrivait à ce moment sur le tracteur tous phares allumés, entend le coup de feu et voit les loups s’en aller. Cela s’est passé à 100 mètres du balcon de la maison.
Les deux frères ont ensuite sillonné la zone sur le tracteur jusqu’à 2H du matin pour tenter d’effrayer les loups et rassurer leurs bêtes terrorisées au point de charger dès qu’ils les approchaient. « Les loups n’ont pas eu peur de nous. Seul le coup de feu les a fait fuir » assure Benjamin. Interviewé par La Provence, son père n'est guère étonné : "Ils se sont habitués à nous depuis des mois qu'ils rôdent autour de la maison. (...) Ils n'ont plus peur". Les deux frères savent qu’ils ont tout intérêt désormais à ne pas oublier leur fusil pour aller « chercher de l’herbe pour les bêtes ».
Répandre le doute
Le problème est que cette affaire anéantit brutalement des décennies de propagande présentant le loup comme un animal craintif qui ne s’approche pas des humains. Il fallait d’urgence réactiver la fabrique de l’opinion. Quelques médias de presse écrite et télévisée sont venus à la rescousse en faisant passer le « jeune garçon de seize ans… » pour un affabulateur. « Les loups s’en prendraient-ils désormais aux hommes ? C’est ce qu’affirme un adolescent qui raconte s’être fait encerclé par une meute de loups. » « Un jeune agriculteur dit avoir échappé à une meute de loups (… )» et « raconte ce week-end s'être sorti d'une situation très délicate, encerclé par une meute de loups (…) ». Ces mêmes médias n’ont pas hésité à propager les rumeurs déversées sur les réseaux sociaux sans faire de recoupement ni même citer les sources. « Des voisins se demandent toutefois s'il ne s'agit pas d'une histoire pour alerter les autorités sur cette menace. » Quels voisins ? L’essentiel est de discréditer…
Une expertise très militante
Ces mêmes médias se sont empressés de faire appel aux experts militants. Geneviève Carbone affirme ainsi que « les loups ne s’approchent pas des villages et sont invisibles la plupart du temps ». Comment peut-on y croire sachant qu’une vingtaine de brebis ont été attaquées à cinquante mètres d’une maison et à cent mètres de l’église de Roquebillière (Alpes-Maritimes) le 14 avril dernier. Plus récemment, le 6 mai, un loup a attaqué une biche au cœur du village de Saint-Étienne de Tinée (Alpes-Maritimes). Dommage que la presse n’ait pas interviewé l’historien Jean-Marc Moriceau de l’université de Caen, dont les travaux portent sur les relations entre l’homme et le loup en France depuis le Moyen-Âge. « C’est très grave de dire que les loups ne s’approchent pas des villages ni des habitations car, tout en restant prudents, ils s’aventurent aux abords des fermes, des bourgs et même des zones urbaines ». La légende du loup craintif qui s’écarte des hommes ne résiste pas à la réalité. En France ou en Allemagne, comme le montre ci-dessous la vidéo.
Même son de cloche du côté de FERUS, où Jean-François Darmstaedter se dit très étonné « par cette histoire, qui présente beaucoup d'incohérences ». « Les meutes dépassent rarement six à sept individus » assène-t-il. Or, la meute qui sévit dans la région de Seyne-Les-Alpes, bien connue de l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage), a été vue, repérée par des habitants et des randonneurs, ses treize individus comptés. Tous les témoignages concordent mais Jean-François Darmstaedter les ignore. Il cherche surtout à noyer le poisson en faisant croire à un coup monté. « Le jeune homme parle également de loups qui auraient des colliers et d'une personne qui dirigeait le loup de loin. » Des faits que Romain et d’autres habitants ont effectivement constaté en novembre et il y a un mois, l’individu suspect aurait d’ailleurs été repéré par la gendarmerie (1). Reste que cette affirmation ne dément en aucun cas les faits qui se sont déroulés dans la nuit de vendredi à samedi. Les évoquer n’est qu’une simple manœuvre de diversion.
Occulter le phénomène d’ « habituation »
Cette manière de brouiller les pistes serait sans importance si les gouvernements successifs n’avaient pas embrayé le pas de l’écologie conservationniste depuis les années 90. Au lieu de répercuter le dogme, les autorités publiques et politiques auraient pu s’informer. Elles auraient pu lire par exemple le rapport Linnell (aussi en pièce jointe) écrit par des naturalistes et écologistes de renom par souci de transparence, et financé par le ministère norvégien de l’environnement. Il recense des constatations simples sur le comportement des loups, les attaques perpétrées en Europe. Il reconnaît qu’ « un loup est un loup. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que cette espèce ne mange pas des humains (une proie abondante et facile) par principe ». Il est vrai que ce rapport n’a pas été traduit à la lettre de l’anglais au français par Robert Igel et Thierry Paillargues dont l’objectif était de faire accepter le loup à tout prix par la population. Publié sous le titre « La peur du loup : recueil d’attaques de loups sur des humains » (pièce jointe), ce dernier prend quelques libertés de traduction et fait beaucoup d’omissions. Lynda Brook, une naturaliste Britannique vivant en France, et maîtrisant parfaitement les deux langues, a dévoilé l’imposture dans « Loup, fin du mythe » (pièce jointe). Or, que dit le rapport Linnell ? Il explique, par exemple, que le loup, comme tout prédateur, développe une stratégie d’approche dénommée « habituation ». Cela signifie tout simplement que les animaux sauvages s’habituent à l’homme et changent de comportement. « De façon générale, les loups sont de plus en plus audacieux, de moins en moins craintifs » constate Laurent Garde du CERPAM (Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée). « En lui interdisant toute défense, l’homme ne représente plus un risque aux yeux du prédateur. Il devient un décor » poursuit-il. Le rapport Linnell relève d’ailleurs que « dans certaines zones protégées, il y a un risque plus élevé d’attaques sur les humains » (Page 5).
Non, le loup n’est pas un animal de compagnie
Toujours d’après le rapport Linnell, le risque est accru dans les zones d’élevage en plein air, la promiscuité de l’homme et du bétail pouvant mener le loup à regarder l’homme comme une proie (P 36, 37). En voyant la meute se diriger droit sur lui et l’entourer, le jeune Romain a eu raison de se dire « ils m'attaquent, ils m'attaquent…». Car le loup, surtout en meute, sait parfaitement s’en prendre à l’homme, comme il peut s’en prendre au gibier de plus de cent kilos (élans, bisons…). Contrairement à la propagande assénée depuis des décennies jusque dans les écoles et centres de loisirs, les loups ne sont pas des animaux de compagnie. Les attaques sur les humains sont rares mais elles existent et ne sont pas seulement le fait de loups enragés. Ainsi, Kenton Carnegie, jeune étudiant en géologie de l’université de Waterloo (Canada), a été tué par des loups le 8 novembre 2005 près du campement du grand Nord où il faisait des relevés. Candice Berner (32 ans) a subi le même sort le 10 Mars 2010 en faisant du jogging en Alaska.

La légende du loup craintif vis à vis des hommes ne résiste pas non plus aux recherches historiques menées par Jean-Marc Moriceau. Son Centre de Recherche d’Histoire Quantitative tient à jour une base de données qui répertorie près de 3000 victimes d’attaques de loups non contaminés par la rage sur plus de 70 départements de la France métropolitaine entre 1360 et 1918.
Une France surréaliste
En résumé, la France cumule tous les risques d’attaques de loups. Parce que l’espèce y est strictement protégée, les hommes ne présentent donc pas de menace vis à vis du loup. Parce que la densité de population favorise la proximité des hommes avec le prédateur. Parce que l’élevage en plein air fait de l’homme une proie potentielle. Ce n’est pas le « prélèvement » d’un ou deux loups par ci par là qui freinera les prédateurs. Aux Etats-Unis, un tel évènement aurait tout de suite déclenché le prélèvement de la meute, autrement dit, les treize loups auraient été tués. En France, la défense des biens et des personnes face au prédateur relève d’une véritable usine à gaz. L’espèce étant protégée il est interdit de se défendre sauf dans certaines zones et à des conditions bien établies. L’État garde la main via l’ONCFS et les préfets. La complexité de la réglementation freine toute action (2). Pour avoir le droit de tirer, il faut d’abord passer par les phases « d’effarouchement », de « défense », de « défense renforcée », avant d’arriver au « tir ». À chaque étape correspond une arme (canon rayé ou pas), une forme de tir adaptée (en l’air, de loin etc…). Les autorisations sont délivrées par le préfet sous forme d’arrêtés que les associations font systématiquement annuler par les tribunaux administratifs… Le versement des indemnités aux dégâts provoqués par le loup diffère selon que l’éleveur se trouve en zone de présence occasionnelle ou permanente du loup (cercles 1 et 2). Ce qui fait dire à René Laurens, le président de la FDSEA 05, que les éleveurs ont tout intérêt à se faire attaquer avant le 1er mai. En clair, la défense des éleveurs est pour le moins surréaliste.
Choisir le loup ou l’élevage en plein air
Dans ce contexte dangereux pour les populations, une cinquantaine de maires de la région s’est réunie. Certains d’entre eux ont déjà pris des arrêtés autorisant les éleveurs et toute personne menacée sur le territoire de leur commune à tirer. Certes les arrêtés sont illégaux puisque l’espèce est protégée par la convention de Berne et la directive européenne Habitat. Ils s’appuient cependant sur l’obligation dévolue aux maires de protéger les personnes et les biens. Évidemment, l’ASPAS a vivement réagi en qualifiant les maires de délinquants. Les préfets font annuler les arrêtés. Ce qui n’empêche pas la grogne de monter. Trois jours après l’attaque de la ferme, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence informe qu’il a mobilisé sur le terrain, près des troupeaux, les éleveurs bénéficiant d’autorisation de tirs de défense accompagnés de lieutenants de louveterie et d’agents de l’ONCFS à tirer sur les loups. Des pièges photos supplémentaires ont par ailleurs été installés. L’arrêté a été pris le 9 juin. Le lendemain, il a été déféré devant le tribunal administratif par les associations membres de CAP-loup...
L’enjeu c’est le maintien de l’élevage en plein air. « S’il n’y a plus de brebis dans la montagne, il y aura des incendies, des avalanches. Qui va entretenir nos forêts et nos pistes de ski ? » se demandait le maire de Pelleautier (627 habitants), Christian Hubaud, qui a pris le premier arrêté anti-loup. Car le retour du loup dans les zones habitées menace de vider le territoire des derniers paysans, de fermer les paysages derrière les friches. En laissant prospérer les prédateurs des troupeaux, les associations conservationnistes n’ignorent pas qu’elles favorisent l’élevage industriel et confortent le plan gouvernemental de méthanisation prévu jusqu’en 2020. On comprend que l’élevage industriel bénéficie de toutes les faveurs et attentions, l’industrie voyant d’un bon œil se développer « le gaz vert ». Jérôme Ferrier, président de l’Union internationale du gaz, y voit « un enjeu considérable pour la filière gazière… ». Elles n’ignorent pas non plus que le projet de loi biodiversité met en place la financiarisation de la biodiversité sous prétexte de la sauver, jusqu’à remettre en cause le droit de propriété. Derrière le loup se cachent de redoutables intérêts, au détriment du prédateur et des humains.
NOTES
1- Seyne : l’attaque des loups intrigue le village, par Maxime Lancester. La Provence, 9 juin 2015, Page III
2 - De nouveaux arrêtés font actuellement l'objet d'une consultation avant d'être publiés à la fin du mois. Voir :