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Billet de blog 29 avril 2023

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CHRONIQUE DE BASSE-COUR

Imaginez-vous un seul instant, entrain de conter fleurette à celle qui vous ébouriffe dès qu'elle vous effleure dans vos pensées, imaginez, qu'au moment opportun, vous plongiez votre regard brûlant dans le sien et que vous résumiez la situation par : « O toi ! Toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont ! »

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J'aime les gallinacés comme on aime ce qu'on connait bien. Ils peuplaient la basse-cour de ma grand-mère. Poules surtout, une ou deux dindes par prévoyance, quelques pintades et leurs conjoints polygames respectifs pour le fun ( en clair, je laisse entendre par là que chacune avait son polygame attitré pour que cela ne fasse pas d'histoires de basse-cour). Une petite basse-cour cependant, une basse-cour de subsistance d'une bonne vingtaine de pensionnaires qui se promenaient librement dans la cour, le jardin ou sur un grand tas de fumier en attente d'épandage. En ces temps là, la divagation des volailles était encore tolérée et les cyclistes savaient à quoi s'en tenir. Une basse-cour qui n'a rien à voir avec les monstruosité de l'élevage où 40 000 volailles voire davantage sont contraintes à un confinement... inhumain et même condamnées au cannibalisme.

Ma grand-mère parlait à ses pensionnaires, les nourrissait, volait les œufs de certaines d'entre elles, coupait une tête de temps à autre puis plumait férocement et cuisait longuement. J'ai bien dit cuisait et pas rôtissait : nous ne mangions pas du poulet mais de la poule au pot avec du riz cuit dans le bouillon et accompagnée de raifort comme il se doit. Comme le faisaient les Africains, le raifort en moins. La poule finissait dans le chaudron quand elle ne pondait plus et devenait une bouche inutile à nourrir. Les autres gallinacés étaient là pour les grandes occasions.

Lina avait une expérience très fine des mœurs de ses poules et de leurs besoins. Comme il se doit, elle était prête à me la faire partager pour le cas où... Ainsi, m'expliqua-t-elle un jour qu'une poule ne pondait pas ses œufs pour satisfaire mes envies d'omelette mais pour se reproduire. Une fois l'oeuf pondu la poule envisage toujours de le couver et d'en pondre d'autres pour rentabiliser la couvaison. Ma grand-mère savait qu'une poule avait pondu quand elle se mettait à chanter, elle avait l'ouïe fine et prétendait savoir laquelle de ses poules venait de pondre et même où elle en était de sa prestation. Je n'ai toujours pas entrepris la création d'un poulailler mais je sais, depuis cette époque déjà lointaine, faire la différence entre un éleveur de poulets ou de poules selon la destination qu'il leur donne, entre un volailler et un voleur de poule. Ce qui a fait naître en moi une affection toute particulière pour goupil avec qui je partage un intérêt certain pour le poulailler . Il me suffit d'écrire ces mots pour entendre le chant satisfait d'une poule, c'est vous dire combien j'étais un petit-fils attentif, et   ma mémoire est restée fidèle.

Souvent les poules pondaient de concert peu avant midi. Roublarde, ma grand-mère poussait à son tour des « cot-cot » d'une voix fluette en lançant un peu de grain à la volée pour attirer les poules hors de leur caisson de ponte. Cela marchait toujours. Alors, subrepticement, Lina faisait sa tournée et volait les œufs non sans leur substituer un œuf de plâtre, en tout point ressemblant. Elle m'expliqua alors que même si la poule était plutôt naïve et ne savait probablement pas compter au delà de trois, il ne fallait pas la prendre pour une sotte et lui faire trop souvent le coup de la belette de passage. De guerre lasse, Poulette pouvait très bien choisir un nouveau lieu de ponte plus inaccessible.

Toute à sa joie

Chicken run

L'oeuf de la poule est un mets et un ingrédient de cuisine universel. Dans mon Ginette Mathiot, édition de poche, je relève pas moins de cinquante recettes pour l'accommoder. Ginette est descendante d'alsacienne, elle a donc de qui tenir en matière de gastronomie et d'art culinaire. Je passe sur les centaines de recettes dans lesquelles l'oeuf figure sans être l'objet principal de la préparation. Qui de la poule et de l'oeuf est arrivé en premier est une interrogation qui ne manque nullement d'intérêt mais il est encore plus intéressant de savoir comment l'oeuf se forme puis remplit sa fonction première s'il n'atterrit pas sous une forme ou une autre dans nos estomacs.

La coquille de l'oeuf est faite de calcium qui se fixe progressivement sur la membrane extérieure qui entoure l'oeuf, la membrane intérieure reste simple membrane dont vous pouvez voir la présence quand vous ouvrez un œuf dur. Le calcium provient d'un transfert de celui contenu dans les os de la poule et métabolisé à partir d'une alimentation saine et équilibrée. Les muscles de son utérus font tourner l'oeuf sur lui-même afin d'assurer une fixation homogène du minéral. J'ai connu dans ma jeunesse une poule qui souffrait d'une pathologie qui lui faisait pondre des œufs dont la coquille était à peine ébauchée, elle souffrait d'une espèce d'hypocalcémie. Elle a fini jeune dans la cocotte.

Ayant observé un jour qu'une poule avalait de minuscules gravillons, j'étais convaincu qu'ils lui étaient nécessaires pour fabriquer le calcium. Faux ! Ces petits cailloux lui servent de meule pour mieux broyer les grains picorés. Ma grand-mère redonnait à ses poules la coquille de l'oeuf qui avait offert l'omelette, alors que je l'imitais, elle m'arrêta de justesse. Il fallait broyer la coquille pour qu'elle ne ressemble plus à un œuf ce qui aurait pu faire naître chez la poule la mauvaise habitude de s'attaquer à sa propre progéniture encore en projet.

Nous avions deux coqs dont l'un a fini dans le vin. Non, vous n'y êtes pas. Il n'était pas alcoolique, il a fini en coq au vin dans nos assiettes. Il était devenu urgent de s'en débarrasser car il passait son temps à se battre. Quand le premier paradait sur le tas de fumier, se pavanait parmi les poules en faisant le joli coeur, l'autre accourait, les plumes du cou ébouriffées et...lui volait dans les plumes. Plus tard, j'ai imaginé que c'étaient les tableaux d'Edouard Pignon qui avaient exercé sur lui une mauvaise influence. Un conseil de famille improvisé a décidé que c'est le plus vieux qui « monterait au  coquetier cocotier », c'était lui et il était coriace.

Je dois dire que les coqs de notre basse-cour m'ont toujours beaucoup inspiré, dans le bon sens du terme. Surtout le plus jeune. Le jeune coq. Je ne me souviens plus d'où l'idée m'était venue, mais un jour je lui ai envoyé de petits morceaux de pain imbibés de vin rouge. Il aimait cela, mais ce qui devait arriver arriva. Après quelques mouillettes, il était fin saoul et cela retentissait de toute évidence sur sa libido et le désinhiba complètement. Il se mit à poursuivre toutes les poulettes passant à sa portée, n'en connut pourtant aucune car elles s'écartaient aussitôt qu'elles le voyait dans ses  états . Trop beurré, le coq poursuivait sa course, incapable de s'arrêter avant de heurter un obstacle qui aurait pu le tuer. Si cela m'a fait beaucoup rire, ce n'était absolument pas du goût de ma grand-mère. Je trouvais quant à moi que c'était une bonne préparation pour sa fin de vie dans une marinade.

Poule écossaise à Glasgow *

Contrairement à ce que nous croyons parfois, la finalité de l'oeuf n'est pas l'oeuf sur le plat ou l'omelette mais la perpétuation de l'espèce même si tous les œufs pondus ne sont pas fécondés. La poule peut les couver tant qu'elle veut et vous ne risquez de voir un embryon de poussin tomber dans votre poêle que s'il y a fécondation de l'oeuf par un spermatozoïde nerveux, ce qui suppose accouplement préalable.

Même si Chantecler est un athlète, à l'impossible nul n'est tenu. Vingt poules pondant un œuf par jour cela ferait cent quarante accouplements par semaine, dimanche y compris. Soit quelques cinq cent soixante parties de pattes en l'air par mois, du moins pendant la belle saison sans parler de toutes celles par opportunité ou pour le simple plaisir. Vous pouvez continuez le calcul par le nombre de mois dans l'année, retrancher les congés payés, les jours de grève ou de scènes de ménage. Il n'empêche que la performance serait là.

Ginger et Rocky

Chicken run

Pour des raisons que je ne m'explique que par l'inégalité des genres, même au poulailler, le coq est bien plus présent dans notre imaginaire que sa compagne la poule. Celle aux œufs d'or fait exception à la règle mais il reste bien du pain sur la planche de l'étrange Marlène Schiappa si elle souhaite établir l'équilibre entre les fléaux de la balance. Nous savons que quand trois poules vont aux champs, la première va devant, la deuxième suit la première et la troisième vient la dernière mais le coq pendant ce temps ? Il fait quoi ? Il se la coule douce en lisant le journal.

Des âmes compatissantes, cinéastes peu ordinaires de leur état, ont épousé la cause de nos poulettes et fait renaître l'espoir dans les poulaillers et les batteries d'élevage industriel. Chicken Run est un remake de la Grande évasion que ni John Sturges, ni le regretté Steve Mac Queen ne renieraient. Ginger et ses intrépides consoeurs tiennent désormais les premiers rôles et Rocky le roublard leur sert de faire valoir. Juste retour des choses.

Caractères et tempéraments

Chicken run

Le coq le plus sympathique qu'il m' été donné de rencontrer était celui perché sur le clocher de l'église. Par une belle matinée de printemps, j'ai pu recueillir quelques unes de ses confidences alors qu'il revenait du congrès international des coqs de clocher qui se tient chaque année à Brême dans le nord de l'Allemagne. Il y avait fait la connaissance d'un coq qui sans fréquenter le moindre clocher était une sorte de guest-star du congrès. Il était musicien à l'harmonie municipale de la ville. Mon coq de clocher ne voulut pas m'en dire davantage mais à sa mine pleine de sous-entendus et son regard encore énamouré je devinais qu'il avait été très impressionné. Chantecler était son nom, pendant toute la durée du congrès, premier debout le matin bien avant l'aube, il apostrophait l'astre du jour  et le saluait en ces termes :

Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,

Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
Se divise et demeure entière
Ainsi que l'amour maternel !
Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu
Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,
L'humble vitre d'une fenêtre
Pour lancer ton dernier adieu !
Tu fais tourner les tournesols du presbytère,
Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher,
Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,
Tu fais bouger des ronds par terre
Si beaux qu'on n'ose plus marcher !
Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes !
Sois béni parmi l'herbe et contre les portails !
Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes !
Ô toi qui fais les grandes lignes
Et qui fais les petits détails!
C'est toi qui, découpant la soeur jumelle et sombre
Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit,
De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,
A chaque objet donnant une ombre
Souvent plus charmante que lui !
Je t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses,
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
Soleil ! toi sans qui les choses

Ne seraient que ce qu'elles sont !

La force de l'habitude

Chicken run

Imaginez-vous un seul instant, entrain de conter fleurette à celle qui vous ébouriffe dès qu'elle vous effleure dans vos pensées, imaginez, qu'au moment opportun, vous plongiez votre regard brûlant dans le sien et que vous résumiez la situation par : « O toi ! Toi sans qui les choses ne seraient que ce qu'elles sont ! », après avoir préalablement amené la conversation sur ce que l'intéressée a de solaire en elle, bien sûr. Si l'élue de vos transports ne se pâme pas à l'instant même, c'est que vraiment vous avez mal préparé le terrain ou que vous avez manqué totalement de discernement. Toutes les poulettes ne se ressemblent pas et ce qui les différencie a pu échapper à votre sagacité.

La poule de Bresse est d'appelation d'origine contrôlée, la poule mondaine se contente d'offrir des charmes, la poule mouillée est craintive et elle fuit le renard comme la peste aviaire, quant à la  poule puante, elle n'est qu'une intruse, fille illégitime d'un gros rhume et d'un accident de dactylographie. A dire vrai, vous auriez des circonstances atténuantes. Tout est fait pour nous embrouiller, la poule au pot n'est pas une race de poule mais un rêve de roi, la poule à lait n'existe pas, la poule du turfiste n'est pas la femelle du Coq Sportif et le nid de poule n'est qu'une métaphore de plus. Les poules sont d'une manière générale souvent, quoique involontairement, trompeuses. La poule faisane, la poule de bruyère et la poule d'Inde ne sont pas des poules comme Henri IV les imaginait, elles sont respectivement les femelles du faisan, du coq de bruyère et du dindon.

Aux marrons et aux raisins, aux morilles et à l'Armagnac, la farce est ce qui fait le bonheur de la dinde de Noël. Prenez garde toutefois à ne pas vous hisser au rang de dindon d'une autre farce, ce qui peut arriver très vite si vous n'y prenez garde ou si vous la baissez par mégarde. Il y a du frelaté et de contrefaçon à l'étalage parfois.

Je suis sûr que demain, quand vous passerez devant le rayon œufs frais ou celui des volailles avenantes, vous n'aurez plus le même regard. Moi-même quand cela m'arrive j'arbore un sourire intérieur de bienheureux.

* Rendons à César ce qui lui revient de droit.

Poule écossaise à Glasgow ! disais-je dans une légende énigmatique qui vous a laissé songeur et tout d'interrogations fait. Elle s'appelle Gertrude, elle vit en Ecosse, à Glasgow plus précisément. Elle a été surprise à la Glasgow School of Art.

 www.youtube.com/watch?v=OKGabRG_czc

Je ne vous révélerai pas ce que cette poulette pouvait bien faire dans cette prestigieuse école d'art pour ne pas vous encourager dans votre tendance naturelle.

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