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Billet de blog 24 février 2023

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LA NUIT DU 12 de Dominik Moll

Nous accompagnons les deux hommes dans leur enquête et dans ces quelques bribes de leurs vies; notre pensée va de l'affaire en voie de devenir un Cold case possible à la rencontre de ces policiers ou gendarmes à la retraite qui continuent à repasser au crible les éléments d'une enquête qui n'avait pas abouti et dont le souvenir de la victime les poursuit pendant des années.

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« Bonjour madame, police judiciaire... » Si vous êtes apostrophée de la sorte, vous vous demandez aussitôt ce que vous pouvez bien avoir fait de répréhensible ou quelle mauvaise nouvelle va vous être assénée. Quand vous avez repris vos esprits et passé en revue les mauvaises pensées qui pourraient éventuellement vous être reprochées et que les deux enquêteurs que vous avez fait entrer chez vous vous invitent à vous asseoir, vous devinez aussitôt qu'un malheur est arrivé, qu'il va vous être annoncé de préférence en position assise pour ne pas vous évanouir.

Dans La nuit du 12, une jeune fille rentre seule chez elle dans la nuit après une soirée avec des amis ; une silhouette encapuchonnée vient à sa rencontre, l'asperge d'un liquide inflammable et jette un briquet allumé sur elle. Clara/ Lula Cotton-Frapier est la jeune femme brûlée vive, Marceau et Yohan, respectivement Bouli Lanners et Bastien Bouillon, sont les deux enquêteurs de la P.J. qui vont mener l'enquête.

A première vue, La nuit du 12 de Dominik Moll s'achemine vers une enquête policière pour retrouver l'auteur du crime. L'enquête de voisinage, la reconstitution des dernières 24 heures de la vie de Clara, puis l'élargissement de l'enquête à la personnalité de la jeune fille nous confortent dans l'idée que nous nous installons dans un thriller policier et déjà, les uns et les autres, nous commençons à formuler des hypothèses quant au coupable possible.

L'enquête policière ne sera jamais à l'arrière-plan et ne sera jamais traitée avec désinvolture, mais elle n'aboutira pas. Nous ne connaîtrons pas le coupable et pas davantage ses motivations. Mais nous accompagnons les enquêteurs dans leurs efforts, nous prenons part à leur satisfaction et à leur impatience quand ils pensent toucher au but et nous partageons leur déception et leur découragement quand la piste suivie se révèle être une impasse.

A ces mots, vous pourriez être tenté de croire que le film est un documentaire, certes romancé, sur le travail policier ou encore un anti-thriller qui documente une enquête qui n'a pas abouti. C'est en effet le parti que Dominik Moll semble prendre, mais à y regarder de plus près il nous raconte quelque chose de plus. La nuit du 12 est une des histoires que Pauline Guéna rapporte à ses lecteurs suite à une immersion pendant une année dans le quotidien des brigades criminelles de la police judiciaire de Versailles.

Peu importe que les enquêteurs soient des personnages fictifs de la PJ ; ce qui paraissait important au réalisateur semble être de rappeler que toutes les enquêtes criminelles n'aboutissent pas et qu'elles se réduisent dès lors à un dossier qui reposera dans les archives, menacé de forclusion ou de prescription. Ce n'est pas faute d'avoir ménagé leurs efforts et suivi les pistes les plus ténues. Dominik Moll rend hommage à ces enquêteurs en les montrant avec leurs qualités et leurs défauts, en nous invitant à partager leurs interrogations, leurs doutes et à accepter leurs fragilités.

Marceau est un ancien de la PJ, blanchi sous le harnais, un homme d'expérience, mais qui a oublié qu'il était marié et que la PJ est une maîtresse exigeante et envahissante. Il est confronté à un double échec, celui de son couple et celui d'une enquête qui piétine et qui n'aboutit pas. Son collègue et chef de section est un policier encore jeune avec toute la fougue mais également tout le recul  pour dynamiser et éventuellement réorienter l'enquête si nécessaire. Pendant que Marceau broie du noir et s'exaspère, Yohan s'apaise et se vide l'esprit en enfourchant son vélo et en tournant inlassablement sur la piste du vélodrome de la ville. « Comme un hamster dans sa cage !» selon son collègue et ami Marceau.

Nous accompagnons les deux hommes dans leur enquête et dans ces quelques bribes de leurs vies; notre pensée va de l'affaire en voie de devenir un Cold case possible à la rencontre de ces policiers ou gendarmes à la retraite qui continuent à repasser au crible les éléments d'une enquête qui n'avait pas abouti et dont le souvenir de la victime les poursuit pendant des années.

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