L'escalier de forme hélicoïdale à noyau central ressemble à s'y méprendre à la longue double hélice spiralée d'une molécule d'ADN. Hélice spiralée, escalier à vis ou en spirale ou plus simplement escalier dit en colimaçon, nous sommes au cœur d'une petite merveille architecturale. Est-ce la molécule de l'ADN qui a inspiré l'architecte ou la molécule qui a imité l'escalier ? L'énigme rejoint le mystère de la poule et de l'oeuf qui se précèdent en se suivant.
Le principe de l'escalier en colimaçon est simple ; ses marches sont enchâssées dans un pilier central d'un côté, la plupart du temps dans le mur du puits de l'escalier de l'autre. Parfois sa conception est plus vertigineuse quand l'enchâssement est fait sur un seul fût central. Il ne reste alors qu'à déterminer dans quel sens vous allez faire tourner l'escalier : dans le sens des aiguilles d'une montre ou dans le sens contraire.
Dans les temps anciens, choisir le sens que prendra la montée nécessairement inverse du sens de la descente avait son importance. Cela relevait d'une tactique de défense qui complétait l'avantage qu'avait le défenseur sur l'attaquant. Dans la tour, l'attaquant monte généralement à l'assaut alors que le défenseur contient et repousse. L'épée, le sabre ou le glaive sont pour la plupart d'entre nous maniés avec efficacité de la main droite. Si l'escalier tourne dans le sens des aiguilles d'une montre, l'attaquant est contraint de brandir son arme de la main gauche alors que le défenseur conserve l'avantage de la dextérité en la tenant dans sa main droite. Avantage lié à l'usage de son bras droit certes, mais, bien mieux encore, la défense bénéficiera d'un meilleur espace pour frapper de sa main droite.
La conduite des véhicules automobiles à gauche est propre au Royaume-Uni et à tous les pays membres du Commonwealth ou ayant simplement eu à faire avec l'empire britannique. Ce sont là encore les impératifs guerriers qui les ont conduits à occuper la voie de gauche plutôt que celle de droite. En quelque sorte, parce que les hommes sont majoritairement droitiers, ils brandissent leur épée de la main droite après l'avoir extirpée de son fourreau fixé sur leur flanc gauche. La chose faite, ils se dressent sur leurs étriers, éperonnent leurs monture en brandissant leur arme à bout de bras. Les deux chevaliers peuvent alors se précipiter l'un contre l'autre, épée contre épée, puis tourner l'un autour de l'autre dans le sens des aiguilles d'une montre en échangeant des coups sans risques de se blesser ou eux-mêmes .
Imaginez la même chose avec une occupation de la partie droite de la chaussée en faisant combattre deux cavaliers droitiers, puis deux cavaliers gauchers, puis un cavalier droitier contre un cavalier gaucher s'abordant tantôt par la droite tantôt par la gauche. Introduisez ensuite toutes les variantes que votre imagination féconde vous autorise : des cavaliers mal réveillés ou n'ayant pas terminé de cuver qui bouclent leur ceinturon portant le fourreau en le plaçant du mauvais côté. Vous êtes mûrs pour écrire les scénarios inédits de Sacré Graal des Monty Python.
Avant de mettre noir sur blanc mes réflexions sur le port de l'épée et la meilleure manière d'engager bataille et faire ensuite l'inventaire de toutes les ruses possibles pour surprendre ou simplement déconcerter l'adversaire, il a fallu que je fasse une simulation. J'ai taillé deux épées dans une tige du noisetier qui pousse au fond de mon jardin ; deux chaises pouvaient faire office de fières montures. Une amie déterminée et grande experte en combat à cheval sur un chemin étroit s'est installée à califourchon sur une chaise face à moi. Nous avons croisé le noisetier avec fureur et ce ne fut pas triste. Personne n'a été blessé. Seule la lampe du plafond en a fait les frais. Heureusement, personne n'a assisté à la charge des chevau-légers en cuisine, on aurait peut-être jasé !
Cette affaire étant réglée, il ne restait plus qu'à trouver un escalier en colimaçon pour un autre simulacre de combat et mes conclusions sont sans appel. Quand colimaçon va dans le bon sens, le défenseur droitier a l'avantage sur un assaillant droitier, mais un défenseur gaucher aurait tout intérêt à éviter un assaillant gaucher et à changer carrément d'escalier. Ainsi, il se défendrait au mieux en mettant dans l'embarras un assaillant lui-même gaucher, mais il n'aurait toutefois aucun intérêt à affronter un assaillant droitier qu'il vaudrait mieux inviter à mener son assaut en empruntant l'escalier dont le colimaçon tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.
Dans l'hypothèse où le défenseur serait parfaitement ambidextre, peu importe quel escalier il défendrait. Dans celle où l'assaillant le serait, l'affaire se corserait car tous les escaliers lui conviendraient pour mener ses assauts. Nous pouvons toutefois affirmer sans risques que la probabilité qu'un assaillant ambidextre monte à l'assaut en empruntant un escalier en colimaçon dont la tenue est assurée par un défenseur ambidextre est faible. Nous pouvons même dire que la même improbabilité existe qu'il s'agisse d'un escalier qui tourne dans un sens ou dans l'autre.
Si tous les gauchers ne sont pas de droite et si tous les droitiers ne sont pas forcément de gauche, l'ambidextrie n'est pas chose répandue tant que cela. On peut même dire qu'on ne naît pas forcément ambidextre mais on le devient par la persévérance et l'expérience.
Si aujourd'hui les occasions de défendre l'épée à la main un escalier pris d'assaut se font de plus en plus rares, il n'en va pas de même en politique et l'élection présidentielle de cette année est là pour nous le prouver.
A tout prendre, ne vaut-il pas mieux un ambidextre pour assurer la défense de la tour quand les assaillants sont successivement de gauche puis de droite, parfois les deux en même temps ! J'entends déjà les cris d'orfraie des uns, le feulement de puceau effarouché des autres. “Tout de même, on est de la vraie gauche ou de la vraie droite mais pas des deux...en même temps !” murmurent-ils de concert.
Dans cette confusion des genres, alors que tous chassent le même gibier sur les mêmes terres et que plus personne ne reconnaît plus vraiment les siens, ne vaut-il pas mieux sabrer d'abord pour mieux y voir clair ensuite ? Ne vaut-il pas mieux pour cela choisir un sabreur ambidextre certes, mais un sabreur sachant sabrer en vrai démocrate.
N'ayons pas la mémoire courte et cessons de nous voiler la face. Il est temps de regarder demain dans les yeux.
Un vieux fond rétif à toute forme d'autorité anime le "peuple de gauche", à l'exception peut-être des héritiers du PCF qui ne badinait pas avec une autorité centralisée, fortement hiérarchisée. Au point de l'avoir si joliment habillée, en l'appelant "centralisme démocratique", sans doute pour donner une tonalité théorique honorable à la pratique du renforcement par l'épuration.
Jean-Luc Mélenchon n'a pas procédé différemment dans son assemblage de poupées gigognes, du Parti de Gauche au Parlement de l'union dite populaire. Il a même fait plus simple et plus pratique, en se dispensant de tout habillage théorique et en présentant tout cela comme un fonctionnement normal. Origine et filiation politique obligent sans doute et on ne se refait jamais totalement.
Le quinquennat précédent était de ce point de vue peu satisfaisant et c'est un euphémisme. Il était tout bonnement pitoyable. Le désaccord politique, normal en toutes circonstances, s'est transformé en fronde mortifère et irrespectueuse pour le président Hollande à qui quelques petits vizirs auront décidément tout fait. J'en veux pour preuve la cruelle farce de « la cuvée du redressement » de Montebourg et le triste ralliement de ce pauvre Hamon. Même précédemment, rien ne lui avait épargné quand le même l'a affublé d'un surnom pour moquer son apparence physique et qu'un autre moquait son plaisir à raconter des histoires drôles. Aussi insupportables étaient également les mouvements de menton d'un Valls dont le secrétaire d'Etat des relations avec le Parlement, Le Guen, traquait jusque dans les toilettes de l'Assemblée les parlementaires récalcitrants.
Le président Hollande qui n'était pas un homme autoritaire, certainement pas jupitérien, mais plutôt un homme de la tergiversation et de l'indécision parfois n'a plus été en situation de se présenter. C'est ce qu'il a dit, sans plus de précision toutefois. Il est permis de croire que c'est peut-être de guerre lasse qu'il a renoncé et en raison d'une extrême solitude qu'il a baissé les bras. Avait-il démérité ? Certainement pas, sauf à considérer que quiconque ne réussit pas tout ce qu'il entreprend ou se trompe doit être voué aux gémonies et jeté en pâture à la foule.
Je reviens volontairement sur tout cela, non par nostalgie mais parce qu'il n'est pas bon d'avoir la mémoire courte. Le président Macron, pour qui je n'ai pas de sympathie particulière, ni pour sa personne, ni pour tous les aspects de la politique qu'il mène et encore moins pour les intérêts qu'il représente, a fait face.
Il a fait face au mouvement social revendicatif des « gilets jaunes » qui se réunissaient sur les ronds-points de France ; il a fait face pendant des semaines à des émeutiers ivres de haine et de violence qui en appelaient à la guillotine et promenaient sa tête en effigie au sommet de piques ; il a fait face à une pandémie insaisissable qui non seulement mettait notre santé en danger mortel, mais aurait pu conduire à un effondrement catastrophique de l'économie ; il fait face à ce jour à une épreuve imposée à l'Union européenne et à chacun des Etats membres qui la compose ; il fait face à un autocrate sanguinaire qui met à feu et à sang un pays voisin en maintenant ce qu'il faut de relation avec ce triste sire pour saisir l'opportunité éventuelle de le ramener à la raison ; il fait face et devra le faire encore dans les semaines et les mois à venir pour que nous ne soyons pas entraînés dans un conflit militaire ouvert.
Il fait face et devra le faire encore et encore pour que les pays membres de l'Union européenne restent unis dans l'adversité au delà de leurs intérêts propres parfois. Il n'est pas un homme providentiel, encore moins un sauveur suprême ; il est simplement le président de la République en exercice, pour six mois président de la Commission européenne, qui fait « le job» et qui doit le faire jusqu'au bout.
Pour toutes ces raisons, je voterai dimanche pour Emmanuel Macron afin qu'il soit reconduit dans sa fonction pour un second et dernier mandat. En aucune manière, cela ne veut dire que j'adhère à tout ce qu'il propose et envisage, encore moins à ce qu'il ne propose pas, très exactement pour les mêmes raisons que je n'ai pas voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Si dans son programme bien des choses pouvaient répondre à mes attentes, les solutions à la hussarde qu'il envisage et dont les envolées confiscatoires ne sont qu'un aspect sont insuffisantes, d'autres étaient largement rédhibitoires et le pire était à craindre.