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Billet de blog 24 février 2023

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REVOIR PARIS de Alice Winocour

Quand Virginie Efira ne fait pas des gammes, elle offre des fulgurances. Et ses fulgurances me plaisent !

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Quand Virginie Efira ne fait pas des gammes, elle offre des fulgurances. Il en avait été ainsi avec Benedetta de Paul Verhoeven, il en est ainsi avec Revoir Paris de Alice Winocour. Ses gammes ne sont jamais inintéressantes cependant, souvent légères à point, parfois un peu convenues certes, mais il faut se rendre à l'évidence, entre deux gammes elle sait toujours intercaler un bijou enchanteur. A moins qu'elle ait besoin de faire de nombreuses gammes pour mieux nous réjouir ensuite.

Virginie Efira est une fille dont le sourire ravit et séduit, mais elle est surtout une comédienne au panier déjà bien garni et qui arrive toujours à nous surprendre et à retenir notre attention. Pour notre plus grand plaisir, dans Revoir Paris, elle croise la route de Benoît Magimel.

Les deux personnages qu'ils interprètent ne se connaissaient pas, leurs regards se sont simplement croisés un soir de novembre dans une salle de brasserie quelques instants avant que quelques fanatiques enfiévrés de religion ouvrent le feu à l'aveuglette sur tout ce qui vit. Nous sommes non loin de la salle de concert du Bataclan, garçons et filles, hommes et femmes dînent, boivent un verre, fêtent qui un anniversaire, qui des retrouvailles ou sont simplement en un lieu où il ne fallait pas être ce soir-là.

Quand les armes se sont tues, la sirène des ambulances et des secours ont pris le relais et les mitraillés de ce soir ont sombré dans le noir pour se découvrir différents et même autres à leur réveil. Pour Mia/ Virginie Efira commence une longue quête pour retrouver les souvenirs de cette nuit que la violence a effacé pour mieux la protéger. Pour Thomas/Benoît Magimel, ce sont les interventions chirurgicales répétées qui lui rendront l'usage de ses jambes.

Après une longue période d'évitement puis des approches à petits pas, Mia retourne dans la brasserie, y côtoie d'autres victimes qui sont également à la recherche d'une partie d'eux-mêmes. Une jeune fille a perdu ses parents, une dame d'âge mûr a vu son mari être tué ce soir là, devant la brasserie Thomas va et vient s'aidant de ses béquilles, n'arrivant pas à se résoudre à pousser la porte.

Mia retrouve un souvenir fugace, le souvenir d'une main qui tient la sienne dans l'obscurité, le souvenir d'un petit tatouage sur la peau de celui qui lui avait dit être un des cuisiniers de la brasserie. La jeune fille sait où ses parents étaient assis ce soir et elle tient à la main une carte postale que ses parents lui ont envoyée, elle représente une petite partie d'une vaste fresque murale, la dame agresse Mia et veut la chasser des lieux car cette dernière se serait enfermée dans les toilettes en refusant aux autres le droit d'y trouver refuge.

Mia part à la recherche d'Assane/Amadou Mbow dont la main l'avait réconfortée dans la nuit. Assane, sans papiers, a fui et n'a pas retrouvé son travail comme cuisinier clandestin au noir, il vend désormais des colifichets et des Tours Eiffel lumineuses pour subvenir à ses besoins.

La jeune fille retrouve la grande fresque murale dont ses parents lui avaient envoyé une représentation. Ses yeux voient enfin ce que ses parents ont sans doute vu les derniers jours de leur vie, de la même manière qu'elle avait pu s'asseoir sur la banquette où ils s'étaient assis avant que la mitraille ne les fauche.

Thomas se souvient de Mia, en d'autres circonstances, ils se seraient peut-être parlés et les cours de leurs vies en auraient été modifiés.

Qu'il s'agisse de Thomas ou de Mia, les priorités et le regard sur ce qui est ne sont plus les mêmes et c'est toute la force du travail de la réalisatrice Alice Winocour de suggérer, avec une grande économie de mots, cette ambiance et cette donne nouvelle. La compagne de Thomas est certainement la première à avoir compris que ce que Mia et Thomas partagent désormais lui échappe totalement et que si elle le sait, Thomas comme Mia l'ignorent encore.

L'art de filmer et de restituer d'Alice Winocour n'est pas sans rappeler celui d'Arnaud Desplechin dans Roubaix, une lumière.

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