Je viens de terminer l'épisode 5 de la série. J'ai passé cinquante minutes, dissimulé parmi les cailloux, par une température proche de 0°, les yeux rivés sur un village en contrebas, à travers mes lunettes de vision nocturne, à surveiller des allées et venues et toujours sans succès. Sauf celui de vivre en immersion une nuit des Forces Spéciales en opérations, confortablement installé dans mon fauteuil.
Il n'y a pas très longtemps, au premier épisode je crois, j'ai crapahuté pendant vingt minutes qui m'ont paru durer toute une nuit dans un égout urbain en retenant mon souffle, puis en mitraillant à tout va avec mon fusil d'assaut en tenue de camouflage (lui comme moi...). Sous le regard du colonel Rocques efficacement interprété par l'excellent Thierry Godard.
Film de guerre ou film sur la guerre ? Film sur l'intervention d'un bataillon des Forces Spéciales de l'armée française en Irak ou présentation des vicissitudes de la vie de nos soldats sur le terrain ?
A qui la série Coeurs noirs est-elle plus particulièrement adressée ? Aux jeunes gens, et désormais également jeunes femmes, qui pourraient être séduits et susceptibles de contracter un engagement dans l'armée dite de métier ? A nous tous, afin de nous convaincre du bien-fondé de notre engagement sur des théâtres d'opérations extérieures dont les enjeux véritables nous échappent parfois ?
La série Coeurs noirs rejoint en certains points la série Sentinelles qui relate notre engagement dans le Sahel sous couvert de l'appellation Opération Barkhane. Sentinelles insistait sur la vie des soldats, français de souche comme de branche, loin des êtres chéris mais unis dans l'engagement dans la mission confiée et du danger partagé. Coeurs noirs n'ignore en rien ce qui fait la substance de Sentinelles, mais n'arrive pas à rendre sensibles et prégnants les fondements de leur action comme la série Bureau des légendes avait su le faire.
In fine, nous risquons de ne retenir de la série que la vie quotidienne des Forces Spéciales, certes abondamment documentée dans ses moindres aspects et le souvenir de longs, fréquents et efficaces mitraillages, presque au point que l'odeur de la poudre nous reste dans le nez et son goût dans la bouche . La guerre contre un ennemi dangereux et retors ressemble-t-elle vraiment à un jeu vidéo avec ou sans effet olfactif ?
Lors d'un passage dans une émission de télévision pour promouvoir la série, Nicolas Duvauchelle a insisté sur son immersion et celle de ses camarades de jeu dans une unité des Force Spéciales de l'armée, afin d'en acquérir postures et réflexes et parvenir à une restitution la plus fidèle et la plus réaliste possible.
Opération réussie, c'est incontestable, dommage que la série n'ait su dépasser le documentaire de qualité et se soit régulièrement limitée à l'anecdote allusive.