« Les Rafales français effectuent des missions de plusieurs heures, qui impliquent quatre ravitaillements en plein vol......Simultanément un avion de chasse s'approche de chaque côté de l'Airbus A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport) et d'une tige --le "pod"-- qui sort de son aile. Le but: se connecter au "panier" qui est au bout de la tige pour recharger le réservoir en kérosène et poursuivre leur surveillance de l'espace aérien roumain. »
Altitude de croisière : 20 000 pieds. Température extérieure : -50 °C.
- Monsieur Cenders, voulez-vous prendre les commandes un instant, je vous prie. Le temps que je me rende au petit coin?
- Aucun problème , commandant. Prenez tout votre temps, je pourvois.
C'est ainsi que se passent les choses quand sur un avion de ligne ou sur un ravitailleur en vol le commandant de bord ou son co-pilote sont pris d'une envie irrépressible de faire ce que personne ne peut faire à leur place. En l'air, cela se passe donc comme à terre. Presque comme à terre.
Vous vous demandez sans doute quelle mouche me pique de passer si subitement du bulletin scolaire du jeune Jésus à ce qui au premier abord vous paraît bien trivial. Ne voyez dans le sujet traité aucune subite régression de quelque nature que ce soit. Il ne s'agit que d'une intrusion de ma part dans une actualité brûlante où nous voyons, depuis quelques semaines, les Rafales de la Force maritime de notre aéronautique navale décoller du porte-avions Charles De Gaule en embuscade au large de la Grèce.
Je me suis souvent posé la question comment cela se passait pour le pilote qui part en mission de longue durée sur un Rafale. Si vous vous rendez un jour au Musée de l'aviation du Bourget, prenez la peine de prendre la mesure de l'exiguïté du cockpit de cet avion de chasse ou mieux encore, testez le siège-baquet du pilote. Vous comprendrez en un instant qu'il n'est pas question de se lever pour se rendre dans une petite cabine à l'arrière, ni de tenter la moindre manœuvre acrobatique qui vous permettrait de vous soulager.
Ma question est restée pendant longtemps sans réponse jusqu'au jour où j'ai fait la connaissance d'un ancien pilote de chasse. Il évoquait et je questionnais. Je lui ai posé la question qui me turlupinait depuis si longtemps, elle ne l'a ni surprise, ni choqué, bien au contraire. J'ai même cru un instant qu'il allait me répondre par la formule : " Négatif ! On se retient ! ". Maintenant, je sais, j'en suis soulagé car j'ai toujours craint le pire pour ceux qui veillaient sur nous tout là-haut avec une envie irrépressible et que nous aurions abandonné avec un laconique: " Démerde-toi, mais ramène l'avion en un seul morceau au prix qu'il coûte".

Mon interlocuteur me fit part que les vols les plus longs qu'il avait effectués pendant ses années de formation sur Fouga Magister étaient de l'ordre de quatre heures et que la question qui se posait était surtout celle de la miction, ce d'autant plus qu'il fallait boire en vol pour lutter contre la déshydratation. Les pilotes étaient sous traitement médicamenteux pour provoquer temporairement une rétention urinaire. Pour ce qui est de la question des fèces, il suffisait d'une bonne gestion de son alimentation et de prendre quelques précautions avant le vol.
Il est plus que probable que ses pratiques n'aient plus cours aujourd'hui en raison des effets secondaires inévitables d'un médicament sur les organismes. Par ailleurs, toute idée de déboutonnage de la combinaison de vol pour usage d'une bouteille en plastique ou d'un équivalent de pistolet d'hôpital est tout aussi improbable, surtout depuis que les filles deviennent à leur tour pilotes de chasse. La couche-culotte hyper absorbante réalisée dans un matériau relevant sans doute du secret-défense fait partie désormais des armes secrètes de l'Armée de l'air et de l'Aéronavale. En quelque sort une version couches-culottes pour Top-gun .
Je vous sais très ludique et vous laisse donc donner libre-cours à votre imagination sur tous les inconvénients rencontrés : les petites fuites, les macérations désagréables et les odeurs pestilentielles sans possibilité d'ouvrir un hublot, ni même d'entrebailler la verrière du cockpit. Par précaution, la poignée d'éjection qui déclenche le mécanisme du siège éjectable est sous le siège du pilote pour que ce dernier, en un moment d'inadvertance, ne la confonde pas avec une poignée de chasse-d'eau.
Le problème s'est posé d'une manière plus aigu encore pour les cosmonautes. Disposant de plus de place, un espace petit coin beaucoup plus confortable a pu être aménagé pour eux. Il restait toutefois à régler les inconvénients de l'apesanteur. Une équipe d'ingénieurs affectée aux cagoinces inventa un système à aspiration pour éviter les envolées et divagations d'étrons dans la capsule spatiale. Malgré mes longues recherches, j'ignore toujours comment ces ingénieux techniciens ont résolu la gestion des pets. Essayez donc d'en attraper un ! C'est fugace un pet, même sournois par moment. Peut-être un filet à papillons ? Interrogé par mes soins Thomas Pesquet a souri mais est resté évasif.

J'imagine donc une situation assez cocasse où des nuées d'ectoplasmes vagabondent dans la cabine sans qu'aucun membre de l'équipage ne soit à même de reconnaître les siens de manière certaine. Je crois savoir que les ingénieurs de l'Aérospatiale ont renoncé finalement à domestiquer les prouts dès qu'ils prirent connaissance de l'étude menée par des chercheurs de l'Université d'Exeter au Royaume-Uni : le gaz principal composant nos pets aurait des propriétés bénéfiques pour notre santé.
Le sulfure d'hydrogène aurait des vertus thérapeutiques, il réduirait le risque de développer certaines affections comme le cancer et préviendrait autant le diabète que la maladie d'Alzheimer. Les mitochondries présentes dans nos cellules sont protégées par ce gaz et un meilleur fonctionnement de nos cellules est ainsi garanti. Si un léger doute vous effleure sur la véracité de mes dires, je vous renvoie à la lecture de l'étude publiée dans la revue Medicinal Chemistry Communications.
De manière assez similaire, la question de se soulager se pose pour les pilotes de formule 1. Emmitouflés dans une combinaison multi-couches étanche et ignifuge pour le protéger d'un feu éventuel, installés dans un cockpit étroit sur un siège moulé sur mesure, très près d'un moteur surpuissant poussé au maximum et dégageant de ce fait une chaleur intense, ces pilotes sont inévitablement contraints de s'hydrater. Même si l'élimination se fait en grande partie par une sudation intense, il leur est nécessaire de vider leur vessie régulièrement afin de conserver une concentration totale sur la conduite de leur bolide. Couches-culottes ! Vous dis-je.