Michel Sapin et Emmanuel Macron sont allés à Berlin rencontrer leurs homologues allemands respectifs, Wolfgang Schäuble et Sigmar Gabriel également Vice-Chancelier et Président du SPD, avec un deal: la France fait 50 milliards d'économie et l'Allemagne 50 milliards d'investissement.
La proposition de deal de la France à l'Allemagne ne peut pas fonctionner, car c'est méconnaître le couple Merkel-Schaüble. C'est aussi méconnaître l'Allemagne. Ceci n'est pas fait pour rehausser l'image de la France ou du Gouvernement français auprès de l'Allemagne et des Français. D'ailleurs, la presse allemande qualifie cette propostiion de « rusée ».
Mais, on ne quémande pas auprès de Schäuble et Merkel.
Les Français, quant à eux, ont du se dire qu'ils allaient encore devoir payer, car les deux ministres n'ont que des déficits à offrir. Et en plus le Gouvernement quémande... auprès de l'Allemagne.
Par ailleurs ceci met en lumière que le deuxième parti de la coalition, le SPD,n'a pas grand chose à dire. Sigmar Gabriel avait osé dire timidement il y a deux semaines, qu'il fallait que l'Allemagne donne un petit peu d'air en amorçant une politique d'investissement. Mais après avoir été rappelé à l'ordre par Angela Merkel il a déclaré aujourd'hui que les seuls investissements peuvent être exclusivement privés et surtout pas publics , en insistant sur le fait que l'Allemagne n'ira pas au delà de ce qu'elle peut payer. Donc dette zéro pour l'Allemagne. Gabriel fait du Merkel. Cela fait trois élections que le SPD perd, plombé par les années Schröder, et de ce fait relégué au rôele de junior dans une grande coalition avec la CDU d'Angela Merkel.
Une coalition SPD-Verts qui aurait sans doute insufflé une véritable politique écologique et énergétique en Europe aurait eu une autre allure pour l"Europe aujourd'hui. Mais malheureusement, ce n'est pas à l'ordre du jour.
L'opposition allemande, die Linke et die Grünen, quant à elle, se prononce pour une politique d'investissement, pensant à juste titre à l'Europe du Sud.
Tout ceci n'empêche pas der Spiegel de titrer et de mentionner: "Economie européenne: Pourquoi les Français ont raison?" Parce que la proposition française met en lumière le problème central de l'UE: une coopération économique est en ce moment impossible, les conséquences sont désastreuses".
Il est vrai, qu'un programme d'investissement ne peut pas être financé avec des dettes pour Wolfgang Schäuble.
L'air du temps aujourd'hui c'est une Europe où les pays prospères comme l'Allemagne font des économies et les pays endettés continuent de s'endetter. L'Allemagne a une capacité budgétaire et ne l'utilise pas. La France et l'Italie n'ont pas de capacité budgétaire, mais elles l'utilisent (la France avec son deal).
le problème au niveau de l'UE est qu'il y a une coordination budgétaire, mais pas de coordination économique. La politique budgétaire doit être coordonnée de façon telle qu'elle en devient un dogme qui est ancré dans les traités. Et en plus en Allemagne, le conseil constitutionnel vient confirmer que pour ce qui est de l'Euro, la politique budgétaire est la mission suprême de l'Etat.
Ensuite Angela Merkel n'a été élue ni par les Français, ni par les Italiens. Elle ne soutient donc pas la politique budgétaire par conviction mais par calcul pragmatique.
Enfin, il y a de la méfiance, car beaucoup d'Etats européens n'ont pas tenu leurs promesses quant aux critères. Mais Angela Merkel a sans doute oublié que l'Allemagne et la France ont été les premiers à ne pas respecter les critères de Maastricht dès le début. L'unité allemande, ça se paie.
On en est arrivé à la situation où l'Allemagne fait des économies et pas la France. Comment l'Allemagne d'Angela Merkel peut elle être convaincue que nous allons réellement économiser 50 milliards, une somme énorme ? Que se passera t-il si Marine Le Pen arrive à l'Elysée? C'est une question que l'Allemagne se pose avec effroi et réalisme. Dans ce cas, ce deal ne sera plus valable. Qu'arrivera t-il si le gouvernement français repousse encore ses mesures d'austérité pour éviter une telle catastrophe politique? Cette question aussi est posée en Allemagne.
Pour les Allemands, on peut facilement repousser un programme d'austérité. Mais il est difficile de revenir en arrière sur un programme d'investissement quand celui-ci est annoncé.
La tribune Sapin-Macron dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung aurait suffi, pas besoin de se déplacer à Berlin. Et si c'était pour un coup de comm, c'est un peu raté.