L'Alsace partage le Kougelhopf avec la République tchèque, l'Autriche et le sud de l'Allemagne. Le Kougelhopf est une brioche à pâte levée qui accompagne aussi bien le café du petit-déjeuner que le thé de five o'clock que nous aimons emprunter à nos voisins britanniques. Une amie me rapporte même qu'il fut un temps où, dans un hôtel à Tripoli en Libye, on servait, entre autres pâtisseries, un authentique Kougelhopf au petit-déjeuner, ceci pour apporter une dernière petite pierre à une brioche qui aime flirter avec l'universalité.
La cuisson d'un Kougelhopf exige un moule en terre cuite vernissée et se doit d'éliminer tout recours à des moules en tôle, en fer-blanc ou en silicone. Un tel moule se vend en magasin spécialisé ou par correspondance auprès des fabricants de Soufflenheim dans le Bas-Rhin. Il est raisonnable de compter une trentaine d'euros pour un ustensile appelé à durer une vie entière et même susceptible d'être transmis d'une génération à l'autre. Le moule dit haut est caractéristique, mais il en existe une version allongée pour faire un Langhopf plutôt prisé dans le Haut-Rhin. Les haut-rhinois sont pour nous autres bas-rhinois des gens si étranges...
Le Langhopf est un cousin du Kougelhopf. Il ne s'en différencie que par la forme et quelques éclats de noix, de noisettes, parfois de pruneaux, là où son proche parent se contente de raisins de Corinthe ou de Malaga. Toujours ce besoin de se singulariser chez nos voisins du sud de la région.
Qui dit pâte levée, dit levure de boulanger et exclut le recours à la levure chimique. La fonction de la levure est de faire lever la pâte en y développant du gaz carbonique. La levure de boulanger est un champignon, donc un être vivant qui se nourrit de sucre. Elle développe par ailleurs le goût de la pâte par libération des arômes de la farine, de la même manière que d'autres levures sont utilisées en vinification pour développer les arômes du raisin. La levure chimique n'est qu'une simple réaction du même nom entre du bicarbonate de sodium et un agent acide pour dégager du gaz carbonique avec comme seule fonction de donner du volume. De développer un arôme, il n'est plus question. La réaction chimique s'arrête dès l'épuisement des deux corps, d'où l'obligation de cuisson immédiate sous peine de perdre l'effet « gonflette » qui est le seul but recherché.
Prévoyez un cube de 20g de levure de boulanger, dont vous vérifierez la fraîcheur avant l'achat (conservation en réfrigérateur à 10 °), 500 g de farine T45, 200 g de beurre, 2 œufs, 25 cl de lait et 50 g d'amandes effilées. Prévoyez 75 g de sucre ou 10 g de stevia.
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Les amandes effilées n'ont pas mystérieusement disparues à la cuisson,
elles ont simplement été oubliées.
La première étape est la fabrication d'un levain. Dans un bol, émiettez la levure préalablement extraite du réfrigérateur pour prendre la température ambiante. Délayez les miettes dans 5 cl de lait tiède, puis mettez quelques cuillères de farine dans un second bol et versez le lait levuré dans ce bol en remuant jusqu'à obtenir une pâte homogène, d'une consistance qui fait qu'elle colle aux parois du bol. Une pincée de vrai sucre fera le bonheur du champignon et lui donnera de l'ardeur au travail. Laissez reposer et monter dans un endroit à chaleur modérée (en été, c'est très simple, en hiver, sur un radiateur par exemple, vous pouvez également le prendre dans vos bras et le presser contre votre sein, il n'en sera que meilleur).
Dans un saladier (bleu jamais vert) en faïence versez la farine. Mélangez avec le sucre ou la stevia. Dans un puits central, versez les deux œufs délayés dans du lait et le reste du lait. Ajoutez le beurre ramolli par un malaxage à la main ou délicatement fondu si vous préférez. Ajoutez les raisins que vous aviez mis à tremper dans de l'eau pour les réhydrater. Travaillez la pâte en l'homogénéisant et pour l'aérer jusqu'à ce qu'elle ne colle plus aux mains. Pensez à Claude Nougaro qui aimait tant les mains d'un homme dans la farine pendant que sa femme le couvait d'un regard énamouré.
Introduisez le levain qui doit avoir doublé de volume par rapport à son point de départ. Travaillez cette pâte pendant quelques minutes pour bien répartir le levain.
Couvrez le saladier d'un torchon et laissez le levain mener sa vie de levain et faire son travail. Selon la saison, la chaleur ambiante ou la qualité de la levure, prévoyez une heure.
Pendant ce temps, caressez tendrement votre moule à Kougelhopf véritable et beurrez-en soigneusement les cannelures. Disposez les amandes effilées et quand votre pâte a bien levé versez-la dans le moule. Laissez la pâte lever une seconde fois jusqu'à atteindre les bords de votre moule. Si vous couvez l'opération d'un regard attendri, la pâte n'en lèvera que mieux.
Il ne vous reste plus qu'à l'enfourner dans un four préchauffé à 180 ° et à accorder à votre création une demi-heure de cuisson à cette température dite moyenne. Le four doit être préchauffé de préférence pour que l'action de la levure soit arrêtée par la chaleur dès l'enfournement. Une jeune levure trop nerveuse et très frémissante pourrait devenir incontrôlable et profiter de ces quelques minutes nécessaires au préchauffage pour vous offrir un magnifique débordement de la pâte dans le four.
Si le dessus venait à trop se colorer à votre goût, le couvrir d'un papier sulfurisé. Vous plongez la lame d'un couteau dans le gâteau pour savoir où en est la cuisson. Si la lame est couverte de pâte, il faut attendre encore, si elle n'est que vaguement grasse, l'affaire est dans le sac.
Pour démouler votre chef-d'oeuvre, attendre une vingtaine de minutes pour ne pas le transformer en charpie. Il viendra à vous très naturellement
Nota bene.
Comme je le disais plus haut, ce Kougelhopf à la pâte si légère et si aérienne et dont les arômes de la farine ont été portées au zénith par la véritable levure de boulanger se déguste autant au petit-déjeuner et qu'à l'heure du thé vert. Si vous doublez la quantité d'oeufs, sa pâte en sera plus compacte. Quelqu'un me disait que c'est comme si on augmentait la proportion de ciment dans le mortier pour le rendre plus dur. Ce kougelhopf-là accompagnera avec bonheur un Gewürtztraminer à l'heure de l'apéritif.
Une autre version se conjuguera merveilleusement avec un Riesling. Quantité d'oeufs renforcés encore, mais avec élimination des raisins et suppression du sucre ou de la stévia pour obtenir un Kougelhopf non sucré qu'une bonne poignée de cerneaux de noix et des allumettes de lard fumé agrémenteront.
Je ne peux là que rendre justice à nos amis haut-rhinois, leur langhopf se prête mieux à un découpage en languettes pour l'apéro que la version bas-rhinoise.