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Billet de blog 17 juin 2025

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Quand rien n'a de sens

Un grand n'importe quoi irrigue le débat public à propos d'Israël et des agressions que commet cet État sous la direction de Benyamin Nétanyahou.

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On a entendu les partisans d'Israël nous expliquer maintes et maintes fois que ce pays était une démocratie, comme si l'on pouvait décemment vanter le caractère démocratique d'un pays qui inflige ce qu'il inflige à ses voisins (la bande de Gaza comme une prison à ciel ouvert et la colonisation en Cisjordanie) puis justifier par ce même argument une réponse barbare à l'action - également barbare - du Hamas en territoire israélien.

On a fait comme si tout avait commencé un 7 octobre - avant, nulle violence, pas d'histoire, rien.

On a voulu tout justifier par la détention d'otages israéliens par le Hamas sans que les prisonniers politiques palestiniens, leurs conditions d'arrestation et de détention n'apparaissent dans la discussion. 

On a entendu le gouvernement allemand nous expliquer que son soutien à Israël s'expliquait par la capacité de l'Allemagne à tirer les leçons de son histoire, comme si tirer les leçons du nazisme ne devait pas conduire à se tenir à distance de tout ethnonationalisme et comme si armer un État occupé à tuer des civils non pour ce qu'ils font mais en raison de qui ils sont était une bonne manière de se rappeler que la Shoah fut une abomination.

On a noté l'humeur du gouvernement français contre ceux de ses nationaux qui ont entrepris de défier le blocus maritime de la bande de Gaza et entendu le premier ministre Bayrou s'indigner de voir qualifier ces derniers d'"otages" après qu'ils aient été arrêtés et détenus en toute illégalité par Israël : le mot "otages" était réservé aux otages du Hamas. Mais voilà que l'on évoque des ressortissants français détenus en Iran et, tiens, le mot "otages" est cette fois légitime.

On a largement avancé, à chaque fois qu'Israël attaquait l'Iran, qu'Israël avait le droit de se défendre. Et on laisse bien trop Nétanyahou se présenter en défenseur du "monde libre" face à la menace nucléaire iranienne, comme si une solution diplomatique n'avait pas été sapée par le grand allié d'Israël que sont les États-Unis et comme s'il ne fallait pas un tant soit peu s'inquiéter de la menace nucléaire israélienne. Dans un livre de 2021 paru en français en 2022, Le Précipice (Lux Éditeur), Noam Chomsky évoquait la perspective d'instituer une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient et le positionnement d'un Iran qui avait "longtemps été au premier rang des pays réclamant [son] établissement" mais aussi l'obstacle majeur qu'était le refus de Washington "que l'arsenal nucléaire israélien soit soumis à des inspections et encore plus à un processus de démantèlement." Question : si l'on admet qu'au vu de la nature du régime iranien la perspective de le voir posséder la bombe n'a rien de rassurant, ne peut-on s'inquiéter aussi de la savoir entre les mains d'un État qui viole constamment le droit international et plus encore s'adonne à la plus totale barbarie ?

Ce ne sont que des exemples de l'état délirant d'un débat où l'on entend certes aussi des choses pertinentes mais où se donne à observer une dose absolument affolante de n'importe quoi.

Avec des dirigeants occidentaux demeurant incapables de lâcher un État qu'il faudrait pourtant sanctionner, d'une part pour sauver des vies mais aussi pour ne pas discréditer ce qu'il y a à sauvegarder dans les "démocraties libérales" à la grande satisfaction d'un Poutine et des autres dirigeants autoritaires.

Au lendemain du nazisme, il y eut une tentative d'élaborer un ordre international permettant au monde d'éviter au maximum de connaître de nouvelles barbaries. Nétanyahou ne cesse de porter atteinte à cet héritage, nos dirigeants occidentaux (ceux du moins qui ne se montrent pas même capables de reconnaître un État palestinien) ne peuvent-ils donc en tirer les conséquences et se préoccuper un peu de sauver les vies palestiniennes ? Plutôt que se perdre en atermoiements et se rendre, en notre nom, complices du pire ?

La réponse, à ce jour, est non. Seuls ceux, citoyens et personnels politiques, qui se mobilisent en France comme en d'autres endroits semblent ne plus supporter ces images, qui nous parviennent jour après jour, d'enfants pleurant leurs parents disparus sous les décombres d'immeubles abattus par "l'armée la plus morale du monde". Tout porte à croire que pour nombre de nos brillants dirigeants cela, certes, est gênant, mais rien de plus.

Cela n'est vraiment pas la peine de se demander comment le nazisme, l'Occupation et tant d'autres choses ont pu arriver. Gaza n'est pas Auschwitz mais Auschwitz n'était pas filmé. 

Frédéric Debomy

P. S. Trump, bien entendu, est un problème particulier. Mais avant Trump, il y eut Biden. 

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