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Billet de blog 25 déc. 2022

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LE PET RACONTÉ AUX PETITS ET AUX GRANDS

Il n'est aucune question qui, en matière de pet, ne doive rester dans l'ombre. Ainsi deux d'entre elles doivent trouver une réponse précise toute affaire cessante. Elles tournent toutes les deux autour de ses manifestations mêmes. La première a trait à l'odorat et la seconde à l'ouïe.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alors que j'étais alité dans une chambre d'hôpital suite à une intervention chirurgicale bénigne, une ravissante infirmière effleura mon regard du sien et me demanda tout à trac : « Ça gaze ? ». Encore tout ébaubi par la douceur de son regard de velours qui était maintenant agrémenté d'un sourire interrogatif, je ne répondis pas tout de suite car ma compréhension était encore altérée par l'anesthésie. Alors que j’allais lui répondre: « Oui,ça gaze et vous ? », un doute assaillit mon esprit embrumé et je lui demandai simplement en retour : « Quel est le sens de votre question ? », puis l'idée faisant malgré tout son chemin dans mon cerveau, j'ai poursuivi : « Peut-être voulez-vous savoir si j'ai pété depuis mon retour de la salle de réveil ? ». Avec un sourire très amical qui soulignait merveilleusement la douceur de son regard, elle me répondit : « En quelque sorte oui, mais si vous pouviez m'en dire davantage, vous m'avanceriez ».

Il ne m'en fallut pas plus pour aimer davantage encore le corps médical dont la représentante devant moi ne semblait vraiment pas dépourvue d'humour. Je la rassurai aussitôt sans entrer dans les détails, lui précisant toutefois que j'avais en effet pratiqué un peu d'équitation dans ma jeunesse, mais que j'avais fini par renoncer malgré mon amour pour les chevaux car je les trouvais un peu haut de taille. Une lueur amusée est passée dans son regard, elle me fit part qu'une anesthésie pouvait avoir des effets tantôt désinhibants, tantôt favoriser carrément le pur délire, que c'était selon la personne et ses prédispositions. Elle n'eut cependant pas l'air inquiète et un grand sourire illumina son visage, nous sommes convenus de reparler de tout cela plus tard. J'étais heureux de lui avoir fait plaisir.

Il y a des situations qui prêtent à rire, mais les circonstances ne l'autorisent pas toujours. On rit très peu dans les hôpitaux et généralement pas avec le personnel soignant qui n'est jamais en surnombre. Il y a parfois des moments étranges, propices à la libre association d'idées qui pourraient conduire à une crise de fou rire mais il faut savoir se retenir surtout quand une intervention chirurgicale trop récente la rendrait extrêmement douloureuse. Je n'ai donc pas ri et je me suis contenté d'un modeste sourire intérieur, remettant à plus tard le vrai rire salvateur.

Les gaz, les vents, les flatulences, il est des environnements éthérés qui font rire bien du monde et pas seulement les enfants. C’est une des grandes distractions des cosmonautes confrontés à l’apesanteur et Thomas Pesquet est intarissable sur le sujet quand il raconte le lâcher de pets en apesanteur avec un jeu-concours qui consiste à en attraper un avec un filet à papillons puis à deviner le nom de son ou de sa propriétaire.

Les pets ont même inspiré des penseurs. Ainsi Pierre Thomas Nicolas Hurtaut a écrit en 1750 un ouvrage savant intitulé L'art de péter. Il était gravement sous-titré: « Essai théorico-physique et méthodique à l'usage des personnes constipées, des personnes graves et austères, des dames mélancoliques et de tous ceux qui restent esclaves du préjugé ». 1750 ! Cela ne s'invente pas ! Introuvable, j'en suis presque sûr. Il me plaît parfois d'imaginer la tête de la bibliothécaire à qui je réclamerais cet ouvrage en donnant son titre complet mais surtout en précisant son objet. J'imagine le moment de grâce pendant lequel elle taperait le tout sur son ordinateur pour savoir si l'ouvrage est toujours disponible dans les rayonnages. Je suis à peu près certain qu'elle lèverait soudainement les yeux de son clavier pour plonger son regard dans le mien en me demandant : « C'est une blague ? ».

Je tiens à rappeler que le verbe péter se conjugue avec l'auxiliaire avoir à ses temps composés de la voix active mais qu'il devient un verbe passif et intransitif, soutenu par le seul auxiliaire être , généralement aux heures avancées de la soirée. Il n'est sans doute pas inutile de préciser qu'il n'est pas seulement question alors d'évacuation des causes d'un ballonnement mais surtout d'une métaphore allusive.

Se la péter, péter dans la soie, péter de joie, péter une durite, un câble ou un plomb c'est selon, faire tout péter, lâcher un pet, comme un pet sur une toile cirée, péter le feu ou des flammes, péter la gueule à quelqu'un ou la sienne dans un escalier trop vite dévalé, être un péteux ou un peu prout-prout, selon la classe sociale à laquelle vous appartenez : les occasions de péter ne manquent pas et de toute évidence la production de gaz intestinaux et leur évacuation est une inépuisable source d'inspiration. Ils vont jusqu'à inspirer l'art dans presque tous ses domaines, y compris le cinéma.

Il convient toutefois de faire des nuances dans ce dernier cas. Il y a peu de choses communes entre une certaine scène de La soupe aux choux de Jean Girault et une autre plus osée dans Emmanuelle de Just Jaeckin. Les cinéphiles me comprendront ; les autres devront faire un tour au rayon DVD d'un commerce bien achalandé ou interroger les plus anciens ou les plus avertis de leur entourage. Le faire de but en blanc sans préparation du terrain peut-être assez cocasse mais je ne le conseille pas. On vous catalogue si vite de nos jours.

Illustration 1

BATAILLE DE PETS

Fresque japonaise du XIXème siècle.

Parmi les flâtulistes célèbres citons Paul Oldfield, plus connu sous le pseudonyme Mister Méthane. Humoriste et péteur professionnel britannique, il interprétait entre autres Le beau Danube bleu par voie anale. Joseph Pujol était le pétomane marseillais qui interprétait Au clair de la lune à l'aide d'un flûtiau. Il s'est produit au MOULIN ROUGE où il a obtenu un succès considérable. Contrairement à une rumeur persistante, il n'a jamais siégé au conseil municipal de Marseille et n'est pour rien dans la fissuration des immeubles qui plus d'un demi-siècle plus tard s'effondreront.

Pour péter plus haut que son cul, il n'est pas nécessaire d'être un gymnaste de haut vol ni même simple acrobate dans un cirque. C'est une question de tempérament, de mauvais exemple à ne pas suivre. Regardez attentivement autour de vous, vous serez étonnés. Certains m'ont même confessé, qu'en regardant attentivement autour d'eux, ils se sont sentis moins seuls.

Il n'est aucune question qui, en matière de pet, ne doive rester dans l'ombre. Ainsi deux d'entre elles doivent trouver une réponse précise toute affaire cessante. Elles tournent toutes les deux autour de ses manifestations mêmes. La première a trait à l'odorat et la seconde à l'ouïe.

Pour quelle raison un pet est-il odorant ? La réponse est d'une simplicité surprenante : pour que les mal-entendants en profitent également. A la question, pour quelle raison le pet est-il sonore ? L'explication est purement mécanique. Il est de forme carrée alors que l'anus est arrondie. La cause de la déflagration qui résulte de cette inadéquation ne peut échapper à personne. Dans le cas contraire, une représentation dessinée peut faciliter la compréhension mais elle se heurte à une autre difficulté. « Dessinez-moi un pet », ce n'est jamais simple même pour les plus expérimentés et les plus motivés d'entre nous.

Traiter du pet, n'est pas une petite affaire. Des incompréhensions et même des inimitiés peuvent en naître. Certains y voient un sujet dégoûtant qu'il serait convenable de passer sous silence comme s'il n'existait pas. A la rigueur, à l'extrême rigueur, peut-il être évoqué une fois la lumière éteinte et avec la mention : « Nous n'en reparlerons plus jamais ». Des inimitiés peuvent naître d'une libre évocation du plaisir que nous avons à péter bruyamment puis de humer avec gourmandise des effluves d'autant plus agréables que ce sont les nôtres.

Si d'aventure, un collègue s'oublie subrepticement, il est de bon ton et courtois de ne rien manifester, il est même prudent de ne rien laisser paraître s'il s'agit de votre supérieur hiérarchique. Je laisse à votre imagination le soin de faire l'inventaire de tous les gestes et postures que j'invite à proscrire. Si un soir de réveillon, c'est Papy ou votre vieil oncle qui se rappelle à votre bon souvenir, souriez de bon cœur et réjouissez-vous: il est en bonne santé et d'attaque pour passer à table. Laissez aux enfants les plaisirs du commentaire, cela vous rajeunira d'autant et vous permettra même d'actualiser votre vocabulaire.

Si le pétomane est un enfant, l'affaire se fait plus délicate. Il y a une éducation à faire. Quand les rires de la fratrie et des cousins seront apaisés, l'occasion est belle de faire une démonstration en trois points surtout si le petit dernier, qui entre en cours élémentaire deuxième année à la prochaine rentrée, a trouvé son sujet de conversation de prédilection. D'abord, rappeler que les vents sont signe de bonne santé et d'un tube digestif en parfait état de marche, préciser ensuite, qu'autant il se peut, il vaut mieux éviter de...vocaliser en public. Attirer enfin l'attention sur le fait qu'un pet, même tonitruant, est généralement purement accidentel mais profiter de l'occasion pour rappeler aux petits malins que ce peut-être un jeu dangereux car un accident est vite arrivé et qu'il peut cueillir en plein vol les meilleurs et les plus adroits.

Une dernière recommandation s'impose. Si d'aventure il était le témoin d'une pétarade intempestive, il convient de ne rien dire et surtout de faire comme si de rien était. Que la complicité partagée, la discrétion et même l’omerta sont une étape importante de la construction de la cohésion sociale. Nous sommes dès lors dans l'apprentissage de la citoyenneté et l'occasion est vraiment belle d'initier les plus jeunes, au plus tôt, à cette règle d'or.

Faisant un jour cette sage recommandation, je me suis fait tancer par une mère de famille qui considérait qu'en cas de pet volontaire ou non, entendu ou simplement vaguement supputé, l'impétrant devait immédiatement se dénoncer ou l'être par le plus proche témoin et présenter des excuses à l'honorable assistance même si celle-ci n'en fait pas expressément la demande. A posteriori, je m'étais dit que j'aurais aimé vivre avec cette personne en 1942, puis je me suis ravisé en me faisant à l'idée qu'il fallait de toute pour faire un monde et qu'il faut s'en accommoder parfois pour ne pas s'épuiser prématurément .

Gaz, vents, pets, vesse, rot, aérophagie, ballonnements, tout un arsenal sémantique pour traiter de l'étrange alchimie de notre tube digestif et du noble art que pratiquaient depuis le moyen-âge les bragetoirs avant que le bourgeois et ses bonnes manières ne se mettent à ne les tolérer que dans les seuls cabarets et music-hall mais certainement pas à table. Tout au plus, tolère-t-il une vesse inévitable de temps à autre, à condition toutefois qu'elle soit silencieuse et inodore, autrement dit furtive.

Vous l'avez remarqué n'est-ce pas ? Le bel art est pratiqué autant par le beau sexe que par le sexe réputé fort. Les filles ne le pratiquent pas de la même manière que nous. Elles ne font pas, du moins à ma connaissance, de concours entre elles et elles ont l'art et la manière. Discrète, toujours l'air de rien, donnant parfois le change en attirant l'attention ailleurs. Là, où le flâtuliste mâle prend son temps et la pause, s'immobilise en levant discrètement une fesse pour assurer la ventilation. Il devient alors subitement silencieux, concentré, parfaitement impavide en public mais jouisseur avec les yeux plissés dans l'intimité. Parfois un grand soupir d'aise s'exhale comme un son triste et mélodieux pour clôturer l'exercice (Lamartine me pardonnera cet emprunt poétique).

Illustration 2

Le regretté dessinateur Gotlib nous a laissé quelques pages inoubliables sur ces moments délicats. Wilhem voit dans le pet sur plage une manifestation incontestable du bien être social et d'une opulence attractive que d'aucuns nous envieraient et cela expliquerait largement les intenses courants migratoires qui rêvent de faire Europe avec nous.

Chacun de nous a son expérience du pet et je ne souhaite pas m'appesantir aujourd'hui sur le pet socialement malencontreux ou se transformant en catastrophe ferroviaire. Il est intéressant d'observer le pet « in vivo », là où il se commet.

Il y a bien des années de cela, dans une ferme de brousse en Afrique, deux ânes mâles en proie à une montée de testostérone ou peut-être simplement contrariés par un mauvais regard se ruèrent l'un vers l'autre, la denture menaçante, la crinière hérissée, cabrés, se dandinant nerveusement sur leurs membres postérieurs, les sabots avant menaçants et battant l'air. La tension montait dangereusement jusqu'à libérer tous les sphincters. Les deux adversaires urinaient littéralement de rage, flâtulaient et déféquaient de colère.

Ayant assisté à la scène j'ai mesuré combien le genre humain avait progressé depuis l'époque où il vivait sans retenues ses passions.

Digression aussi inattendue que fulgurante, manifestation incontrôlée de mon esprit divergent ? Rassurez-vous, tout va bien, la démarche est volontaire, assumée, contrairement à celle du crabe qui marche de côté car il ne sait pas faire autrement... Je me sens si ludique parfois et cela me prend toujours à l'improviste.

J'évoquais plus haut les bonnes manières qui étaient censées codifier les manifestations naturelles de nos sphincters. Il n'est pas de bonnes manières érigées en lois suprêmes sans quelques inoubliables transgressions. Lors d'un dîner très solennel, presque guindé, alors que les conversations tournaient autour de tout ce qui est sans intérêt véritable, le chien de la maison fit irruption dans la salle à manger. Chien très ordinaire au regard doux, tout à fait sympathique et désireux de manifester son affection à tout invité qui voudrait bien le caresser quelques instants, au moins en effleurant une de ses oreilles. Soudain, une odeur. Indéfinissable, prégnante, nauséabonde, rare, inconnue, non identifiable, persistante. Une odeur à égale distance de celle que dégage un égout, une fosse septique, un cadavre de rat en décomposition ou qui résulterait d'une vilaine farce de laborantin particulièrement inventif. Le sympathique toutou était en fait une véritable boule puante qui souffrait de troubles intestinaux récurrents qui le faisaient pétarader de manière quasi-continue à son corps défendant.

Ce sont les maîtres du pétomane à quatre pattes qui étaient les plus intéressants dans cette affaire. Très collet monté, dépositaires de presque toutes les convenances et toujours très prompts à en inventer de nouvelles, ce soir là, ils ont été d'une indulgence tout à fait inhabituelle, s'extasiant même sur les performances et l'originalité de leur animal de compagnie. Riant tantôt sous cape, tantôt ouvertement à chaque nouvelle émanation, à deux doigts de glisser une main sous l'aisselle pour mieux rire de concert. Quand le bourgeois décide de s'encanailler, il est peu regardant et toujours prêt à faire feu de tout bois. Soirée inoubliable que Gotlib aurait appréciée et sans doute immortalisée.

Le tour de la question ne serait pas fait sans une explication plus sociologique de cette extraordinaire occupation de l'humanité même si aucune statistique fiable ne nous confirme qu'on péterait autant dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord. La trompette guerrière sonne régulièrement la charge quand elle trouve son carburant dans notre alimentation. Ce n'est donc pas nécessairement une question d'opulence comme le dessin de Wilhem le laisse entendre. Féculents, légumes crucifères, fruits trop mûrs et viandes grasses bourrées de reliquat d'antibiotiques et consommées en surabondance sont les principales causes d'une digestion laborieuse et d'intenses fermentations intestinales.

Le pet et le rot sont des manifestations d'évacuation de gaz produits par la digestion ou d'air indûment ingéré par ceux « qui parlent trop en mangeant » comme disait ma grand mère qui défendait farouchement le monopole du verbe des adultes à table.

Une de mes meilleures amies, peut-être la meilleure d'entre elles, se pincera certainement le nez à la lecture de ces lignes. Je lui ferai simplement observer que le sujet abordé est d'importance et que des ouvrages savants et sérieux en ont fait des sujets d' études fort savantes.

Ainsi Martin Monestier a écrit Histoire et bizarreries sociales des excréments. Des origines à nos jours.

David Waltner-Toews a commis un livre sur la Merde...Ce que les excréments nous apprennent sur l'écologie, l'évolution et le développement durable ( souriez, vous êtes observés) .

Caroline Balma-Chaminadour s'est contentée d'un ouvrage savant intitulé Le livre du caca.

Les trois auteurs se sont intéressés à la matérialité du sujet alors que pour ce qui me concerne, c'est le pet qui a surtout retenu mon attention, même si de temps à autre j'ai éprouvé le besoin de m'éloigner du gazeux pour côtoyer quelques instants le pâteux qui n'en est que le prolongement naturel.

Post scriptum

Flatulence se prend pas d'accent circonflexe sur le u encore moins sur le a, tout naturellement flatuliste n'en prend donc pas non plus. C'est sans compter sur mon irrépressible besoin d'en mettre un quelque part : c'est plus fort que moi et je m'en excuse auprès des pûristes.

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