Les éleveurs ne disparaîtront pas tous la tête basse, même si nombre d’entre eux, exténués, au bout du rouleau, ont mis la clé sous la porte. Ces dix dernières années, le cheptel ovin a diminué de 40% dans l’arc alpin, expliquant en grande partie la virulence des incendies de l’été dernier (1). Car les éleveurs, les vrais, ceux qui font de l’élevage à l’herbe, ceux qui transhument au printemps et en automne, ceux qui entretiennent la nature, subissent jour et nuit des attaques de loups (ou supposés loups) depuis 1992. La passion du métier finit par céder devant les assauts du prédateur qui a tué officiellement 11 700 animaux de rente en 2017, sans compter les animaux non recensés par l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) car non indemnisables.
Le loup triomphant malgré lui
Soumis à l’interdiction de se défendre comme à des mesures de protection aussi coûteuses qu’inutiles, les éleveurs sont relégués au dernier rang de la société. Leur voix est inaudible derrière la propagande rassurante du loup craintif qui aurait peur des hommes. Mais bien loin de cette nouvelle mythologie, les éleveurs connaissent les loups qui attaquent désormais en plein jour à quelques mètres d’eux comme cela s’est passé à Bayons (Alpes-de-Heute-Provence). Des loups de plus en plus familiers qui s’approchent des humains au point de rentrer dans les bergeries, d’attaquer sous les fenêtres et sur le seuil des maisons, de poursuivre leurs proies au cœur des villages...
Sans entraves le loup progresse dans les plaines d’Europe occidentale (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Belgique) et de France ; il est présent dans la région Centre, en Auvergne, dans l’Est, la Marne, le Nord et le Bassin Parisien… Quarante départements sont touchés. Et son arrivée en Bretagne est déjà préparée par l’Observatoire du loup...
Comment en est-on arrivé là, alors que nos anciens savaient que le loup n’avait pas sa place dans les pays d’Europe occidentale à forte densité de population ? Il faut y voir l’oeuvre de l’écologie conservationniste, en particulier de l’UICN (Union internationale de conservation de la nature), relayée sur le terrain par les Etats et les gouvernements. Un succès politique bâti depuis 1992 sur le mythe du « vivre ensemble » des prédateurs et de leurs proies, affirmé et réaffirmé sans rire y compris par des ministres. Or, le loup reste un prédateur, un prédateur se nourrit de ses proies, le contraire relève de la chimère… Un succès politique qui n’hésite pas non plus à s’appuyer sur de fumeuses théories « scientistes », dont celle du loup indicateur de bonne santé de la biodiversité, théorie jamais prouvée et démentie par de sérieuses études sur l’impact des prédateurs sur la biodiversité.
Révolte des éleveurs
Le déni de la réalité n’a qu’un temps et les éleveurs bénéficient de nouvelles armes pour affronter ce terrorisme intellectuel. Sur le terrain de la science justement : les analyses génétiques se sont banalisées ces dix dernières années, les laboratoires privés spécialisés dans les analyses ADN se sont multipliés, les prix ont chuté. L’Etat ne détient plus le monopole des analyses ADN comme il l’a fait pendant de nombreuses années avec le laboratoire universitaire de Pierre Taberlet, un laboratoire qui ne disposait d’ailleurs pas des dernières technologies en vigueur (2).
L’Etat ou l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) passent désormais des contrats de marché public avec des laboratoires privés. L'office a ainsi passé un marché pour le loup et l'ours brun de 527 160 euros avec le laboratoire ANTAGENE , situé dans la région lyonnaise...
De leur côté, les éleveurs regroupés dans l’association L113 se sont emparés de cette banalisation des analyses ADN. Ils ont fait appel à un laboratoire allemand indépendant du pouvoir français, assermenté et labellisé en médecine légale et criminelle, et qui dispose d’une importante base de données de chiens et autres canidés. Le laboratoire FORGEN est expert auprès des tribunaux allemands. Désormais, les éleveurs font analyser les traces laissées par les loups sur leurs victimes quand ce n’est pas sur des dépouilles de loups elles mêmes. La méthode est en période de rodage, des kits de prélèvement sont distribués aux éleveurs qui prennent en charge les frais. Le tout est envoyé à FORGEN. Les premiers résultats obtenus auprès de ce laboratoire ébranlent tout l’édifice idéologique de la conservation de la nature relayé par les autorités publiques.
L’arnaque sur le nombre officiel de loups est confirmée
L’arnaque sur le nombre officiel de loups est confirmée par la génétique. Les éleveurs du Larzac ont fait analyser leurs prélèvements après une série d’attaques. Alors que le préfet déclarait qu’il n’y avait qu’un loup, la génétique a trouvé cinq spécimens différents.
Autrement dit, on pourrait valablement multiplier par cinq le chiffre officiel du nombre de loups (360) pour s’approcher de la vérité, soit 1800 loups. Comment fait –on pour minimiser leur nombre ? Rien de plus simple : l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage), qui est le bras armé de l’Etat dans la gestion du loup, fait une estimation sur la base de relevés (crottes, poils…) dont l’ADN est ensuite analysé pour s’assurer qu’il s’agit bien de loups… S’ensuit un calcul de probabilités pour obtenir le nombre de prédateurs. Pour impressionner et rendre les choses incontestables, le sérieux de la méthode a été avalisé par Olof Libig, un universitaire Suédois membre de l’UICN (Union internationale de conservation de la nature). N’importe quel matheux sait pertinemment qu’un calcul de probabilités ne peut donner des résultats justes que si les données sont justes. Or, justement, les écologistes font tout sur le terrain pour minimiser le nombre de loups, comme en témoignent leurs appels à ne pas faire de relevés ou à ne pas communiquer ceux qui ont été faits. La « science participative » a ses limites...
Le chiffre officiel de 360 loups est donc totalement faux, comme le prouvent la réalité des prédations et l’expansion du loup sur le sol français. Les écologistes et les autorités publiques avancent désormais l’objectif de 500 loups dans le futur plan loup 2018 – 2023. Cette gouvernance par les chiffres ferme la porte à tout débat, à toute contestation, à la démocratie.
La légende du loup italien vole en éclats
La légende du loup italien qui aurait sagement attendu la ratification de la convention de Berne pour arriver dans le Mercantour en 1992 commence à être sérieusement écornée. Ce loup ne semble pas avoir beaucoup essaimé, les résultats d’analyses font surtout état d’hybrides et de loups venus d’Europe de l’Est et d’Asie… Ainsi, le loup tué à Bayons est un hybride de chien loup allemand et de loup balte d’après l’analyse nucléaire réalisée par FORGEN. Et d’après l’analyse mitochondriale (lignée maternelle), l’animal cumule les caractéristiques de loup biélorusse, italien, polonais, suisse, d’Alaska, mongol, norvégien, suédois… Les éleveurs attendent avec impatience les résultats des analyses ordonnées par l’ONCFS auprès du laboratoire ANTAGENE, histoire de les comparer avec ceux de FORGEN. Il faudra attendre encore un peu. Selon l’ONCFS « le plan de charge d’ANTAGENE est saturé jusqu’en mars en raison de nombreuses autres analyses que le ministère a demandé d’effectuer en routine pour chaque attaque de loup » (mail de l'ONCFS).
La présence d’hybrides a été longtemps occultée par l’ONCFS car ils ne sont pas protégés par la Convention de Berne. Les éleveurs demandent à juste titre qu’ils soient décomptés des loups tués ce qui implique de les rechercher systématiquement dans toutes les analyses génétiques... Sur 120 échantillons envoyés une première fois au laboratoire FORGEN, seuls 20 d’entre eux ont pu être exploités, ce qui représente 14% des échantillons. Mais les échantillons exploités ont révélé qu’ils se rapportaient tous à… des hybrides, autrement dit à des chiens loups. L’ONCFS a profité de ce résultat pour tenter de discréditer le laboratoire FORGEN, arguant qu’il ne pouvait y avoir 100 % d’hybrides. Cette mise en cause a fait bondir Nicole von Wurmb-Schwark à la tête du laboratoire. « Je n’ai jamais dit qu’il y avait 100% d’hybrides ». Et pour cause, ce chiffre ne se rapporte qu’à 14% du nombre total d’échantillons (120) dont une bonne partie n’a pu être analysée.
Contrôle, Secret Défense et affaire d’Etat
Au discrédit d’un laboratoire réputé Outre-Rhin, s’ajoute la tentative de contrôler les recherches des laboratoires privés… L’ONCFS entend confronter les résultats des deux laboratoires, ANTAGENE et FORGEN après la mise en place « d’un conseil scientifique chargé d’examiner en toute transparence les protocoles et les questions méthodologiques qui pourraient se poser » (mail). Un conseil scientifique organisé dans le cadre du nouveau plan loup. Ce contrôle scientifique n’est pas une idée neuve. Elle émane directement de l’UICN qui s’enorgueillit de disposer d’une cohorte mondiale de 10 000 scientifiques et experts voués à la conservation de la nature. Elle a été appliquée récemment par l’Agence Française de la Biodiversité (AFB), qui a installé son conseil scientifique. Une agence voulue par l’UICN dès le début des années 2000, créée selon ses critères et adoubée par le Parlement dans la loi biodiversité.
Reste que le contrôle scientifique pyramidal se heurte de plein fouet au fonctionnement des véritables scientifiques qui ont l’habitude d’échanger entre eux, en réseau. Ainsi, FORGEN a pris contact par mail avec ANTAGENE, comme cela se fait habituellement entre laboratoires, pour échanger des échantillons. En vain. Bruno Lecomte, de l’association L113, a demandé cinq échantillons de loups italiens purs. Pas de réponse.
Aux échanges entre scientifiques (universités, laboratoires…) par mail et sur un pied d’égalité, l’ONCFS privilégie le contrôle scientifique. L’office a quasiment « convoqué » Nicole von Wurmb-Schwark à la tête de FORGEN, pour qu'elle dévoile le savoir faire et les techniques utilisées de son laboratoire. Mais en même temps, l'ONCFS refuse la réciproque, plaçant le laboratoire FORGEN dans une situation d'allégeance vis à vis de l'Etat français (lettre ONCFS à l'avocate)… Et de rappeler « que la détention et le transport de spécimens ou de parties de spécimens de loups (espèce protégée) par une personne non assermentée au titre du code de l’environnement nécessite une autorisation préalable de l’Etat que les éleveurs ou maires concernés devraient solliciter » (mail). Cette mainmise de l’ONCFS sur le loup va conforter l’action en justice contre l’Etat pour mise en danger de la vie d’autrui engagée par l'éleveur Patrick Ailhaud, de Bayons, qui s’est trouvé seul à quinze mètres de loups menaçants…
Par le contrôle et le secret, l'office tente d’interdire aux éleveurs de poursuivre leurs analyses ADN. En cela, il cache difficilement une certaine nervosité de l’administration et des pouvoirs publics. Les éleveurs n’ont pas l’intention d’arrêter leurs recherches, comme en témoigne le dernier communiqué des Cercles 12 et 48 publié sur Facebook, pas plus que l'association L113. Ils ont d’autant plus raison que la charte de l’environnement, annexée à la constitution, prévoit dans son article 7 le droit à l’information sur toutes les questions environnementales .
Lorsque la réalité reprend le pas sur la fiction, l’effondrement du système est annoncé.
NOTES :
1 - rapport du ministère de l'Agriculture Mai 2016 n°15.103 CGAAER
2 - Laboratoire d'écologie alpine (UMR 5553 CNRS / Université Joseph Fourier / Université de Savoie)