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Francoise Diehlmann

Germaniste, traduis, blogue sur l'Allemagne, également sur la France, l'Europe, le monde, membre du Bureau exécutif de l'Union des Fédéralistes Européens - France (UEF-France) et secrétaire générale de l'UEF-IdF, Ecolo cohn-bendiste, je combats les nationalismes et régimes totalitaires, je milite pour la reconnaissance de l'Etat palestinien et la victoire de l'Ukraine, la défense des droits humains

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Billet de blog 12 septembre 2017

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L'extrême droite quasi anticonstitutionnelle bientôt au Parlement allemand !?

Angela Merkel est huée par l’extrême droite dans ses meetings à l’Est de l'Allemagne, région marquée par des problèmes économiques, qui n'est pas épargnée par la xénophobie. Et pour Heiko Maas, ministre de la justice et membre de la direction du parti social-démocrate, le parti d'extrême-droite, l'Alliance pour l'Allemagne, AfD, bafoue sur bien des points l'ordre constitutionnel.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour Heiko Maas, l’AfD remet en cause l’article 1 de la constitution  « La dignité de l’être humain est intangible » . Il l’explique dans une tribune parue le 10 septembre 2017 dans la Frankfurter Rundschau  sous le titre : « l’AfD est sur bien des points anticonstitutionnelle », dont voici ici la traduction.

« Rarement une élection du Bundestag n’a été aussi importante que celle qui aura lieu le 24 septembre prochain. Les ennemis de la constitution sont aux portes du Parlement allemand. Pour la première fois depuis 1949 [année de la création de la République fédérale d’Allemagne], un parti, dont le programme est sur bien des points anticonstitutionnel, pourrait franchir la barre des 5%, à savoir l’AfD [Allianz für Deutschland ou Alliance pour l'Allemagne].

Notre Loi fondamentale est née des effets dévastateurs de la guerre, de la dictature et du génocide. La nouvelle constitution était un contre-projet à la barbarie nazie, revendiqué comme tel : démocratique plutôt qu’autoritaire, européen plutôt que nationaliste, qui s’applique à tous plutôt que raciste.

L’AfD ne veut rien savoir de ces valeurs fondamentales de notre constitution, puisqu'elle exige un « rééquilibrage dans l’enseignement de l’histoire » en voulant mettre l’accent sur le XIXe siècle et les guerres dites de liberté [ou campagne napoléonienne d'Allemagne].  Ce qui doit former l’identité à ses yeux, c’est cette époque du nationalisme allemand, où l’Allemagne prussienne est entrée en guerre contre le Danemark, la France et l’Autriche.

Les ennemis de la constitution sont aux portes du Parlement

Les mères et pères de la Loi fondamentale voulaient que les choses en soient autrement. Ils avaient vécu la guerre et la misère, causées par le nationalisme et par la légende de « l’ennemi héréditaire ». C’est pourquoi, depuis 1949, « l’Europe unie » est ancrée comme objectif national dans la Loi fondamentale. L’AfD veut revenir en arrière : abolir l’Euro, mettre un terme à l’intégration européenne,  et,  si nécessaire,  quitter l’Union européenne, ce qui est incompatible avec l’article 23 qui se prononce  expressément pour l’intégration européenne.

La folie raciste des nazis a conduit à l’extermination de six millions de Juifs.  C’est avec ces crimes contre l’humanité en tête, qu’en 1949 la liberté religieuse et l’interdiction de discrimination liée à la croyance ou l’opinion religieuse ont été fixées dans les articles 3 et 4 de la Loi fondamentale. Bien sûr, chaque religion doit respecter notre ordre constitutionnel. Mais quand l’AfD exige que les minarets et l'appel du muezzin, soient globalement interdits, c’est contraire à la constitution.

L'AfD exige l'interdiction globale des minarets

Dans un Etat de droit, il revient à la police et à la justice de garantir l’ordre public. C’est donc l’Etat qui a le « monopole de l’autorité » et non des adjoints de sheriffs autoproclamés qui agissent de leur propre chef.  L’ennemi juré des populistes d’extrême droite, c’est la protection de l’Etat contre l’arbitraire. Avec le mot d’ordre « Améliorer la sécurité des citoyens », l’AfD exige : « il faut alléger l’acquisition du permis de port d’arme pour les citoyens respectueux des lois ». Ce n’est pas seulement une atteinte aux principes de l’Etat de droit stipulés dans notre Loi fondamentale, mais c’est ignorer également la triste expérience des USA où plus il y a d’armes en circulation, plus il y a de meurtres  et d’assassinats et moins il y a de sécurité.

L’AFD a peu de respect pour les droits civiques et les libertés publiques. Sa demande de recourir à la détention préventive  des suspects sans qu’il y ait de motifs de détention est une violation de la présomption d’innocence conforme à la constitution et aux principes de proportionnalité.

Selon la volonté de l’AfD, les criminels malades psychiquement ne doivent plus être accueillis en thérapie médicale, mais doivent être placés en détention de sûreté sans aide, ce qui est une violation flagrante de la garantie de la dignité humaine stipulée dans l’article 1 de la Loi fondamentale.

L’article 3 garantit l’égalité home-femme. Cette exigence est aussi l’expression de la libre autodétermination. La façon dont les citoyens vivent, ce n’est pas à l’Etat de décider, ce sont les gens eux-mêmes qui le déterminent. L’AfD propage contre cela une « image claire de la famille composée d’un père, d’une mère et d’enfants et veut en raison de la baisse des naissances créer un ministère, qui « coordonne le développement démographique selon des critères scientifiques ».

Qu’est-ce que cela signifie ? L’AfD veut-elle prescrire combien d’enfants nous devons ou avons le droit d’avoir ? Heureusement, notre constitution met un terme à ces fantasmes populistes de fécondité. Notre Loi fondamentale ne connait pas de vision rigide de la famille. La famille est là, où sont les enfants et où des gens s’engagent mutuellement. La Loi fondamentale permet à chacune et à chacun de vivre comme elle/il le veut.

L’AfD lance une attaque frontale contre de nombreuses valeurs fondamentales de notre constitution. Et cependant, je suis fermement convaincu que notre démocratie et notre Etat de droit sont suffisamment forts pour s’affirmer contre les populistes d’extrême droite. Mais il nous faut être conscients qu’il nous a fallu longtemps et que cela a causé beaucoup de victimes, avant que la liberté et la démocratie s’appliquent à toute l’Allemagne et que nous soyons devenus un pays de bon voisinage en Europe. Notre Loi fondamentale est considérée à juste titre aujourd’hui comme la meilleure constitution que notre pays ait jamais eue. Personne  ne devrait mettre en danger de façon désinvolte ces acquis, ni en donnant sa voix pour les ennemis de la constitution, ni en s’abstenant ».

La situation est préoccupante pour que le ministre de la justice fasse une tribune sur la constitution, très chère aux Allemands, deux semaines avant les élections. La Loi fondamentale est leur socle démocratique.

Cette tribune intervient après les meetings de la chancelière de la chancelière dans l’Est de l’Allemagne à Wolgast dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale, à Finsterwalde dans le Brandebourg et surtout à Torgau en Saxe fief du mouvement xénophobe et anti-réfugiés Pegida et l'une des places fortes du parti populiste et anti-migrants AfD.et Finsterwalde. C’est dans cette partie de l’Allemagne que l’extrême droite a partout mobilisé couvrant de sifflets et de vociférations les discours d’Angela Merkel : « traitre », « dégage », « menteuse », et l’accueillant parfois même avec le salut nazi.

Une telle haine est rare en Allemagne sur les marchés ou sur les places.

Le sondage INSA de ce lundi 11 septembre est édifiant. La CDU, le parti d’Angela Merkel, se tasse avec  36,5%, le SPD reste stable avec 23,5%, le parti d’extrême droite AfD vient en 3e position avec 11% suivi par die Linke 10,5%, les libéraux du FDP sont à 9%, tandis que les Grünen tombent à 6%, les divers sont à 3,5%.

L’entrée au Bundestag de l’AfD avec la constitution d’un groupe parlementaire provoquera de toutes façons un choc en Allemagne, surtout que ce parti travaillera à créer une ambiance de dégagisme avec la violence qu’on lui connaît. Il est bon de réfléchir à la signification des appels au dégagisme dans un Etat de droit après une élection. Mépris de la démocratie ? Assurément. 

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