Macron reçoit Erdogan et presque immédiatement ressurgit un vieux débat: faut-il recevoir cet adversaire de l'idée démocratique et de la notion d'Etat de droit? Et aussitôt le désir de boycott réapparaît en filigrane dans les discours. Ceci m'inspire cela:
Il importe en toutes circonstances de garder le contact et la capacité à échanger, à dire, à faire part, sans intermédiaire et en toute souveraineté politique, avec les chefs d'Etat même les plus douteux. Ce serait grave cependant si nous nous leurrions sur un régime ou si nous étions dans le déni de sa nature véritable.Il ne semble pas que le Président Macron soit dans ces errements, en tout cas rien ne permet de l'en soupçonner. La Turquie reste un interlocuteur et nous ne devons désespérer de rien même si Erdogan est un froid calculateur frappé d'une surdité politique qui le rend dangereux.
Les démocrates turcs, ces femmes et ces hommes courageux , frappés d'interdictions professionnelles, d'arrestations arbitraires, d'emprisonnements sans jugement, de jugement sans véritables droits de la défense, victimes de persécutions et de brimades en tout genre, ces démocrates comptent sur nous et ne souhaitent pas que nous nous réfugions sur notre Aventin en nous drapant dans notre autosatisfaction d'être les plus vertueux.
Le peuple Kurde, toujours aux avant-postes quand il s'agit de leur chercher noise et surtout de nier leurs droits légitimes, ont également le regard fixé sur nous. Ne les ignorons pas et donnons des réponses à leurs interrogations avant que leurs regards ne deviennent lourds de reproches et que nous perdions notre âme par notre ingratitude et notre indifférence.
Quand nous sommes indignés, excédés, nous avons besoin de réagir, nous avons envie d'action et nous ne nous contentons plus de mots.L'idée de boycotter nous revient à l'esprit. Elle est toujours d'abord un désir de couper toute relation, de refuser tout échange même de paroles.Le boycott est une arme dangereuse, difficile à manier, et qui peut être terriblement contre-productive. S'il peut être un moyen de pression, quand il est économique, à partir d'un certain seuil il contraint et fragilise plus la population du pays concerné que ses dirigeants et oligarques. Il leur permet même de créer des solidarités politiques contre nature en mobilisant contre l' étranger supposé hostile et malveillant.
Une telle mesure a eu une certaine efficacité dans la campagne de boycott des oranges Outspan de l'Afrique du Sud de l'apartheid sans doute parce qu' elle portait en elle une menace d'extension mais surtout parce que la distorsion des liens entre la population noire et le régime avait déjà atteint le point de non retour et réduisait par conséquent la marge de manœuvre dece régime. Il ne semble pas qu'elle porte de fruits quand elle frappe la Russie de Poutine.
Ne pas leur acheter et ne plus leur vendre... Nous sommes confrontés à un tiers.Ce ne doit pas être une manière de lui tourner le dos mais lui donner un signal fort et surtout compréhensible.Ne pas acheter et ne pas vendre....Nous sommes dès lors dans la froideur et la logique implacable des mécanismes économiques. Nous devons acheter pour pouvoir vendre et vendre pour pouvoir acheter car il n'y a pas d'unilatéralité durable .C'est d'ailleurs tout le sens des traité commerciaux de réguler au mieux cette relation singulière.
Le boycott est une arme et ne doit pas devenir un mouvement d'humeur. Il faut y réfléchir, d'abord à l'opportunité de son usage, mais également à la gradation de la riposte car il n'est pas utile d'insulter l'avenir.
C'est à ce noeud gordien que le Président Macron, comme d'autres avant lui, est confronté. Il aura à le dénouer ou le trancher à son tour.