Bygmalion: Jérôme Lavrilleux, rouage de la campagne Sarkozy, en garde à vue
Par Freddy Mulongo, mardi 17 juin 2014 Radio Réveil FM International
Jérôme Lavrilleux, le 22 novembre 2012 à Paris
Rouage essentiel de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, Jérôme Lavrilleux, qui a promis d'assumer ses responsabilités mais ne compte pas porter seul le chapeau, a été placé en garde à vue mardi dans l'affaire Bygmalion.
Sa garde à vue a été menée par les enquêteurs de l'Office anti-corruption (Oclciff) de la police judiciaire dans le cadre d'une enquête préliminaire du parquet de Paris, a dit à l'AFP une source judiciaire.
Longtemps homme de l'ombre de Jean-François Copé, dont il était le directeur de cabinet à l'UMP, Jérôme Lavrilleux était aussi directeur adjoint de la campagne présidentielle de 2012 de Nicolas Sarkozy, désormais au coeur d'une enquête explosive du parquet de Paris.
Gorge serrée et larmes aux yeux, il avait reconnu le 26 mai, en direct sur le plateau de BFM TV, que la campagne avait donné lieu à "un dérapage sur le nombre" de meetings et qu'un système occulte avait été mis en place pour éviter de dépasser le plafond autorisé des frais de campagne, soit environ 22,5 millions d'euros.
Ce système consistait pour la filiale de Bygmalion, Event and Cie, à facturer indûment à l'UMP des dépenses qui auraient dû entrer dans le compte de campagne de Nicolas Sarkozy, pour 10 à 11 millions d'euros, selon l'avocat de Bygmalion, Me Patrick Maisonneuve et Jérôme Lavrilleux.
"Un chiffre hors taxe", a précisé mardi à l'AFP une source proche du dossier, qui ajoute qu'officiellement, la campagne de Nicolas Sarkozy a payé à Bygmalion environ 4,3 millions d'euros, alors que les dépenses réelles s'élevaient, comme l'a révélé Mediapart mardi, à 21,2 millions d'euros (taxes comprises).
L'audition de Jérôme Lavrilleux était attendue et elle pourrait s'avérer utile aux enquêteurs qui cherchent à savoir qui était au courant d'un tel système au sein de l'équipe de campagne, à l'UMP, voire à l'Elysée.
- Les dénégations de Lambert et Cesari -
Selon une source proche du dossier, les policiers disposent déjà d'une clé USB qui révèle la double comptabilité pratiquée par Bygmalion sur les 44 meetings où la société est intervenue. Toujours selon cette source, le patron d'Event and Cie, Franck Attal, a confirmé aux enquêteurs le système mis en place.
Premier protagoniste à s'être confessé publiquement, Jérôme Lavrilleux a affirmé lundi à l'AFP qu'il comptait assumer ses responsabilités, mais qu'il attendait que chacun fasse de même. Sont visés notamment le directeur général de l'UMP Eric Cesari, et le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, Guillaume Lambert, par ailleurs chef de cabinet à l'Elysée en 2012. Le premier, qui vient d'être écarté par la nouvelle direction du parti, est considéré depuis des années comme un relais de Nicolas Sarkozy au sein du parti.
Ces deux protagonistes réfutent fermement avoir été au courant d'un système de fausse facturation. Le 27 mai, Guillaume Lambert, avait affirmé, par la voix de son avocat, qu'il était "totalement étranger aux dispositions mises en place entre Bygmalion et l'UMP".
Pourtant, selon Jérôme Lavrilleux, les deux protagonistes étaient bien présents dans le bureau d'Eric Cesari à l'UMP, avec Franck Attal, lors de la prise de décision, entre fin mai et début juin, quelques semaines après la défaite de Nicolas Sarkozy.
Il affirme avoir été informé de la décision dans la foulée, mais assure qu'il n'en a parlé ni à Nicolas Sarkozy, ni au patron de l'UMP, Jean-François Copé. Jérôme Lavrilleux dément aussi avec force que la société Bygmalion, fondée par deux proches de M. Copé, ait pu servir à constituer un "trésor de guerre" pour le député-maire de Meaux.
Elu député européen à la veille de l'explosion de l'affaire, Jérôme Lavrilleux compte aller au bout de son mandat européen, bien que des voix à l'UMP se soient élevées pour lui demander de démissionner. Mais en privé, il ne se fait aucune illusion sur son avenir politique.
Quant à Jean-François Copé, il a été contraint par l'affaire à lâcher les rênes de l'UMP.