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Francoise Diehlmann

Germaniste, traduis, blogue sur l'Allemagne, également sur la France, l'Europe, le monde, membre du Bureau exécutif de l'Union des Fédéralistes Européens - France (UEF-France) et secrétaire générale de l'UEF-IdF, Ecolo cohn-bendiste, je combats les nationalismes et régimes totalitaires, je milite pour la reconnaissance de l'Etat palestinien et la victoire de l'Ukraine, la défense des droits humains

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Billet de blog 3 avril 2014

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François Hollande adopte hélas la méthode Schröder

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour Emmanuelle Cosse, dans son interview au journal Le Monde, le changement de cap n’a pas eu lieu : « Mais on ne peut pas non plus mettre de côté l'ensemble des discussions sur la ligne économique, sur les 50 milliards d'économies, sur la façon dont François Hollande a imposé un certain nombre de sujets, que ce soit le CICE [crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi] ou le pacte de responsabilité, sans jamais en parler à ses partenaires. Et je ne parle même pas du droit de vote des étrangers. Le changement de cap n'a pas eu lieu ».

Ceci me fait dire qu’il y a quelquechose d'inquiétant dans la stratégie politique de François Hollande, ce qui est peut-être même plus préoccupant que la nomination de Manuel Valls au poste de Premier ministre.

La stratégie de François Hollande, en ne changeant pas de cap, est de marquer l'histoire, pensant que d’ici quelques années, le monde dira qu’il avait raison. Aussi, le fait d’être impopulaire est pour lui un risque à prendre. C’est peut-être du Blair, mais c’est surtout du Gerhard Schröder. Et si à l’étranger, certains regardent la politique de Schröder de façon béate, y compris et peut-être surtout en France et notamment François Hollande en quête d’un modèle, les Allemands ont particulièrement souffert de ces réformes. Gerhard Schröder, lors de son deuxième mandat, a voulu marquer l'histoire avec ses réformes, pour qu’il soit dit ensuite : regardez ce que j’ai fait, j’ai remonté le pays. Sa stratégie : surtout ne pas changer de cap. Il savait qu’il serait impopulaire. Interviewé par Jean-Pierre Elkabach en mars dernier, voici ce qu'il déclarait en apportant son soutien à François Hollande et ses réformes : « Certes, il y a des difficultés, mais nous avons dit (à l’époque) : il faut le faire maintenant, le pays a besoin de réformes. C’est une décision qui peut avoir des influences négatives et les conséquences positives, vous les voyez trois ou cinq ans plus tard. Il faut accepter le risque de l’échéance. J’ai perdu la chancellerie à cause de ces difficultés ».

Résultat, le SPD ne s’en est jamais remis, car dans l'incapacité de devenir depuis lors le premier parti du pays, naviguant depuis autour de 25%, au lieu de 38-42%.

Et si François Hollande a vraiment décidé d'adopter la méthode Schröder, parce qu'elle a conduit au succès de l’économie allemande ctuellement, il se trompe lourdement. Ce n’est pas Schröder qui a permis ce succès actuel, bien qu’éphémère en raison de l’érosion démographique et sociale. Il a, avec ses réformes, au contraire, contribué à creuser fortement les inégalités. D'ailleurs, Angela Merkel, lorsque'elle est arrivée au pouvoir, a été obligée d'apporter quelques corrections. Et lors des élections législatives de 2013, si le SPD a pris ses distances avec les réformes Schröder, l’électorat, lui, n’a pas oublié. Le succès économique actuel de l’Allemagne n’a pas lieu grâce à Schröder, mais malgré lui. Il est plutôt du aux caractéristiques traditionnelles du modèle allemand qu’aux réformes de Gerhard Schröder, dont l’effet principal de la politique a été le développement spectaculaire de la pauvreté et des inégalités, comme le mentionne Guillaume Duval dans son livre « Made in Germany – le modèle allemand au-delà des mythes » .

La stratégie politique de François Hollande est donc très lisible : Surtout ne pas changer de cap pour marquer l’histoire.

Pour ce, on assistera à la mise en œuvre du programme d’économies budgétaires du précédent Gouvernement, les 50 milliards d’économies. Et comme il faut desserrer un peu la ceinture, il y aura quelques baisses d’impôts et des cotisations, plus un pacte de solidarité dont on ne connaît d’ailleurs pas le contenu.

C’est pour cela que Manuel Valls a été appelé comme Premier ministre.

Par ailleurs ce n'est pas un très bon signal, quand dans un pays un ministre de l'intérieur est nommé Premier ministre. Les ministres de l'intérieur sont faits pour ça. On les appelle les 1ers flics. C'est une fonction ministérielle qui colle à la peau. Les nommer chef de gouvernement a toujours un goût d'ordre et de discipline avant tout, qu'on le veuille ou non. On ne peut donc pas oublier les positions de Manuel Valls sur les Roms etc...

Alors, oui, Manuel Valls avait promis aux écologistes un grand ministère de l’écologie. Sans doute séduisant ! Mais comment certains de nos députés écolos peuvent-ils dire, banco, on y va ! si la discussion sur la ligne économique et des 50 milliards est laissé de côté, si de de ce fait, le budget de ce ministère de l’écologie est flou, bref, s’il n’ y a pas de changement de cap ! 

Nous sommes piégés par la Ve où tout se négocie en à peine 48h, ce qui en dit long sur le fonctionement démocratique, alors que lorsque des partenaires sont amenés à co-gouverner, il devrait y avoir des pactes signés, les adhérents des partis devant avoir la possibilité de s’exprimer sur ce qui est proposé. Ceci permettrait de mettre en place des coalitions, et cette période pré-gouvernementale devrait faire partie de la vie politique et être très animée. Ceci fonctionne très bien dans d’autres pays, en Allemagne par exemple.

Je suis généralement pour que se croisent une certaine radicalité et la participation gouvernementale. Mais ce manque de propositions innovantes pour moderniser la France, cette inertie au sommet de l’Etat, sous prétexte de vouloir marquer l’histoire, tout ceci nous appelle en tant qu 'écologistes à bâtir une autonomie constructive. Ne pas participer au Gouvernement, ne signifie pas une opposition frontale et stérile et le rejet systématique, dont nous nous démarquons franchement. Nous ne ferons surtout pas du Jean-Luc Mélenchon. Notre action au sein du groupe parlementaire n'en sera que renforcée et nous resterons dans la majorité présidentielle. Mais les écologistes ont bien compris que la sanction des urnes est rude car le pays va mal et qu’il y a une forte demande de justice sociale, que le peuple de gauche, dans lequel se trouvent les écologistes, est abasourdi par les résultats. Quand même, face au tsunami qu'est le vote des électeurs aux municipales, il n' y a pas de changement de cap. Pire, Les Allemands ont dit hier soir que dans deux semaines des réductions budgétaires massives vont être annoncées en France. C'est cette stratégie au plus haut sommet de l'Etat qui nous empêche de participer au Gouvernement, surtout qu'il y a tellement de grands chantiers dans le domaine de l'écologie sur lesquels nous sommes attendus. Et le danger nucléaire contre lequel nous luttons est bien là. 

Les élections européennes seront l'occasion de valoriser notre autonomie constructive. Cette campagne sera difficile, vu le contexte. Elle ne sera pas la priorité gouvernementale. D’ailleurs, la nomination de Manuel Valls comme Premier ministre et celle d’Arnaud Montebourg comme ministre de l’économie ne sont pas du tout un signal fort en direction d’une véritable politique européenne, à la veille de ces élections. Par ailleurs, il n' y a pas jusqu'ici de ministre des Affaires européennes. Ou alors ce portefeuille reviendra t-il à un secrétaire d'Etat, celui du commerce extérieur? Si c'est le cas, l'Europe sera un temps partiel. C’est plus que préoccupant.

Le problème est que nous sommes dans une véritable crise de la Vè République qui a commencé il y a des décennies, qui s'est fortement accélérée avec la politique de Sarkozy et qui aujourd'hui fait ressortir de façon criante que la Ve République est à bout de souffle. Non seulement, on va dans le mur, mais l’extrême droite s’engouffre dans ce qui prend l’eau.

Et le Président de la République veut marquer l’histoire sans changer de cap.

La question de la VIè République est plus que jamais à l’ordre du jour et les écologistes doivent porter cette question.

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