Je l'avais moi-même oublié lors de l'écriture d'un billet récent que motivait mon indignation devant des actes racistes : la société française est traversée de mouvements de fond qui ne vont pas dans le sens d'une extrême-droitisation inéluctable de la société française.
Manuel Cervera-Marzal nous le rappelle dans un papier qui oublie peut-être de prendre en compte l'hypothèse d'une candidature de Dominique de Villepin à l'élection présidentielle (et ne relève bien évidemment pas non plus de la prédiction) :
https://www.hors-serie.net/melechon-2027-la-victoire-a-portee-de-main/
Ce qui veut dire que peut-être, dans pas si longtemps, tous ces personnages en roue libre qui semblent certains de dominer leur époque - ou qui peut-être craignent a contrario de perdre la main, ce qui pourrait expliquer leur hargne aux allures d'affolement - seront affaiblis. Je veux parler de tout un personnel politique de bas étage qui semble ignorer jusqu'à la signification du mot "scrupule" et de commentateurs de plateaux télé que l'on aurait du mal à qualifier sans ironie d'analystes.
Parmi eux, un personnage dont j'ai déjà parfois dit un mot et dont je précise n'avoir jamais lu les livres tant ses performances médiatiques le discréditent à mes yeux absolument : Franz-Olivier Giesbert. Il n'y aurait à l'évidence aucune raison de consacrer la moindre ligne à un tel personnage s'il n'occupait depuis longtemps, parmi d'autres personnages du même acabit, une telle place dans notre espace politico-médiatique. Un commentateur à qui l'outrance (jusqu'au ridicule) tient lieu de substance et dont la fonction essentielle semble être de se tenir du côté du manche. Rien de bien honorable donc.
Et le revoilà, ce haut personnage, avec un supposé trait d'esprit tout à fait caractéristique de ce monde conservateur et rance auquel il appartient : au "bobo", nous dit-il, aurait succédé le "bogau", c'est-à-dire le "bourgeois gauchiste". Une tentative de plus, parmi mille, de décrédibiliser tout ce qui peut être de gauche en se passant d'une argumentation véritable.
Une vacuité qui ne l'incite pas à se retenir de faire la leçon, par exemple face à une économiste qu'il accuse d'être "déguisée en économiste" avant d'être incapable d'expliquer en quoi lui serait compétent en la matière. Ou face à un animateur de télévision à qui il lance sans la moindre raison sérieuse qu'il aurait été en d'autres temps un antidreyfusard, comme si l'on ne devait pas avec un tel sujet se retenir de dire n'importe quoi.
Giesbert est, si l'on s'en tient à la définition du Larousse, un bouffon, c'est-à-dire "un personnage qui prête à rire par son caractère grotesque". Pourtant, je ne ris pas : cet homme était présent lors de cette soirée où l'on riait des morts à Gaza. On ne sait peut-être pas si Giesbert aurait été un antidreyfusard mais à chaque époque son infamie - et celle-là n'est pas moindre.
Il est donc agréable d'imaginer que, peut-être, dans un avenir proche, des personnages de ce genre perdront de leur superbe. On en a vu d'autres, d'Elkabbach à Gattegno en passant par PPDA (abstraction faite ici de ses ennuis judiciaires qui, cela va sans dire, ne sont pas non plus à son avantage), qui malgré leur propension marquée à se tenir du côté du manche (jusqu'à faire preuve d'une absence de dignité complète), se sont retrouvés un jour sur le banc de touche.
Peut-être cela arrivera-t-il également à Giesbert, le néant étant, après tout, son habitat naturel.
Frédéric Debomy
P. S. On pourra bien sûr me reprocher de porter sur Giesbert un jugement définitif alors que je n'ai pas lu ses livres. Mais quel crédit intellectuel peut-on accorder à un individu qui affirme que Bourdieu "c'est ridicule" en confessant ne l'avoir quasiment pas lu ? Il est quasiment impossible que la lecture d'un auteur d'une telle légèreté puisse avoir le moindre intérêt. Il sabre lui-même la possibilité de croire en un intérêt possible de ses livres. Je ne dis donc rien des livres de Giesbert mais j'explique pourquoi je ne me les infligerais pas. Qu'un débatteur aussi lamentable soit un écrivain pertinent relèverait assurément d'une forme de miracle et les miracles, je n'y crois pas.