Les films de guerre relatant des faits réels, comme les films sur la guerre, ne sont jamais sans intérêt. Ils procèdent d'intentions différentes et poursuivent des objectifs propres à chacun des deux sous-genres ; les deux peuvent d'ailleurs s'entrecroiser avec bonheur pour notre plaisir ou pour notre édification.
Si les films relatant des faits guerriers historiques cherchent davantage à rafraîchir nos mémoires ou entretenir le souvenir d'un héroïsme ou d'une ignominie du passé, les seconds s'inscrivent davantage dans la volonté de nous faire réfléchir ou de nous faire partager une légitime interrogation.
Top gun : Maverick de Joseph Kosinski n'est rien de tout cela. Il ne s'appuie sur aucun fait de guerre réel, ne relate aucune intervention militaire précise ; il ne s'inscrit dans aucune problématique dont pourrait naître interrogation ou controverse ; il se contente d' emprunter à l'univers militaire ses avions, ses technologies, probablement ses ambiances sans oublier au passage, dans le style le plus hollyvoodien, de mettre en valeur la première puissance militaire de la planète, son évident rôle de gendarme du monde et cela sans négliger le moindre détail propre au genre.
Les uniformes sont bien taillés, les caractères sont trempés, les procédures de décollage et d'atterrissage des F16 et F18 comme des vieux F14 sur le pont d'envol du porte-avion d'une précision qui force l'admiration sont au rendez-vous. De même le courage, le sens du devoir, la camaraderie franche et virile et la loyauté, jusqu'au symbole fort et édifiant, au cimetière militaire national d'Arlington, quand une patrouille survole la cérémonie des funérailles d'un pilote et qu'un avion quitte la patrouille pour symboliser le départ d'un camarade.
Aucun anachronisme ne vient perturber l'ensemble, l'un des pilotes d'élite de Top gun est une jolie jeune femme au sourire charmant et loin d'être une potiche et le bar où les membres de l'escadrille viennent se détendre un instant après une journée d'entraînement harassante est tenu par une femme tout aussi jeune, au sourire et au regard tout aussi lumineux ce qui ne saurait laisser Pete « Maverick » Mitchell/ Tom Cruise indifférent.
Top gun : Maverick de Joseph Kosinski n'est pas un film futile ou de pure propagande militariste toutefois, en tout cas il n'est pas que cela sans qu'il soit vraiment facile de dire ce qu'il est d'autre. Il raconte une histoire dont l' environnement, les tenants et aboutissants, les ingrédients sont intéressants même s'ils auraient gagné à être approfondis et développés davantage.
Dans un pays dont les intentions en matière de développement de son industrie nucléaire sont loin d'être pures, une base secrète souterraine enfouie dans un cirque naturel bordé d'aplombs et d'à-pics rocheux vertigineux fonctionne à plein régime pour produire d'ici trois semaines de l'uranium enrichi susceptible de lui donner l'arme nucléaire. Il n'en faut pas moins pour que le Pentagone rappelle « Maverick », pilote d'élite le plus brillant de l’Aéronavale comme instructeur d'une équipe « d'as des as » pour les sélectionner dans le cercle très restreint de Top gun et les entraîner pour une mission impossible.
Le Top des meilleurs pilotes pour une mission hors du commun dont la réussite tient d'un double miracle. La base secrète est presque inaccessible par son emplacement géographique, inatteignable par son enfouissement et seule une bouche d'aération émerge. Un premier groupe de deux chasseurs doit élargir cette bouche avec un missile pour qu'une seconde vague puisse tirer un nouveau missile air-sol pour atteindre les installations souterraines par le cratère béant. De la frappe chirurgicale en quelque sorte dans un environnement triplement dangereux.
Les abords du cirque sont défendus par plusieurs batteries de missiles déclenchés et guidés par des radars, alors que peu loin de là une dizaine de F14 en alerte permanente est prête à décoller et à se porter à la rencontre de tout intrus. La seule approche pourra se faire par une gorge profonde très escarpée, étroite et sinueuse, à une altitude très faible pour échapper au radar et à très grand vitesse car entre le moment où les pilotes s'engagent dans le canyon et le moment où les chasseurs d'interception interviendront ils disposeront de moins de trois minutes pour arriver sur leur cible.
Double miracle, triple danger: pour cette entreprise surhumaine, vous l'avez bien sûr deviné, Pete « Maverick » Mitchell ne saurait se cantonner à un rôle d'entraîneur-instructeur et doit mettre la main à la pâte en participant lui-même à l'engagement. Il va de soi que la mission sera accomplie, que tous les pilotes rentreront au bercail sains et saufs. La seule victime sera l'Amiral qui mourra suite à une longue et douloureuse maladie, dans le fauteuil de son bureau, semble-t-il.
En définitive, le seul intérêt que j'ai trouvé au film c'est de découvrir comment avec l'aide d'une version militaire de Google earth, il est possible de simuler en situation quasi réelle les conditions et les contraintes d'une mission sans quitter l'espace d'entraînement aérien du désert des Mojaves en Californie. Comment il est possible avec cette banque de données de reproduire un simulateur de vol grandeur réelle et entraîner ainsi des pilotes à des missions autrement plus que hasardeuses.
Ceci étant dit, les interprétations restent peu convaincantes et celle de Tom Cruise particulièrement évanescente. D'une manière générale, je veux espérer que quand les pilotes de chasseurs s'entraînent ou sont engagés dans leurs combats, on ne leur passe pas la bande son des prestations aériennes du film ou alors très, très en sourdine. Il serait à craindre qu'ils se crashent par perforation des tympans ou d'un autre organe. Je précise toutefois que cette observation n'a rien à voir avec une négligence de l'opérateur de la salle de cinéma ou une défaillance du retour son dans sa cabine.
Probablement émoustillé par la réussite d'une mission reposant sur un double miracle et même un troisième et un quatrième pour faire bon poids, je ne pouvais pas être en reste. Vous briefer et vous présenter de manière claire et compréhensible les difficultés et les enjeux de l'action de cette élite de l'Aéronavale américaine dans un pays autrefois ami et qui a conservé de cette époque radieuse quelques vieux F14, était le défi à relever pour apporter ma modeste contribution à la mission. C'est chose faite ; « Mission accomplie », si je puis m'exprimer ainsi sans fausse modestie.
Post scriptum
Au quatrième alinéa j'avais oublié de préciser "les mâchoires carrées et le regard perçant ". Le lecteur aura sans doute complèté de lui-même.