J'appartiens à la génération qui, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969, a veillé devant un téléviseur aux images en noir et en blanc pour être aux premières loges quand les astronautes américains poseraient les pieds sur la lune. Je peux donc affirmer haut et fort que, même si je n'y étais pas, j'en étais, ce qui n'est pas rien.
Je ne me souviens pas si je m'étais posé la question de savoir qui tenait la caméra ou l'appareil photo, pas plus que je ne m'étais interrogé pour savoir si ce à quoi j'assistais était bien vrai ou si je participais à une version télévisée de l'émission de radio d'Orson Welles qui avait fait débarquer des extra terrestres et avait mis la côte est américaine en émoi.
Le surlendemain de la fameuse nuit dont l'événement était dans tous les commentaires, alors que nous étions assis sur un banc devant sa maison, mon voisin Théo regarda longuement la lune, à la fois songeur et dubitatif, et nous fit tout de go part de ses doutes : « Comment voulez-vous qu'ils aient réussi à aller sur la lune ? Regardez ! Elle n'arrête pas de bouger, il aurait fallu sacrément bien viser ! ».
Je préfère de loin son commentaire franc du collier qui nous a fait beaucoup rire aux finasseries subtiles d'un drapeau américain qui ne pourrait pas flotter sur la lune faute de vent, d'ombres contradictoires car les éclairagistes de studio se seraient emmêlé les pinceaux ou des étoiles visibles ou invisibles pour cause de plage dynamique variable de la lumière. A trop vouloir prouver ou à trop vouloir infirmer...
Il semble bien que cette nuit-là un véritable exploit technique et scientifique a été réalisé, qu'il a suivi ces autres exploits dont John Glenn avait été le héros sept ans avant et Youri Gagarine un an auparavant. Entre la petite chienne russe Laïka de Spoutnik 2 et notre compatriote Thomas Pesquet dans la Station Spatiale Internationale, de l'eau a coulé sous les ponts et bien des étoiles ont défilé dans le ciel, mais la lente conquête d'un espace nouveau est bien en marche et elle a commencé avec ces moments-là.
La donne nouvelle a surtout été la fin d'une période connue comme celle de la guerre froide entre un bloc de l'Est emmené par l'Union Soviétique et les occidentaux européens rangés derrière le leadership étatsunien.
To the moon de Greg Berlanti présenté comme une ...comédie, qui plus est romantique, revient sur cette nuit du 20 au 21 juillet 1969, sur les péripéties de sa longue préparation et sur son lendemain immédiat. Comédie, par opposition à un pensum technologique et scientifique, sans doute. Romantique, pour faire bon poids, certainement ; rien de plus vendeur que l'échange de baisers prévisible, donc attendu avec impatience, pour entretenir un solide suspense.
Cole, directeur de la mission, bougonnant et monomaniaque et Kelly, spécialiste en marketing, fantasque et enjouée à souhait, entrent très vite en orbite. Baisers tendres il y aura.
Pendant que les ingénieurs de la NASA peaufinent le projet Apollo 11, la Maison Blanche et ses conseillers s'inquiètent . Et si l'aventure du siècle se transformait en fiasco ? L'idée des sournois ricanements russes, comme l’ éventuelle condescendance des soviétiques sont insupportables aux tenants de la suprématie américaine. De surcroît, l'attention de ceux qui détiennent les cordons de la bourse et celle d'un public qui pourrait les décider à desserrer ces cordons, semblent être surtout accaparées par la guerre du Vietnam qui monte en puissance.
L'exploit à venir doit donc être filmé, ce qui reviendra de proche en proche non plus seulement à filmer l'aventure mais aussi à faire un film qui mettra l'aventure en scène. Pour le cas où. La tentation est dès lors grande de substituer aux véritables images de qualité plutôt médiocre des images de meilleure définition et surtout organisées en plans scénarisés par un cinéaste un peu échevelé que le comédien Jim Rash campe à merveille.
To the moon est une petite pépite dont les scénaristes américains savent si bien se faire une spécialité pour notre plus grand régal. Gageons que même ceux qui se font un bonheur à toujours laisser entendre que ce qui a été dit n'est pas et que qui est dit nous cache toujours en fait la vérité, y trouveront leur compte.
Tous y trouveront par conséquent leur compte. Moi-même, je me suis joliment mis en condition pour revoir Des hommes d'influence de Barry Levinson quand Dustin Hoffman et Robert de Niro concoctent de toutes pièces une histoire spectaculaire, cette fois pour détourner l'attention des médias.