Certains en restent pourtant à leur obsession d'assimiler toute critique d'Israël à de l'antisémitisme.
Le toujours subtil Joann Sfar, qui avait quasi-miraculeusement réussi à tempérer ses ardeurs commentatrices ces derniers temps, s'insurge ainsi il y a deux jours sur son compte Instagram qu'à la télévision, selon lui, "de grands spécialistes [...] ne voient aucune différence entre les mollahs et Tel-Aviv." Il a même "parfois l'impression que la télé des mollahs émet depuis Paris !"
On serait "intransigeants avec Israël et nuancés au sujet des mollahs." Et l'explication de tout cela serait, comme à l'habitude, l'antisémitisme : Sfar dessine une jeune femme dirigeant un "séminaire de déontologie" et expliquant aux participants dudit séminaire que "votre défense des mollahs doit se faire à l'aide d'autres arguments que notre détestation viscérale d'Israël." "Et des juifs ?", demande un participant. "Bien entendu", répond la jeune femme.
Résumons : le gouvernement dirigé par Benyamin Nétanyahou décide d'attaquer l'Iran en expliquant qu'il veut faire disparaître la menace du nucléaire iranien en un moment où son action meurtrière à Gaza est de plus en plus critiquée et où des négociations devaient avoir lieu sur ce sujet avec le régime iranien, qui s'est montré par le passé ouvert à la recherche d'une solution négociée sur ce point. On constate alors que l'attaque de l'Iran se double de la poursuite du carnage à Gaza, ce qui pose l'hypothèse d'une manœuvre de diversion du gouvernement Nétanyahou : détourner l'attention de ce qui se passe à Gaza et plus généralement de tout ce qui met actuellement en difficulté le premier ministre israélien. Beaucoup s'inquiètent par ailleurs de cette nouvelle violation du droit international qu'est l'attaque de l'Iran, convaincus que le monde a besoin de règles pour ne pas sombrer dans la barbarie et que ce qui a pu être mis en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale - un maximum de règlement des conflits entre États par le multilatéralisme - doit être préservé et renforcé et non mis en péril. Parmi ceux et celles qui en sont convaincus figurent notamment des activistes iranien.ne.s opposé.e.s au régime des mollahs, un régime dont personne dans le débat public français ne conteste le caractère détestable. L'inquiétude concerne aussi les victimes civiles iraniennes et israéliennes de cette attaque déclenchée par Nétanyahou ainsi que ses conséquences quant à l'avenir : possibles détermination accrue du régime iranien à se doter de l'arme atomique et chaos régional semblable à ce que l'on a pu observer ailleurs à la suite de ce genre d'initiative guerrière. La question de la sécurité d'Israël étant ici posée : entreprendre de tout détruire autour de soi, est-ce bien la meilleure façon d'assurer ladite sécurité ?
Ce sont là toutes les raisons pour lesquelles des voix nombreuses - israéliennes, iraniennes et à vrai dire de partout - critiquent l'initiative de Nétanyahou.
Mais pour Joann Sfar ces critiques reviennent à préférer le régime iranien au régime israélien (ce qui au passage nous renseigne sur la conviction de Sfar que la supériorité morale d'Israël n'est pas discutable même après que plus de 50 000 enfants aient été tués ou blessés dans la bande de Gaza selon un bilan de l'UNICEF du 28 mai 2025) et à exprimer une "détestation viscérale d'Israël" et "des juifs."
C'est intelligent.
Frédéric Debomy
P. S. Les chiffres cités en ouverture du texte sont des estimations datées du 19 juin.