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Billet de blog 11 décembre 2023

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TESTAMENT de Denys Arcand

"Jus de gazon à l'eau furieuse", embellissement périphrasique pour désigner une boisson rafraîchissante à base de limonade pétillante et de sirop de menthe. Ce souvenir m'est revenu à l'esprit pendant le film sans qu'il soit question de Diabolo menthe à aucun moment du film.

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Testament de Denys Arcand se tient entre un premier concert de piano et un second dans une Maison des Aînés * au Québec.

Il pointe mais se contente d'effleurer, ce qui n'est déjà pas si mal, quelques problèmes dans l'air du temps et il pourrait tout autant se dérouler en Wallonie, en Suisse romande ou même en France que dans la Belle Province.

Un rapide inventaire de ce que Denys Arcand pointe et nous nous disons que ce n'est pas un film que nous venons de voir mais une table des matières que nous avons consultée. Cela va de l'ennui d'un retraité, vieux garçon, à sa rédemption par un amour inattendu avec grand-parenté à la clé, de l'addiction au cyclisme à celle des jeux vidéo, des pratiques douteuses de certaines banques prompts à accorder des crédits à la consommation à des personnes non solvables à la cancel culture * dans une de ses versions décoiffante , de l'opportunisme politique qui se décline horizontalement et verticalement à tous les petits travers humains que la vie peut nous offrir.

Testament est bien une comédie, au second degré toutefois, on en sourit sans rire vraiment pendant une bonne partie de la projection, on n' y pleure jamais et nous sommes toujours à l'abri du registre de l'émotion.

La fresque murale, qui représente Jacques Cartier et sa soldatesque armée jusqu'aux dents rencontrant quelques caciques iroquois ou algonquins en tenue d'époque non garantie, est au centre des protestations d'un groupe de militants qui s'en indignent pour des raisons multiples, non pas nécessairement parce que descendants des nations premières représentées mais parce qu'ils se sentent intensément concernés.

L'imagination des artistes étant sans limites, celui qui a peint la fresque n'a pas hésité à peindre une presque nudité qui aurait pu être dissimulée par quelque tenue d'apparat tout à fait de mise pour accueillir des explorateurs européens bien mis quant à eux. Ce même artiste a certes relevé que si les mâles autochtones étaient de fiers chasseurs et sans doute guerriers, leurs tendres épouses, en arrière plan, vaquaient comme ailleurs aux plaisirs de la cuisine, les seins à l'air et le téton au vent.

Le sit in*** de protestation devant la Maison des Aînés produira l'effet escompté. A défaut de pouvoir annuler la venue de Jacques Cartier dans les eaux du Saint Laurent, ni être en mesure de rétablir l'égalité des sexes chez ceux qu'on s'obstine parfois à appeler encore indiens, la directrice de l'établissement décide sur injonctions de son ministre de tutelle et de la Passionnaria et ses amis qui campent sur les pelouses devant son établissement de supprimer le problème en faisant recouvrir la fresque de trois couches de peinture blanche.

C'était sans compter sans l'ombrageux ministre de la culture et son jumeau directeur de cabinet qui considèrent que la directrice est une sotte et la ministre de la santé d'une inculture grasse. L'auteur de la fresque était selon eux une fine gâchette de l'art pictural dont une des œuvres majeures a été irrémédiablement gâchée par l'incommensurable ignorance conjuguée de la directrice et de sa tutelle. Il sera dès lors rendu justice à notre Jacques Cartier, à ses interlocuteurs algonquins ainsi qu'aux jolies demoiselles qui font mijoter un Haricot de castor en arrière plan ; le tableau sera patiemment restauré au coton-tige imbibé de solvant loin du regard des adeptes de la cancel culture partis élever une nouvelle protestation devant le théâtre de la ville où se joue une pièce qui met en scène des chinois qui sont en fait des comédiens blancs grimés.

J'ai compris à la sortie de la salle pour quelle raison est apparue dans nos exclamations communes l'expression : « Quel micmac ! » Du nom de la nation des Micmaques qui serait le première que Jacques Cartier a rencontré le 6 juin 1534 dans la Baie des Chaleurs du golfe du Saint Laurent.

* bel euphémisme dont nos cousins québecois sont friands là où nous contentons du triste acronyme EHPAD.

** annulation du passé , en langue vétuste

*** rassemblement pacifique de protestation, dans la même langue.

**** jus de gazon à l'eau furieuse, embellissement périphrasique pour désigner une boisson rafraîchissante à base de limonade pétillante et de sirop de menthe. Ce souvenir m'est revenu à l'esprit pendant le film sans qu'il soit question de Diabolo menthe à aucun moment du film.

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