Sentant le vent venir, Gregor Gysi, figure charismatique de la gauche allemande et connu pour ses positions pro-européennes est venu à ce meeting pour dire ce qu’il pensait, donnant le ton de la mise en garde. Tout d’abord, il critique fortement ceux qui sont pour une sortie de l’euro, car le retour aux monnaies nationales auraient des conséquences dévastatrices au plan économique et social pour ces pays et d’ajouter : « on peut critiquer l'UE et je vais le faire : Manque de transparence, de démocratie, bureaucratique, antisociale, l’UE se trouve dans une crise profonde, mais elle est fondamentale pour le projet de paix du 21e siècle. Alors je tiens à vous dire que je ne veux pas revenir à l'Etat-nation, en un mot je n’ai vraiment pas envie de revenir à l'Etat des casques à pointe", selon le tageszeitung.
Celle qui lui a succédé à la présidence du groupe de die Linke au Bundestag, Sarah Wagenknecht l'a critiqué fortement, comme le souligne le tageszeitung: "c'est la plus grosse erreur que pourrait faire die Linke", elle se prononce pour le retrait des institutions de l'UE et pour la répartition des compétences entre les Etats-nations afin que ceux-ci puissent faire de la politique. Oskar Lafontaine, quant à lui, s'est prononcé avec force pour le retour aux monnaies nationales pour que des pays comme l'Espagne, l'Italie et la France puissent s'affirmer contre l''Allemagne et a mis en garde contre une défense de l'UE. Il est très difficile de comprendre comment quelqu’un comme Lafontaine qui fut pressenti pour diriger la Commission européenne, ministre des finances, Président du SPD, avant de claquer la porte du parti pour co-fonder di Linke, soit tombé dans une telle position de repli.
Les défenseurs de cette position étaient, selon le programme, à la tribune avec Oskar Lafontaine, dont Jean-Luc Melenchon qui a donné raison en déclarant: "ce qui est bon pour l'Allemagne, est mauvais pour la France" (tageszeitung). Le plan A de Mélenchon est de sortir des traités comme le traité de Lisbonne. Mais il va encore plus loin avec un plan B où il caresse l’idée que la France puisse sortir de l’UE ou tout du moins de l’Euro.
Mélenchon est tellement anti-allemand que son aveuglement lui fait oublier quelque chose d’essentiel pointé par Gregor Gysi : l’Allemagne s’est réunifiée sur des bases guerrières (l871, vainqueur de la guerre de 1870, puis ce fut la Première Guerre mondiale, la Seconde avec la période effroyable du national-socialisme qui fut l’extension de l’ « espace vital » de l’Allemagne et on sait comment. Mais l’Allemagne, après plus de 40 ans de division a réussi sa réunification pacifique en 1990 avec la chute du mur de Berlin et ce, dans le cadre de l’Union européenne qui est le garant de la Paix. La faire sortir de l’UE, c’est comme le dit symboliquement Gregor Gysi, la replacer dans l'esprit du retour de l’Etat des casques à pointe, ce qu’il ne veut pas. Mais cela ne semble aucunement déranger Jean-Luc Mélenchon.
L'un des fondateurs d'Attac-Allemagne, Peter Wahl, est allé encore plus loin dans le cynisme, déclarant qu'il faut rompre avec les traités européens et forger une coalition de volontaires ou des renégats en créant une brèche dans les pays européens de la Méditerranée pris à la gorge par l’austérité qu’impose l’Allemagne d’une part et en s’alliant avec les pays du groupe de Visegrad composés de la Hongrie, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Pologne d’autre part (tageszeitung) Ce groupe s’est réuni plusieurs fois pendant la crise migratoire où il a fait savoir – par la voix du dirigeant populiste hongrois, Viktor Orban - sa ferme opposition à l’accueil de réfugiés dans leurs pays, rejetant notamment l’idée des institutions européennes d’un système de répartition obligatoire des réfugiés. Ceci va dans le sens d’Oskar Lafontaine et de Sarah Wagenknecht, considérant les réfugiés comme des « invités » et prônant un plafonnement du nombre des réfugiés et dans les sens de Jean-Luc Mélenchon qui a avoué qu’il n’aurait pas fait comme Angela Merkel d’ouvrir les frontières. Précisons que Viktor Orban envoie les chiens contre les réfugiés et organise bientôt en Hongrie un référendum anti-migrants.
Assez effaré par ces propos, le co-président de die Linke, Bernd Riexinger s'y est opposé: "Je suis contre de telles stratégies qui divisent très fortement la gauche, les syndicats, les générations" (tageszeitung). Idem pour Dietmar Bartsch, co-président du groupe de die Linke au Bundestag avec Sarah Wagenknecht, qui plaide pour une gauche unie qui lutte au sein de l'Europe et pour l'Europe. Mais en marge du meeting, des membres de la direction de die Linke ont manifesté leur inquiétude car les positions nationalistes-souverainistes sont de plus en plus fortes dans la société et à die Linke. Les passerelles avec l’AfD et le FN sont là. Ces gens ne sont plus de gauche. D'ailleurs que peut-on attendre d'eux quand Oskar Lafontaine dans le talk show "Anne Will" de la première chaine allemande sur Clinton-Trump, ose dire sérieusement: "Si je devais voter, j'aurais des difficultés à me décider pour qui".
On comprend mieux pourquoi Podemos, Syriza et Varoufakis qui a rompu avec Mélenchon et Lafontaine en raison de leurs positions nationalistes-souverainistes, ont décliné l’invitation.