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Billet de blog 13 mars 2023

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Fabelmans de Steven Spielberg

La grande différence entre Spielberg et nous, c'est qu'il met tout cela en lumière alors que nous le conservons au plus profond de nous-mêmes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Aux Etats-Unis, tout ce qui n'est pas navajo, cheyenne ou apache est potentiellement irlandais, sicilien, lithuanien, juif ou angolais. Autant de mauvaises raisons d'être regardé en chien de faïence ou carrément détesté ; autant de bonnes raisons en retour pour avoir un mauvais regard pour l'autre.

Steven Spielberg n'est ni sioux, ni letton ; il est d'origine ukrainienne par son grand-père paternel, polonaise par sa grand-mère maternelle et de confession juive probablement par les deux, mais là je m'avance peut-être. Aîné d'une fratrie de sœurs, fils d'un couple d'américains de la classe moyenne, Steven Spielberg est, selon ce que son film laisse entendre, entré en cinéma pour conjurer une grande peur lors du premier film qu'il a vu, en étant quasiment-placé aux premières loges, qui montrait une catastrophe ferroviaire. Conjurer la terreur ressentie en devenant soi-même l'ordonnateur du désastre par caméra interposée peut être une thérapie efficace.

En réalisant un petit film de vacances, le jeune Sam surprend et imprime les gestes tendres d'une idylle entre sa mère et l'ami intime de la famille. Cruelle découverte pour un fils admirateur de ses parents qui se trouve dès lors confronté à un univers idéalisé en train de s'effondrer. La caméra a fortuitement vu et fixé durablement ce que l'oeil de Sammy / Spielberg filmera désormais pour nous dans beaucoup de ses films : le détail presque insignifiant ou qui n'apparaît pas au regard du non... initié, de celui qui ne veut pas vraiment voir.

Lycéen, il est en butte à ce que nous appelons aujourd'hui un harcèlement, sur fond d'antisémitisme. Sans machiavélisme, presque par inadvertance, il magnifie un de ses harceleurs dans un film de plage, plaçant ce dernier dans la terrible situation de devoir désormais être conforme à l'image que le film a donné de lui à ses condisciples. Par inadvertance ? Vraiment ? Ou simplement identification projective à un agresseur plus connue sous le nom de Syndrome de Stockholm ?

C'est, à mon sens, certainement la scène de ce que nous nous accordons à appeler une biographie de Steven Spielberg jeune la plus intéressante. De victime d'un harceleur, de deux harceleurs complices même, Sammy Fabelmans / Steven Spielberg interprété à l'écran par Gabriel Labelle devient le tourmenteur de ses bourreaux.

En quoi les anecdotes de la vie du jeune Sammy / Spielberg, y compris les plus banales et les plus communes et à première vue totalement insignifiantes, présentent-elles un intérêt véritable, en tout cas plus signifiant que celui des miennes ou des vôtres ? Peut-être parce qu'il raconte d'autres histoires, sans doute en y mettant sa perception singulière des relations entre les êtres et leur rapport à la réalité ?

Ce que nous partageons avec Steven Spielberg est que souvent les évènements extérieurs activent en nous des blessures ou des doutes intimes qui peuvent expliquer nos attitudes et nos réactions.

La grande différence entre Spielberg et nous, c'est qu'il met tout cela en lumière alors que nous le conservons au plus profond de nous-mêmes.

Fabelsmans raconte la jeunesse et surtout la rencontre avec le cinéma d'un jeune homme qui tient le rôle de Steven Spielberg. Ce qu'il nous dit s'arrête au moment même où Sam Fabelmans débute son apprentissage dans un studio de Hollywood en Californie, comme pour nous inviter à continuer nous-mêmes l'histoire de Sam Fabelmans.

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