La distinction entre information et éducation n'est pas fondée, car être informé suppose d'être éduqué, et inversement, être éduqué suppose d'être informé.
Pas d'information sans éducation et pas d'éducation sans information. L'une ne va pas sans l'autre.
L'éducation, c'est l'apprentissage d'un ensemble de savoirs et de règles permettant à un enfant de devenir un adulte capable de vivre en société.
Autrement dit, éduquer ne consiste pas simplement à transmettre des savoirs (ou informations), cela consiste aussi à transmettre des méta-savoirs (règles et valeurs) permettant d'assimiler ces savoirs.
En outre, l'éducation permet à un enfant de recevoir des informations, de les comprendre et les assimiler, mais encore d'avoir une opinion ou un jugement personnel sur ce qu'il apprend.
Par exemple, il va aimer ou ne pas aimer, telle ou telle matière, pour telle ou telle raison...
Par ailleurs, l'information (connaissance ou savoir) ne peut pas être neutre, quand les sujets et les thèmes abordés ne sont pas neutres eux-mêmes.
C'est en cela que les sciences humaines et sociales diffèrent essentiellement des sciences physiques ou naturelles.
Dans les sciences humaines, de nombreux sujets sont porteurs de valeurs déterminées culturellement et socialement (comme de nombreux mots sont porteurs de valeurs).
C'est ce qui faisait dire à Paul Ricoeur que "les sciences humaines ne peuvent pas expulser de leurs objets le caractère de valeurs qu'ils revêtent pour les acteurs".
En l'occurrence, la distinction entre information sexuelle et éducation sexuelle n'est pas justifiée, parce que la sexualité ne relève pas seulement de la biologie.
Elle doit être comprise comme englobant l'affectivité et la vie sentimentale, dont les comportements amoureux font partie.
Dans ce domaine, l'information (comme la non-information ou le tabou) n'est pas neutre.
Elle fait intervenir des valeurs culturellement et socialement déterminées, concernant des modèles parmi lesquels chacun(e) a à se situer.
Par conséquent, l'école elle-même n'est pas neutre et ne saurait l'être, en particulier pour les aspects de la sexualité relevant des sciences humaines et sociales.
L'école laïque doit apprendre aux élèves de quoi est fait le monde, comment vivent leurs congénères, etc...
Quels sont les modèles de comportements amoureux et conjugaux, leurs origines, leur histoire, pourquoi ces modèles engendrent des divisions...
Quelles sont les valeurs républicaines, universelles, etc… de ce point de vue.
Ainsi, le fait de ne pas porter de jugement moral, relève encore en dernière analyse, d'une attitude morale, c'est-à-dire de valeurs dont l'école doit être fière et qu'elle doit revendiquer.