Le Hamas ne pouvait pas ne pas savoir que la réponse du gouvernement israélien aux massacres du 7 octobre 2023 serait violente.
Aussi, ceux qui l'accusent d'avoir sacrifié la population de Gaza en plus d'avoir agi de manière barbare en Israël ont raison.
Le problème survient lorsque cette critique du Hamas s'accompagne d'une relativisation du crime commis en réponse par Israël : une multiplication des "7 octobre" en territoire palestinien.
On entendit et l'on entend encore que la guerre menée par Israël était légitime, les moins inhumains des soutiens à cette offensive estimant maintenant que le gouvernement de Benyamin Nétanyahou va trop loin.
Le risque porté par cette réponse était pourtant grand pour les Israéliens comme pour les juifs du monde entier, potentielles victimes collatérales de ce qui se joue au Proche-Orient. Peut-être certains s'en rendront-ils compte tardivement : affirmer que cette guerre était légitime revenait à faire le jeu des extrémistes tant israéliens que palestiniens. Une société israélienne et une diaspora juive entièrement occupées à réclamer un règlement politique d'une situation d'injustice n'ayant que trop duré auraient pesé, peut-être (surtout la première), sur un gouvernement dont il n'y avait, sans cela, rien à attendre en termes d'efforts de paix.
Il était sans doute peu probable qu'une telle mobilisation ait lieu, les attentats du 7 octobre 2023 occasionnant ou ravivant des douleurs - et des inquiétudes - importantes.
Mais renchérir sur la barbarie du Hamas, et la dépasser, qu'est-ce que cela a produit ? Le constat que font ceux qui sont attachés aux droits humains que la volonté gouvernementale d'annihiler un peuple ne rencontre pas dans la société israélienne une suffisante résistance ne saurait être à l'avantage d'Israël. Car ce n'est plus la barbarie du Hamas qui occupe prioritairement les esprits.
Certains sans doute ont été aveuglés par ce long moment où, dans l'espace politico-médiatique de pays comme le nôtre, le consensus autour de la cruauté du Hamas était accompagné d'un aveuglement volontaire quant à ce que subissaient en retour les Palestiniens.
Mais aujourd'hui, écrit Haaretz ce 20 mai 2025, "le monde entier observe avec stupeur" - et à l'inverse de "nombreux Israéliens" qui "refusent de voir" - "que ce que fait Israël à Gaza [relève] d’un crime de guerre collectif".
On peut donc poser aux défenseurs inconditionnels d'Israël, qu'il s'agisse de communautaristes maquillés en universalistes ou de brutes peu ou pas déguisées, cette question : ce qui se passe, conséquence de votre approbation de l'idée d'une guerre légitime, est-ce à l'avantage de ce pays auquel vous tenez ?
S'il n'en reste qu'une
J'avais à peine rédigé le texte ci-dessus que je prenais connaissance des propos tenus ce jour même par une personnalité dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, Rachel Khan. Des propos énoncés sur CNews et dont elle doit être satisfaite puisqu'elle les a mis en ligne sur son compte Instagram : si l'on parle de génocide, explique-t-elle, c'est parce que la France - notamment - est "très fortement infiltré[e] par cette idéologie de l'islam politique, du terrorisme islamiste qui aujourd'hui donne des leçons à Israël." Parler de génocide c'est reprendre, dit-elle, "la propagande du Hamas" - et non utiliser le même terme qu'un certain nombre de juristes.
Mais Khan n'arrête pas là sa dénonciation de la "propagande qui infuse toutes les strates de notre société". Elle dénonce aussi comme fake news la Une du journal L'Humanité montrant un enfant victime de malnutrition - précisément de l'usage par le gouvernement israélien de la faim comme d'une arme de guerre. Or, relève notamment le Huffington Post, la fake news n'est pas là : la fake news, c'est de dénoncer comme fake news la responsabilité d'Israël dans la situation de cet enfant ("Osama, 5 ans, dont la mucoviscidose s’est empirée depuis le début de la guerre à cause du manque de viande, de poisson et de compléments alimentaires pour l’aider à digérer la nourriture"). Pour défendre Israël, Rachel Khan est donc prête à mentir sur le sort d'un enfant que l'on affame.
Les propos de cette personne - dépourvue des limites qui caractérisent, heureusement, d'autres défenseurs d'Israël - nous rappellent décidément combien il est peu nécessaire d'aller chercher l'inhumanité dans les poubelles de l'histoire.
Frédéric Debomy
Source (outre Haaretz)