15 ans de Réveil FM International: Hommage à l'humoriste Dieudonné Kabongo Bashila !
Par Freddy Mulongo, jeudi 13 novembre 2014 Radio Réveil FM International
Kinshasa, mars 2001, le grand humoriste Dieudonné Kabongo, Freddy Mulongo et Pathron Mulongo. Photo Réveil FM International, archives
Le 20 novembre 2014, Réveil FM International fêtera ses quinze ans d'existence. En effet, le 20 novembre 1999, le coq de Réveil FM International chantait pour la première fois à Kinshasa. Après une cérémonie d'ouverture où plusieurs personnalités: ambassadeurs, activistes de la société civile avaient répondu présent, la première radio associative et communautaire émettait à Kinshasa, depuis l'immeuble Gap, sur le boulevard du 30 juin en plein centre-ville. La formation in situ des jeunes qui avait précédé l'ouverture de la station de radio était claire sur notre ligne éditoriale: Réveil FM n'est pas une radio marchande, elle ne doit jamais monnayer ses informations. Réveil FM est un média de proximité, citoyen et indépendant. Durant les huit ans de son fonctionnement à Kinshasa de 1999-2007, Réveil FM n'a jamais couru derrière les politicards-politicailleurs congolais, encore moins les ministères sauf s'il y avait grève des fonctionnaires. Mais les marchés, les quartiers sans électricité, les érosions, les pluies diluviennes, les difficultés de transport pour les kinois étaient la une de toutes les éditions d'informations y compris les Réveil Info Express de chaque heure.
Pour notre série qui commence pour les quinze ans de Réveil FM International, nous voulons aujourd'hui, rendre un second hommage à l'humoriste Dieudonné Kabongo, car nous l'avons fait lors de son décès à 61 ans sur scène en Belgique, dans la soirée du 11 octobre 2011, lors d’une représentation du cabaret « Les nouvelles de l’espace ».
Les Congolais ne savent pas honorer l'un des leurs. Certains de nos compatriotes pensent que l'art se résume à être musicien et le "Maboké" expression par excellence du théâtre. Nous avions pris la mauvaise habitude de magnifier des pseudos artistes de "Sima Ekoli", "Amata na mpunda"...Alors que l'art touche un panel important. Pourquoi un hommage à Dieudonné Kabongo Bashila ? Il était un "Grand Artiste" et "Demeurera un Grand Artiste" pour tous ceux qui l'ont connu. Pour nous, Dieudonné Kabongo était membre de la grande famille Mulongo. D'ailleurs il l'avait manifesté en 2001, il avait quitté Bruxelles pour Kinshasa afin de rencontrer l'équipe de Réveil FM.
Dieudonné Kabongo était un humoriste congolais polyvalent, comédien, conteur et musicien, belge d'adoption depuis 1970, né Dieudonné Kabongo Bashila en 1950 au Katanga et mort sur scène au Centre Armillaire à Jette, en région bruxelloise1,2 le 11 octobre 2011, malgré l'intervention immédiate de secouristes présents dans la salle.
Premier humoriste africain à s'établir en Belgique, Dieudonné Kabongo Bashila est un Bruxellois d’adoption né au Katanga en République démocratique du Congo. C'est depuis 1970 qu'il vit à Bruxelles en Belgique.
Il s'est bâti très tôt une grande notoriété en gagnant des récompenses aussi prestigieuses que le Prix du Festival du Rire de Rochefort en 1984. Il était alors propulsé aux commandes d'émissions radio et TV où il assied sa stature internationale, notamment sur TV5, tout en menant une brillante carrière en musique, au théâtre et au cinéma.
Dieudonné Kabongo était tout à la fois comédien, conteur, musicien, humoriste et citoyen engagé. L’humoriste d’origine congolaise jouit d’une énorme reconnaissance internationale. Avant de monter sur les planches des salles de théâtre, Dieudonné Kabongo fut d’abord professeur de mathématique en Belgique. Bruxellois d'adoption, premier humoriste africain à s'installer en Belgique.
En 2001 à Kinshasa, il était venu visiter Réveil-FM sur le boulevard du 30 juin et nous avions déjeuné au restaurant de l'hôtel Memling après l'émission à la radio. Perdu de vue, c'est la magie de l'internet qui nous a permis de nous retrouver. Polyvalent et éclectique, Dieudonné Kabongo restera dans les annales pour les rôles qu'il a incarné dans "Le Damier, Papa National Oyé !" (1996): Pour combler une nuit blanche, le Papa-National, président-fondateur-à-vie et premier citoyen de "son" pays veut jouer aux dames contre un adversaire de taille. Il doit donc affronter un homme de la rue mais néanmoins désigné comme "champion populaire toutes catégories"… La coutume populaire consiste en un échange verbal après chaque mouvement de pion tout en respectant l'autorité du chef suprême. Mais aussi dans "Lumumba" de Raoul Peck (2000). C'est Dieudonné Kabongo qui joue le rôle de Godefroid Munongo, le gouverneur du Katanga et ennemi juré de Patrice Emery Lumumba.
Lumumba
envoyé par MataGabin. - Regardez plus de courts métrages.
Nous republions l'interview que Dieudonné Kabongo Bashila nous avait accordée, diffusée le 7 janvier 2011 avec le titre: Dieudonné Kabongo abat les masques sur Réveil-FM
1. Réveil FM International: Pourquoi les comédiens populaires, ceux qui parlent comme la rue sont très connus plus que les comédiens classiques comme vous en RDC. A quoi est dû cela ?
Dieudonné Kabongo:Je pense que le langage de la rue est celui qui touche le plus le gros de la population. Ce qui serait intéressant, c'est de jouer du sérieux avec ce langage. Le sérieux pour les valeurs qu'il véhicule et la rue pour son côté perspicace en terme de communication. Comme le bâtiment, quand la rue va, tout va. Nos rues sont malades d'anti-valeurs et, malheureusement, la majorité de la population est porteuse de ce virus de décadence et ce virus est dangereux parce qu'il donne l'impression d'un bien-être.
2. Réveil FM International: Dans le damier sorti en 1996, vous aviez interprété merveilleusement bien le rôle du maréchal Mobutu qui était un bon damier. Et en 2000, le rôle de Godefroid Munongo, gouverneur du Katanga, vous allait si bien. Vous êtes acteur-comédien, homme de culture...La politique ne t'a jamais tenté ?
Dieudonné Kabongo: La politique nous tente toujours. Il y en a qui se donnent parfois une mauvaise impression de ne point s'y intéresser alors qu'en réalité on n'y échappe pas. La pesanteur politique attire tous ceux qu'elle gère, c'est-à-dire tout le monde. C'est dans ce sens qu'au lieu de la subir, je résiste à certaines particularités avec un soucis de proposer d'autres alternatives. Celles des congolais sont surtout culturelles. Le Congolais a perdu le sens de valeurs, je dirai même de ses valeurs. D'où il serait opportun de revenir sur le rôle de la culture comme facteur d'émancipation, de valorisation et donc de développement.
3. Réveil FM International: C'est depuis 1970 que vous vivez en Belgique donc attaché à la liberté d'expression. Sans langue de bois que pensez-vous de la la situation socio-économico politique de la République démocratique du Congo, votre pays d'origine ?
Dieudonné Kabongo: Certaines personnes accrochées à la pensée biblique m'ont fait part d'un passage disant : "Le seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien " Psaume 23 je crois. J'ai rétorqué en disant : "Le Congo est mon pays, je ne manquerai de rien". C'est tellement vrai qu'il est impensable qu'un seul enfant de cette terre puisse souffrir. Ca devrait interpeller les autorités gérantes de ce pays jusqu'au point de se dire : " C'est honteux qu'un Congolais souffre, manque l'essentiel, meure anormalement, soit tué par nous-même, aille ailleurs (surtout chez l'ancien colon) pour y chercher refuge, c'est honteux que le Congo ne soit pas un label d'excellence et de qualité" Mais il faut avoir la force de s'auto flageller. Nous avons un peu perdu la valeur de la honte. Le jour que l'on valorisera la première richesse de ce pays, c'est-à-dire le Congolais lui-même, ce pays, mon pays, étonnera la terre entière. D'où le rôle prépondérant de l'enseignement et de la culture. L'efficacité est de soigner la maladie par la racine. NB : Il faut noter que culture ne veut pas dire musique, théâtre, cinéma, arts plastiques et autres expressions artistiques que, par contre, je considère comme étant les meilleurs ouvriers de la culture.
4. Réveil FM International: Pourquoi n'avons-nous pas une pléthore des réalisateurs, comédiens de renoms en RDC ? Ya-t-il un manque de créativité, inventivité ou uniquement des moyens ?
Dieudonné Kabongo: Nous avons souvent de vrais valeurs qui ne sont pas reconnues comme tel. Il y a pléthore de Balufu, de Mweze et autres qui sont reconnus ailleurs, mais il faut reconnaître qu'il n'y a pas de vraies structures cinématographiques pouvant susciter l'intérêt de candidats dans la matière audiovisuelle. Il faudra y penser car l'image est en train de devenir l'élément le plus consommé en terme de "lecture".
5. Réveil FM International: Le 30 juin 2010, le Congo a fêté son cinquantenaire. Avec beaucoup de recul, quelle est votre analyse la dessus ?
Dieudonné Kabongo: Le Congo a fêté ? On a fêté le roi Albert, Paul Kagamé et les autres invités. Le 30 juin était prétexte d'un autre ordre du jour. D'autres en ont parlé, les Congolais n'ont fait que subir les réflexions de la Belgique, de la France, des USA et peut-être même de certains pays d'Afrique, nous n'avions pas vraiment droit au chapitre. Par rapport à l'indépendance : quelle en est sa philosophie si, cinquante ans plus tard, nous sommes une quantité non négligeable qui est allé ou qui veut aller chercher refuge chez l'ancien colon ? Une réflexion à partager : " Qu'est-ce que la Belgique a pour être un pays riche et développé que le Congo n'a pas ? La Belgique a le Congo, et le Congo n'a pas le Congo "
Repères
Filmographie
1989 Ti amo 1991 La sensation de Manuel Poutte (Prix spécial du Jury du Festival de Cannes)- court métrage (1992)
1996 Le Damier
1998 Pièces d’identité
1999 vidéo Jean Baltazaarrr d'Arno et Beverly Jo Scott
2000 Lumumba de Raoul Peck
2005 Juju Factory
2005 Le Plus Beau Jour de ma vie de Julie Lipinski
2005 Les Habit neuf du Gouverneur
2005 Le Couperet de Costa-Gavras
2010 Plus belle la vie : Oncle de Djawad.
Théâtre
Méfiez-vous des tsé-tsé
Atterrissage de Kagni Alem ; Denis Mpunga
L’invisible de Philippe Blasband ; Astrid Mamina
Droits de Succession de Vincent Azé & Eric Delcourt