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Billet de blog 15 mars 2020

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La démocratie, est-ce important pour l'université Paris-Saclay?

Les premières élections à l'université Paris-Saclay ont eu lieu en Janvier, menant à l'élection de sa présidente ensuite, début Mars. Mais à Paris-Saclay, qui dit élections ne dit pas démocratie... Sans parler des conditions dans lesquelles se sont déroulées ces élections.

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L'université Paris-Saclay a donc administrativement entamé son existence le 1er janvier 2020, dans la droite ligne de la ComuE (Communauté d'Établissement) du même nom et après des années de discussions et de préparatifs en vue de créer cette université "d'excellence".

Cette existence se concrétise par l'élection d'un(e) président(e), après de véritables élections universitaires. Cependant, ce processus électoral a montré l'importance accordée à la démocratie universitaire à Paris-Saclay: ce fonctionnement constitutif de l'Université semble être passé au second plan à l'université Paris-Saclay.
La préparation des élections aux conseils universitaires (Conseil d'Administration, Commission de la Formation et de la Vie Universitaire et Commission de la Recherche - soit CA, CFVU et CR) débutent fin Novembre et imposent un calendrier très serré. L'ampleur de la tâche ayant manifestement été sous-estimée, ce calendrier sera ensuite décalé d'une dizaine de jours. Autre point important d'une élection : les listes électorales. Le peu d'intérêt apporté à ces élections par les administrations des établissements et organismes de recherche constitutifs de Paris-Saclay est alors devenu évident : ces listes fourmillaient d'erreurs. Des collèges séparés étaient bien prévus entre différents domaines scientifiques (Science et Ingénierie, Biologie et Sciences de la Vie, Sciences de la Société et Humanités) mais bien des collègues biologistes de certains établissements se retrouvaient dans le collège Sciences et Ingénierie. Plus grave, l'accès à ces listes n'a pas toujours été possible. Ainsi, les collègues agents du CNRS travaillant sur un campus universitaire de Paris-Saclay n'apparaissaient dans aucune liste électorale disponible et certains se sont ainsi considérés comme non impliqués dans ces élections. Le CNRS a donné accès à ses listes électorales une fois le scrutin entamé ! Dernier aspect d'une élection, et non des moindres : la campagne électorale. Pour un scrutin concernant plus de 80000 personnes (enseignant-chercheurs et chercheurs, personnels administratifs, techniciens, ingénieurs et bien sûr étudiants) répartis sur des campus distants de dizaines de kilomètres (d'Évry à Versailles), le vecteur principal de cette campagne était la messagerie électronique. L'utilisation de celle-ci n'a pu commencer que le vendredi 24 Janvier en fin d'après-midi alors que le scrutin débutait le lundi 27 à 9h !!! Et nombre de messages électoraux n'ont été diffusés que le samedi (matin) 25 ! Et encore, quand ils ont été diffusés, car dans certains établissements, ils n'ont tout simplement pas été diffusés...

Comme indiqué dans un autre billet, ces élections ont rassemblé des milliers de collègues sur les listes pour une Université Humaniste, Démocratique et Écologique, soutenues par la FSU et la CGT. Ces listes rassemblent le plus grand nombre de votants au cumulé de tous les collèges. La répartition des votes sur les différents collèges fait que ces listes obtiennent 5 élus sur 18 au CA, ainsi que de nombreux élus à la CFVU et à la CR. 5 élus au CA, un bon moyen de peser sur les orientations de l'université? Eh bien non... En effet, les statuts (dérogatoires) de l'université prévoient en effet que ce CA est aussi constitué de 18 membres nommés aux côtés des 18 élus. Nommés par qui ? Par un Comité des Directeurs (CoDir, directeurs et directrices des composantes de l'université, certain(e)s élu(e)s, d'autres nommés comme les directeurs d'écoles d'ingénieurs), qui propose une liste de 18 noms aux élus du CA qui n'ont pas droit au chapitre et ne peuvent qu'accepter ou refuser en bloc cette liste. Après que les élus des listes UHDE aient tenté de proposer des noms pour cette liste de membres nommés, ils ont refusé celle proposée par le CoDir mais n'ont pas été suivi par une majorité d'élus qui ont préféré accepter la liste imposée sans lutter.
Certes, la CFVU et la CR, qui forment le Conseil Académique, comptent plus d'élus que de nommés: elles pourront jouer un rôle dans la gouvernance de l'université? Il ne faudra pas trop y compter: elles sont consultatives sur bien des aspects. par exemple, quand le Conseil Académique de la ComuE Paris-Saclay avait voté à 60% une motion contre le système à deux vitesses des licences de la future université, les CA et CoDir de l'époque ne l'avaient même pas relevé...

Le CA de l'université Paris-Saclay va donc pouvoir se choisir une présidente (une seule candidate en lice) sans que les élus du personnel et des étudiants ne puissent prétendre à y jouer un rôle déterminant, celui-ci revenant au bloc de membres nommés choisis par les dirigeants de composantes. Nous sommes loin du fonctionnement collégial habituel des universités, et plutôt similaire à celui d'une entreprise du CAC40 où le CA n'a pas grand chose à voir avec les personnels de l'entreprise. Que l'université fonctionne ainsi, c'est peut être le but?

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