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Souffler le chaud et le froid. Telle a été longtemps la façon dont l'armée birmane s'y prenait pour tenter de convaincre le monde extérieur qu'elle était prête à davantage d'ouverture politique et ainsi modérer la pression internationale. [1] Elle s'y essaie encore. Sauf que : qui peut encore y croire (ou faire semblant)?
Ainsi la dictature militaire vient-elle de libérer 23 314 prisonniers non politiques au moment même où elle arrête à tours de bras, la nuit, ceux qu'elle identifie comme des "têtes" du mouvement populaire de résistance à son coup d'Etat (une immense révolte, qu'elle n'avait certainement pas anticipé).
Rien de bien nouveau. J'écrivais par exemple dans le livre Birmanie, de la dictature à la démocratie?, en 2014 : "La libération d'une poignée de prisonniers politiques - généralement accompagnée de l'arrestation et de la détention d'autres militants - a longtemps été utilisée pour faire croire à l'imminence d'un changement." Bref : les arrestations doivent retenir notre attention, non les libérations à ceci près qu'elles fournissent des bras "civils" à la répression.
La stratégie du couvre-feu, quant à elle, avait déjà été mise en place en 2007 pour arrêter à l'abri des regards les personnes mobilisées contre la dictature. Benoît Guillaume, Sylvain Victor et moi-même rendions compte dans notre livre consacré à la mobilisation de 2007, Sur le fil, de cette stratégie (voir image). On assiste aujourd'hui à des tentatives de la population d'y résister par une solidarité dans la vigilance nocturne. Cependant, les arrestations se poursuivent.
Frédéric Debomy
[1] Avec du reste un certain succès. Beaucoup ont plaidé un "engagement constructif" avec le régime birman. Le terme vient d'ailleurs d'être utilisé par le représentant de la Birmanie (c'est-à-dire de l'armée putschiste) devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour désigner la façon dont la communauté internationale devrait selon lui traiter les maîtres du pays.