Libertad Solidaridad Bien Estar (avatar)

Libertad Solidaridad Bien Estar

Chercheur du dimanche pour un socialisme intégral et une stratégie émancipatrice

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 6 juillet 2013

Libertad Solidaridad Bien Estar (avatar)

Libertad Solidaridad Bien Estar

Chercheur du dimanche pour un socialisme intégral et une stratégie émancipatrice

Abonné·e de Mediapart

Le socialisme radicale et pragmatique, kézaco ?

Libertad Solidaridad Bien Estar (avatar)

Libertad Solidaridad Bien Estar

Chercheur du dimanche pour un socialisme intégral et une stratégie émancipatrice

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un socialisme radical et pragmatique qu'est ce que cela peut-il bien être ?

En lisant deux livres d'Irène Pereira, Peut-on être radical et pragmatique ? et Les grammaires de la contestation, Un guide de la gauche radicale, je me suis reconnu, à quelques approximations près, dans la définition que l'auteure en donne.

Celle d'un socialisme cherchant à "métisser" différents courants de pensée de la gauche radicale avec une vision pluridimensionnelle des dominations loin d'un socialisme systématisant faisant d'un système (souvent le capitalisme) le principal voire le seul système d'oppression.

                                                                                                
Des grammaires et plusieurs systèmes d'oppression

Pour cela, Irène Pereira s'est inspirée de la sociologie pragmatique de Boltanski et Thévenot en utilisant la notion de grammaire pour lui permettre d'analyser la cohérence des discours et les pratiques des acteurs. Elle utilise trois types de grammaires principales : la grammaire républicaine sociale, la grammaire socialiste et la grammaire nietzschéenne.

Chaque grammaire s'apparentant à un idéal-type : la première s'appuie sur les notions de citoyen, de démocratie économique, politique et sociale, de démocratie participative, d'universalisme humaniste, c'est celle qui caractérise par exemple Attac ou le Parti de Gauche ; la seconde fait référence au travailleur, au prolétaire, à la révolution, à la collectivisation, elle est celle des organisations léninistes comme LO, la CNT ou fédéralistes comme la CGT ; enfin, la troisième grammaire privilégie les minorités (trans, prostituées, prisonniers, femmes...) et leurs revendications.

L'important ici, me semble de s'intéresser aux critiques et aux compromis possibles entre les différentes grammaires. En cherchant les limites de chaque grammaire et les critiques à adresser à certains auteurs, courants de pensée ou organisations. Il faudrait aussi mettre en avant ce qui permettrait de faire des compromis entre les différents grammaires pour définir ce que peut être un socialisme radical et pragmatique.

Pour Irène Pereira, il s'agit d'avoir une approche pragmatique en s'appuyant sur la revendication d'autonomie des divers groupes s'estimant opprimés. Cela conduit à définir plusieurs systèmes d'oppression (système capitaliste, système théologico-étatique, système de la rationalité technique, système patriarcal, système raciste) et à étudier leurs interactions, puis à les unir dans le cadre d'une lutte contre les rapports sociaux d'oppressions, ce qui serait au cœur du socialisme radical. Ces systèmes d'oppression sont à la fois des exploitations économiques, des dominations politiques et des oppressions culturelles.

Le fait que ces systèmes d'oppression soient à la fois économique, politique et culturelle devraient donc nous questionner sur les tactiques et stratégies à mettre en place pour s'en émanciper éviter le piège de ne voir dans le capitalisme qu'un système d'oppression économique en minorant donc les aspects politiques et culturels.

Percevoir une multiplicité de modes d'oppression est salutaire dans la définition que donne Irène Pereira du socialisme radical car cela nous écarte des gauches "systèmatisantes", faisant d'un seul système, au choix : le capitalisme, le système technicien, le patriarcat, etc... LE système principal à abattre. D'où découlerait ensuite une hiérarchie des différents systèmes de domination voire même une occultation pour certains militants ou courant de la gauche radicale.

Quelle(s) organisation(s) ?

Il faut ensuite tenter de trouver des pistes pour fonder de nouvelles organisations permettant de faire coexister différentes grammaires. C'est ce que l'on trouve dans les ouvrages d'Irène Pereira avec l'idée d'un socialisme radical et pragmatique. Irène est ainsi proche d'Alternative Libertaire qui est sans doute l'une des organisations de gauche les moins sectaires.

Puisque cette organisation n'hésite pas à puiser théoriquement chez les auteurs libertaires, les marxistes, les sociologies critiques mais aussi chez les penseurs de l'écologie radicale ou du féminisme radical comme Christine Delphy pour penser la société telle qu'elle est et questionner les chemins de l'émancipation.

Définir radicalité et pragmatisme :

Il faut revenir ici sur la définition des termes radical et pragmatique souvent mal compris, l'un renverrait à l'intransigeance et à l'idéalisme, l'autre au compromis et à la capitulation rapide en cas de rapport de force défavorable alors que l'époque actuelle devrait nous inviter à ne galvauder ni la radicalité ni le pragmatisme.

Le pragmatisme, si l'on essaye de faire un détour par les mouvements sociaux actuels, ça ne serait pas de revenir sur des fins et des principes, mais plutôt de ne pas reproduire un militantisme de type léniniste (maoïste, trotskiste, stalinien) qui a dominé la gauche radicale entre les années 1950 et la fin des années 1970. Celui-ci apparaissait comme dogmatique et idéologique: l'action militante était prédéterminée par des principes théoriques élaborés indépendamment de la situation concrète. Ce qui caractériserait le pragmatisme du militantisme actuel, c'est la mise en avant d'une action visant une recherche d'efficacité concrète immédiate. Ce point est en particulier une spécificité du militantisme associatif dans le renouveau contestataire qui est apparu au début des années 1990. Par exemple, l'association Droit au logement lutte en réquisitionnant des logements vides et en y logeant des familles immédiatement. Il s'agit donc de chercher à obtenir des résultats concrets et significatifs, des améliorations immédiates. Militer de manière pragmatique permet ainsi d'exprimer des conceptions morales ou politiques mais en les adaptant à la situation.

Il faut donc s'écarter du sens vulgaire de mot « pragmatique »: être pragmatique, ce serait agir en ne se souciant que de la réussite de son action en s'adaptant au système tel qu'il est sans songer à le transformer.

Le pragmatisme ne mène donc pas à une "droitisation" et à la perte d'un horizon post-capitaliste au contraire, le pragmatisme, philosophiquement, suppose une continuité entre les moyens et les fins, le pragmatisme est aussi une démarche profondément démocratique.

La démocratie supposerait, ici, une remise en cause des inégalités sociales: inégalité entre riches et pauvres, entre gouvernés et gouvernants...La démocratie comme méthode implique une participation directe des citoyens aux décisions politiques. 

Par conséquent, une politique qui ne se donne par pour objectif la remise en cause des inégalités sociales et qui n'utilise par des méthodes profondément démocratiques de participation directe des citoyens, n'est pas pragmatique.

De ce point de vue, les organisations militantes du renouveau contestataire se caractériseraient par leur volonté d'agir en vue d'une société plus démocratique en privilégiant elles-mêmes des modes d'organisation qui mettent en avant la démocratie directe.

Si nous considérons qu'il y a plusieurs systèmes d'oppression et que chacun d'entre eux se déploient de manière économique, politique et culturelle.

Et si nous considérons aussi qu'il faut trouver des manières de militer permettant de lier les moyens et les fins. Cela demanderait dans notre militantisme d'agir de manière équilibrée sur quatre leviers différents pour changer la société, quatre espaces stratégiques comme l'expliquent certains auteurs (1) :

1) les luttes idéologiques et culturelles

2) les luttes revendicatives

3) Les pratiques d'autonomie et alternatives

4) Le rapport aux institutions politiques et étatique,

Ce rapport aux institutions est très différent d'une organisations à une autre, certaines étant plus ou moins marquées par la professionnalisation politique (manque d'autonomie par à d'autres organisations politique, nombreux : permanents, élus, et militants dont l'emploi est lié au maintient  d'élus dans une collectivité locale, etc...), le spectacle électoral, l'intervention dans des syndicats ou des associations plus ou moins liés aux institutions.

Chacun de ces quatre espaces stratégiques, qui ne sont pas à hiérarchiser, mériteraient de plus amples développements pour mieux les définir (1), je tenterai de le faire plus précisément dans des billets ultérieurs. J'essayerai aussi de montrer comment certains auteurs ou courants de pensée apportent des réflexions significatives sur le sujet, nous permettant en retour de modifier nos pratiques militantes et de porter un autre regard sur ces espaces stratégiques.

La radicalité, c'est rechercher des principes forts. Si pour Marx Être radical, c'est prendre les choses par la racine. (2), être matérialiste devrait nous amener à rechercher les différentes sources/racines des inégalités et à trouver en amont les différents systèmes de domination cités plus haut.

Et si pour l'homme, la racine, c'est l'homme lui-même (2), il serait un minimum opportun de s'intéresser à ce que les sciences humaines récentes (en histoire, en sociologie, en géographie, en économie, écologie, en anthropologie, etc...) ont à dire sur la société et pas seulement ce que les rails confortables du marxisme révolutionnaire ont à dire sur le sujet avec des textes qui souvent datent du début XXème siècle. Il faudrait aussi compléter ces savoirs "universitaires" avec des sources plus "militantes" liées à des courants de pensée ou des auteurs qui ne sont pas généralement considérés comme appartenant aux sciences humaines du fait de leur engagement dans la société. Je pense ici à certains auteurs de l'écologie radicale (Jacques Ellul, Murray Bookchin, Ivan Illich, Serge Latouche,etc...), du féminisme radical, de l'écoféminisme (matérialiste), du syndicalisme révolutionnaire, de l'anarchisme classique, de l'austro-marxisme, de l'anarchisme non-violent, etc... C'est sans doute pour moi la meilleure méthode pour tenter d'interpréter le monde et agir sur lui et faire des paris tactiques et stratégiques en lien avec notre époque.

Chercher ensuite à relier radicalité et pragmatisme c'est vouloir une conjonction entre un attachement à des principes forts et l'adaptation à une situation. Selon une vision pluri-systèmique, les inégalités ont de multiples origines: la propriété privée, mais aussi le patriarcat, l'existence de l'Etat, l'absence de prise en compte de l'écologie ou le racisme. Ces principes guident aussi l'action : la mise en application d'un principe comme l'autogestion permet de favoriser dans les mouvement sociaux les décisions au consensus ou l'unanimité même si le vote majoritaire peut être parfois utilisé, ou encore de valoriser l'autonomie d'une cellule de base sans perdre de vue les concessions à faire pour converger vers les objectifs d'une structure fédérale. Cette mise en œuvre pragmatique permet d'expérimenter et de construire une intelligence collective plutôt que de se conformer aux "vérité" d'un militantisme routinier. La démocratie devient alors aussi bien une fin qu'un moyen.

Une autre forme de pragmatisme pourrait consister à se demander si la fin poursuivie est compatible avec une amélioration immédiate voulue par des militants ou si elle entraîne des compromissions. Il faut toujours avoir cette préoccupation de base en matière de militantisme: comment obtenir des résultats significatifs conformes à nos principes.

Il s'agit souvent du problème de la fin et des moyens sur lequel différents auteurs (Rosa Luxembourg, Lénine, George Sorel, Gandhi, John Dewey, Léon Trotsky, Benjamin Tucker, Otto Bauer, etc...)  et courants politiques (anarchisme non-violent, syndicalisme révolutionnaire, austro-marxisme, écologie radicale, anarchisme classique, etc) sont intervenus et ont proposés des réflexions, mais nous auront bien le temps de développer cela dans de prochains billets après ce premier billet de présentation.

Ce blog essayera de contribuer modestement à l'établissement des contours possibles d'un socialisme radical et pragmatique, par le biais de notes de lectures, de réactions à l'actualité, de présentations de pratiques militantes d'autonomie, d'expérimentation et de rapprochement possibles entre différents auteur-e-s et courants de pensée par le biais de billets dédiés.

Les lecteurs seront j'espère indulgents sur le contenu des billets, ceux-ci sont écrits par un simple militant qui est autodidacte en ce qui concerne les sciences humaines mais qui ne manque pas de curiosité.

 (1)  On peut lire Pour un élargissement du débat stratégique au sein de la Ligue de Philippe CORCUFF, Cédric DURAND, Willy PELLETIER, Loïc ABRASSART, Damien BUCCO, Guillaume FLORIS, Lilian MATHIEU. Il s'agit d'une contribution au débat interne de la LCR en 2006. Les quatres espaces stratégiques y sont un peu plus développé.

(2) Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel Karl Marx.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.