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Billet de blog 4 novembre 2025

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CHIEN 51 de Cédric Gimenez

Cette menace pleine de promesses ou cette promesse très menaçante.

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J'attends du cinéma qu'il me divertisse et quand un film réussit dans cette belle opération, c'est tout bénéfice, autant pour le bon public que je m'efforce d'être que pour celui qui pourra se prévaloir du succès de son entreprise. A la sortie de la salle je me déclare alors tantôt bien diverti, tantôt peu réjoui et mal égayé ; parfois j'ai flotté entre les deux sauf si je me suis assoupi ou si j'ai consulté ma montre à répétition. A mon réveil je pourrais toutefois faire alors preuve d'indulgence et m'écrier : « Pas mal, mais aurait pu mieux faire ! ».

Je vais également au cinéma sans chercher à être ni diverti, ni distrait mais par curiosité ou pour savoir. J'aime m'instruire et ne m'en lasse que rarement...C'est dans cet état d'esprit que je suis allé voir Chien 51. Les promesses mais également les dangers et méfaits possibles de l'Intelligence Artificielle nous sont détaillés presque quotidiennement désormais et c'est dans cet état d'esprit ambivalent que j'étais déjà allé voir I am your man de Maria Schrader et que je suis toujours disposé à me déplacer pour tout ce qui traite de cette menace pleine de promesses ou de cette promesse très menaçante.

Le synopsis de Chien 51 avait retenu mon attention mais le scénario puis sa mise en image et en son m'ont non seulement déçu mais même contrarié. Ce qui m'a d'emblée contrarié c'est la course de voitures toutes sirènes hurlantes à travers la ville. Je pensais qu'une fois rendus, les véhicules remisés et les sirène éteintes, un rythme de croisière s'établirait et que allions étudier en toute quiétude la difficile question du contrôle sociale et celui des individus . Il n'en fut rien. La saturation de la bande sonore ne s'est pas démenti pendant tous le film, tantôt un bruit de voiture, de drones ou des rafales tirées sur un fuyard, tantôt une musique envahissante, prégnante qui souligne et surligne en même temps le moindre fait et geste porté à l'écran.

Le synopsis est simple : désormais Paris est organisé et administré par l'IA qui non seulement fournit à la police des scenarii pour identifier les responsables de délits et de crimes, mais elle organise également l'espace des parisiens en trois zones de vie séparées et étanches, truffées de caméras permettant surveillance , reconnaissance et identification de tous ses habitants avec quelques checkpoints menaçants que seules les autorités peuvent franchir à leur guise. Comme il faut toujours ménager une porte d'espoir, un jeu télévisé permet de temps à autre à un heureux gagnant d'être l'élu du jour pour devenir un transfuge de classe et de zone. Je vous laisse le soin de deviner qui habite l'une ou l'autre zone et dans quel sens la migration est le gros lot du jeu télévisé.

L'Intelligence Artificielle repose sur un algorithme puissant qui brasse en un temps inégalée une masse quasi -illimitée de données recueillies pour délivrer des réponses à des questions et même formuler les questions à notre place avant de prendre notre place pendant que nous nous contentons de déguster une glace à la vanille ou à la pistache qu'elle a probablement choisi elle-même à notre place selon notre humeur du jour, la température ambiante et l'air du temps.

Cette organisation spatiale et sociale aurait pu fonctionner comme un monde meilleur si soudainement le concepteur et inventeur de l'algorithme n'était pas assassiné. L'enquête est confié à Zem (Gilles Lellouche) età Salia (Adèle Exarchopoulos). Le premier est un policier à l'esprit indépendant et rebelle marqué et la seconde une ancienne lauréate du fameux jeu de transfuge de zone. Ils sont par conséquent réputés hors du commun et être le dessus du panier ce que la suite du film ne confirmera pas vraiment.

La première thèse pour expliquer l'assassinat est bien sûr le complot ourdi contre le nouvel ordre social par un mouvement activiste d'opposition mené par Jon Mafram (Louis Garrel). Sa traque, ses motivations et ses formes d'action auraient pu nous intéresser au même titre que les techniques sophistiquées mises en œuvre pour l'appréhender. Nous en serons privés car Mafram se rend et coopère en annonçant : « Ce n'est pas moi, cherchez ailleurs »

Il nous reste la seconde thèse, celle d'un odieux dictateur encore tapi dans la pénombre qui se serait approprié ALMA (c'est le nom donné à l'algorithme). Va pour la traque de cet individu pour le débusquer et le neutraliser. Théo Rimarval (Romain Duris), ministre de l'intérieur en exercice paraît offrir un bon profil de méchant. Patratas ! Pas besoin d'une enquête très poussée, Rimarval se met à table et donne et dit ce qu'il sait. C'est ALMA qui a fait tuer son concepteur car ce dernier s'était rendu compte que sa créature prenait trop au sérieux sa mission de traquer et d'éradiquer le crime et commençait à se donner des ordres à elle-même à la manière de HAL l'ordinateur de bord dans Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick.

Quand l'ingénieur/informaticien a entrepris de reprogrammer sa créature pour corriger le bug et la remettre dans le droit chemin , celle-ci a tôt fait de comprendre que son géniteur était devenu lui-même un criminel qui cherchait à l'empêcher de remplir sa mission salvatrice.

Il y avait bien sûr quelques autres personnages dans l'affaire : Irina interprétée par Valéria Bruni-Tedeschi par exemple. Je ne me me souviens pas très bien ce qu'elle faisait là, ni à quoi elle servait. Je crois qu'elle et Zem se connaissait d'avant, qu'ils s'aimaient bien.

Je me souviens seulement que Zem mortellement blessé par une rafale tirée par un drone agonise longuement et finit par mourir en quelques beaux plans cinématographiques sans que le massage cardiaque administrée par Irina n'ait eu une grand efficacité. Les défaillances de ma mémoire et ma compréhension limitée du pourquoi et du comment qui ont probablement été exposés à un moment ou un autre , ne serait-ce que par allusion, sont probablement dus à la saturation sonore et visuelle que j'évoquais plus haut. Elles ont fini par altérer mes facultés. Momentanément, je veux l'espérer du moins.

Ceci étant dit et ma contrariété devant ce que je j'appellerai un gâchis une fois exprimée, je reconnais au film le mérite d'exister et de donner un contenu à ce concept d'IA dont nous n'avons pas fini d'entendre parler au point qu'il n'a pas ou plus de signification précise pour quiconque. Cette banalisation progressive conduit à ce que tout le monde connaît l'acronyme mais pas grand monde ne sait que mettre derrière et cette situation est à mon sens plus que préjudiciable.

L'IA connaît des applications dans les domaines les plus variés . Pour le meilleur quand elle permet des automatisations et évite les tâches répétitives à l'homme, quand elle permet permet de gagner du temps et économise notre énergie et quand elle permet l'exécution de tâches complexes à distance. Pour le pire, quand elle se fait intrusive et devient instrument de surveillance et de contrôle social, quand elle échappe au contrôle démocratique ou à tout contrôle de son créateur et se mue en une espèce de Frankenstein technologique. Il serait dangereux de nier ses potentialités nuisibles pour n'en voir que les atouts et bienfaits et parfaitement illusoire de penser que l'interdire réglerait le problème.

Le roman et le cinéma d'anticipation sont par conséquent des outils de connaissance et d'appropriation qui doivent nous permettre de maîtriser cette avancée considérable du génie humain mais également de nous faire une opinion sur ses usages possibles et ne pas laisser d'autres, plus ou moins bien intentionnés, en décider pour nous.

Dans la même veine que Chien 51, je vous invite à voir ainsi Dalloway de Yann Gozlan et chemin faisant j'opte définitivement pour le terme de films d'anticipation plutôt que films de Sciences- fiction. Anticipation parce que rendant compte d'une réalité en marche dont les prémisses sont déjà observables par opposition à Fiction qui relève d'un futur imaginaire ou rêvé qui bien qu'étant du domaine des possibles relève davantage des jeux de l'esprit et de la fécondité de l'imagination.

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