Frédéric Debomy (avatar)

Frédéric Debomy

Ecrivain, scénariste de bande dessinée

Abonné·e de Mediapart

136 Billets

1 Éditions

Billet de blog 7 décembre 2025

Frédéric Debomy (avatar)

Frédéric Debomy

Ecrivain, scénariste de bande dessinée

Abonné·e de Mediapart

Quand Jean-Luc Mélenchon dégonfle les accusations des pompiers pyromanes

L'audition de Jean-Luc Mélenchon par la commission d’enquête sur l’entrisme islamiste, conséquence d'un piège maladroitement tendu, n'a pas servi - au contraire - ceux qui voudraient faire de la principale force de gauche en France le siège de toutes les infamies.

Frédéric Debomy (avatar)

Frédéric Debomy

Ecrivain, scénariste de bande dessinée

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La principale force de gauche en France serait complaisante envers l'antisémitisme, l'islamisme et le terrorisme. Telles sont les accusations portées à la fois par les adversaires du progrès social et les partisans inconditionnels d'Israël, les uns et les autres se confondant souvent.

Des partisans inconditionnels d'Israël qui ne veulent d'ailleurs même pas toujours assumer leurs propos : qu'un enseignant s'indigne d'une tribune indigne par laquelle vingt personnes demandaient qu'il soit mis des conditions à la reconnaissance d'un État palestinien par la France (en plein massacre et alors que leur texte ne formulait aucune exigence vis-à-vis d'un gouvernement israélien meurtrier) et voilà qu'on l'accuse d'agir comme aux heures les plus sombres de l'histoire en établissant une liste de juifs qui seraient visés pour leur judéité. Dans le monde réel, pourtant, la "liste" en question n'a pas été constituée par cet enseignant mais par les signataires du texte eux-mêmes, qui ne sont pas tous juifs et sa critique était politique. Alors, certes, son post n'était peut-être pas très réfléchi mais le plus grave n'est pas là : ce qui doit nous soucier, c'est qu'une critique politique soit ces temps-ci, si souvent, repeinte aux couleurs de l'antisémitisme. C'est évidemment une facilité - et une lâcheté - pour ceux qui seraient en peine d'argumenter sérieusement en faveur de leurs prises de position. Parce que, par exemple, demander qu'il soit mis des conditions à la reconnaissance d'un État palestinien, particulièrement dans le contexte actuel, c'est assez abject et n'en déplaise aux signataires de la tribune incriminée, leur complaisance vis-à-vis d'Israël - non seulement Israël tout court, qui doit pouvoir être l'objet de critique comme n'importe quel autre État, mais l'Israël actuel toujours meurtrier à l'heure où ces lignes sont écrites - ressort du texte et les fait paraître peu honorables.

Dans une tribune publiée par Blast, l'avocat Romain Ruiz a réagi à la publication prochaine, par son confrère Richard Malka, d'un livre consistant en la retranscription de la plaidoirie écrite par ce dernier pour le procès qui opposait l'éditorialiste Raphaël Enthoven (l'homme qui estime qu'on ne peut pas mettre les victimes palestiniennes et les victimes israéliennes sur le même plan et qui qualifie les journalistes palestiniens de tueurs) à La France insoumise. Un texte important selon l'auteur de bande dessinée Joann Sfar, relais pour sa part des accusations mensongères du gouvernement israélien contre l'agence des Nations unies prodiguant une aide humanitaire vitale aux Palestiniens et signataire de la fameuse tribune (entre autres choses) : sur Instagram, cet ami auto-proclamé des Palestiniens sous prétexte qu'il a été voir certains d'entre eux en leur cachant certainement ses positions, écrit il y a cinq jours que "en 2007 comme aujourd'hui, les plaidoieries de Richard Malka auront valeur de documents historiques lorsqu'on tentera de comprendre les aveuglements de notre époque. L'avenir observera avec effarement cette émergence dans la France du XXIe siècle d'un parti politique ouvertement antijuif. Avec l'apathie ou la complicité de nombreux acteurs de notre monde culturel, on a laissé revenir dans les débats les mots de Drumont, de Maurras et de Doriot. Avec le Proche-Orient pour prétexte."

Rien de nouveau tant Sfar, qui ne sait que tordre le réel pour faire triompher ses vues, a répété que La France insoumise était le premier parti antisémite de France.

Mais voilà : Jean-Luc Mélenchon, auditionné par une commission d’enquête sur l’entrisme islamiste voulue par l'un de ses adversaires politiques, une forme de piège mal conçu se retournant contre ses instigateurs, a démontré avec facilité et brio l'absurdité des accusations faites à sa formation politique d'être complaisante vis-à-vis de forces obscures. Surtout, comme il avait beau jeu de le rappeler, les auditions de personnes compétentes en la matière, précédant la sienne, soulevaient pareillement cette absurdité.

Ce n'est pas la première fois qu'une "forte" déclaration de Joann Sfar est, peu après avoir été énoncée, démentie par le réel. Ce n'est sans doute pas la dernière non plus tant il est peu probable que ce personnage renonce à sa pratique d'une parole irresponsable. Qu'importe le réel, Sfar entend convaincre, le plus qu'il le peut, de ce qui l'arrange : ses attachements affectifs (par ailleurs légitimes) et son incapacité manifeste à se remettre en question doivent triompher de tout. Et tant pis pour les Palestiniens comme tant pis si cette attitude gravement irresponsable, combinée à d'autres attitudes gravement irresponsables, contribue par les confusions entretenues à favoriser la plongée du pays - le nôtre - dans l'abîme. Les pyromanes déguisés en pompiers auxquels nous avons à faire - car ces gens se revendiquent de l'humanisme - n'ont visiblement aucun sentiment de responsabilité. 

Pourtant, tout est dit, analysé, comme le montre - entre autres - ce papier : 

https://www.blast-info.fr/articles/2025/passion-islamophobe-quand-le-printemps-republicain-nourrit-lhiver-reac-wxpkP4n3QTaEWrgnutcA3w

Et comme l'illustre l'audition - accessible à chacun - d'un Jean-Luc Mélenchon qui, certes, n'est pas sans défaut et devrait parfois mieux contrôler ses sorties, mais ne se confond pas avec le diable que ses adversaires politiques les moins scrupuleux s'emploient à décrire matin, midi et soir.

En prétendant prédire l'avenir, Joann Sfar espère peut-être contribuer à le dessiner. S'il est habité d'une sourde inquiétude, je lui donne raison : je crains que l'avenir, s'il se soucie de lui, ne lui fasse pas de cadeau et notamment ne lui pardonne pas d'avoir repeint aux couleurs de l'antisémitisme la critique politique d'Israël par temps de génocide, contribuant en plus du tort fait aux Palestiniens et à leurs défenseurs à générer une confusion dont les judéophobes et les forces politiques les plus régressives de notre pays (qui sont aussi les plus antisémites) peuvent tenter de tirer avantage. C'est cela, sans nul doute et pour reprendre les mots de cet auteur, que "l'avenir" observera avec "effarement".

Frédéric Debomy

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.