Cela n'en finit pas : notre débat public et précisément l'évocation de ce qui se passe en Israël et en Palestine sont pollués, constamment, par la volonté de responsables politiques et de journalistes pour le moins orientés de débusquer chez Jean-Luc Mélenchon non pas une expression maladroite ou même ambiguë (il en existe, on peut le lui reprocher, mais que dire alors de tant de sorties de tant d'autres hommes ou femmes politiques sur tant de sujets ?) mais l'introuvable preuve que ce dernier serait antisémite, nombre des "preuves" avancées relevant de la pure interprétation. "S'il a dit ça c'est pour dire autre chose", en somme. Même chose pour Rima Hassan, l'autre supposée personnalité diabolique de notre monde politique. Qu'importe ce qu'elle dit, c'est toujours qu'elle voulait en fait nous suggérer quelque chose contre les juifs ou encourager la sympathie pour le Hamas.
Pendant ce temps, on aura assisté à la promotion de toutes ces voix qui voulaient que le conflit israélo-palestinien se résolve par la guerre, c'est-à-dire nullement des voix d'adultes responsables, et l'on aura laissé se dire un certain nombre d'abominations par lesquelles se révélait une inhumanité profonde. On aura vu s'exprimer encore et encore l'indigne indignation de ceux pour qui refuser l'écrasement de Gaza, et ce qui a lieu en Cisjordanie, est preuve de barbarie.
Lorsque des historiens (ou, je l'espère, des juristes : une parole volontairement décorrélée des faits, contribuant à compliquer la perception d'un crime et des responsabilités dans ce crime, n'est-ce pas de la complicité ?) se pencheront de bonne foi sur l'ensemble des paroles émises en France autour de cette période qui court du 7 octobre 2023 à aujourd'hui, croit-on vraiment que Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan seront ceux qui apparaîtront comme des promoteurs de haine?
La bascule à laquelle nous commençons à assister (en somme : non, ceux qui refusaient le massacre des Palestiniens n'étaient pas ceux qui étaient du mauvais côté de l'histoire) va se poursuivre, inéluctablement.
Je suis peu optimiste quant à la possibilité qu'on renvoie à l'avenir tous ceux qui auront par leurs prises de position pris une responsabilité dans la poursuite du massacre (et ne l'admettront pas) à ces prises de position chaque fois qu'ils entreprendront de s'exprimer publiquement et, surtout, de jouer les indignés sur quelque sujet que ce soit. Il le faudrait pourtant, non par simple morale mais pour que leur capacité de nuisance ne perdure plus.
Frédéric Debomy