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Billet de blog 3 octobre 2025

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Raphaël Enthoven à la lumière du film de Sepideh Farsi

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je reste profondément choqué par le fait que la gravité des propos de Raphaël Enthoven sur les journalistes palestiniens (selon lui "des tueurs, des combattants ou des preneurs d'otages"), tenus en un moment où l'État israélien les assassine, n'entraîne pas une disparition médiatique totale de ce personnage.

Ainsi de journalistes et de professionnels de la "culture", entretenus comme nous l'avons tous été dans l'idée que le souvenir de la seconde guerre mondiale nous oblige à une vigilance morale, qui considèrent après une telle sortie, qui du reste n'est pas la première, que l'homme demeure fréquentable et, à les lire, que tout n'est qu'affaire de liberté d'expression, principe sacro-saint, et que la conversation peut se poursuivre en toutes circonstances.

Je n'y entends qu'une chose : l'assassinat des journalistes palestiniens - et des Palestiniens en général - n'est pas un motif suffisant pour interrompre la conversation bourgeoise. Celle où l'on se délecte des mots, où l'on aime à manipuler les idées comme des choses abstraites plutôt que chargées du poids du réel. Il y a ainsi des professionnels des mots qui en font un usage bien pauvre, bien vain, et qui s'imaginent de ce fait même être des esprits subtils. 

Des esprits subtils plus prompts à s'inquiéter d'un rappel au réel (me demander de descendre du ciel des idées, quelle barbarie!) qu'à se montrer capables de cette empathie que peut nourrir, entre autres, la littérature. 

Las, on me dira (on nous a déjà dit) qu'Enthoven venait ces jours-là parler d'autre chose que des journalistes palestiniens : il n'y aurait donc aucun problème. 

Alors, que se poursuive la discussion bourgeoise, celle où les horreurs que l'on dit ne comptent pas dès lors que l'on sait à l'occasion se montrer bien élevé et s'exprimer sur un ton feutré. Nous sommes des gens éduqués n'est-ce pas, et les barbares c'est les autres!

Parmi les gens qu'Enthoven a vomi (pas nommément mais de fait) il y a Fatma Hassouna, la photographe palestinienne tuée le 16 avril 2025 par l'armée israélienne. Elle est au cœur du film de Sepideh Farsi actuellement en salles, "Put Your Soul on Your Hand and Walk".

Que ceux qui s'indignent moins des propos d'Enthoven que du fait que l'on puisse le juger infréquentable aillent voir ce film, découvrent cette jeune femme et se disent bien : c'est elle, entre autres, assassinée par Israël, qu'Enthoven a traitée d'assassin.

Si, sortant de la salle, l'envie de s'entretenir aimablement avec cet individu, même sur un autre sujet que la Palestine, ne s'est pas estompée, c'est probablement qu'on a à faire à un défaut d'humanité définitif. Auquel cas, qu'ajouter? 

Cette citation de Victor Hugo peut-être, que je découvre et qui semble écrite pour Enthoven : "Il me convient d'être avec les peuples qui meurent, je vous plains d'être avec les rois qui tuent."

Frédéric Debomy 

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